Argent & Crédit > Rédigé le 30 août 1996
Payez plus tard :
Comment utiliser au mieux les différents crédits à la consommation.

Chiffres
Dure, dure, la rentrée! Après des vacances formidables, mais plus chères que prévues, et le tiers provisionel, le compte en banque est à sec. Pourtant, la note promet de s'allourdir: il faut équiper les enfants pour l'école, remplir le congélateur, emmener la voiture à réviser, renouveler sa garde robe, et pourquoi pas, s'offrir le canapé ou l'ordinateur multimédia devenu indispensable. C'est le découvert assuré, l'impasse sur le superflu et la fin de mois impossible à boucler. Et pourquoi ne pas payer plus tard?

Les grands magasins se bousculent pour vous offrir des solutions de crédit et des cartes privatives. Il y en a déjà plus de quinze millions en circulation. Et l'Etat offre une réduction d'impôt en promotion sur les prêts à la consommation (lire l'encadré Comment réduire ses impôts en empruntant). Seul impératif pour les «fauchés» : profiter des avantages sans se faire piéger.

1: Choisir la meilleure carte.
Il y a carte de crédit et carte de crédit. Contrairement à un abus de langage répandu, les cartes permettant de payer plus tard ne sont pas de banales cartes bancaires. Ces dernières sont ce que les Anglais appellent des "debit cards" et non des "credit cards". Une vraie carte de crédit est une carte avec laquelle on règle ses achats par mensualités étalées sur un ou deux ans, mais en payant des taux d'intérêt élevés. Il en existe de deux sortes. Les premières, appelées cartes privatives, ont été lancées par des établissements de crédit, type Cetelem ou Cofinoga, et sont acceptées dans les réseaux de plus en plus étendus. La carte Aurore du Cetelem permet de payer dans plus de 100 000 points de vente tandis que la carte Cofinoga est acceptée par plus de 10 000 magasins, notamment Monoprix, Casino, Nicolas ou les stations Total.

Avantages incontestables: la plupart de ces cartes sont gratuites et il est possible de se les procurer en moins d'un demi heure. Il suffit de se présenter au service carte d'un magasin qui les distribue, muni d'un relevé d'identité bancaire, ou d'un chèque annulé, et d'une pièce d'identité. En théorie, il faut aussi un bulletin de salaire. Mais si vous êtes pressé et que vous n'en avez pas sur vous, la bonne foi est souvent suffisante. A condition, bien sûr, de réussir son examen de passage. Si vous répondez que vous êtes propriétaire, que vous êtes dans la même entreprise depuis trois ans, et à la même banque depuis cinq ans, c'est dans la poche. Vous repartirez avec une jolie carte gravée à votre nom. L'organisme se contente en général d'une vérification sommaire au fichier des interdits bancaires et des incidents de remboursements de crédit.

La seconde famille de cartes de crédit a été développée plus récemment par les banques, pour concurrencer les cartes privatives. Leur principal atout est la simplicité: en plus de votre carte de crédit habituelle, la banque vous donne une seconde carte Visa ou Mastercard. La seule différence avec votre première carte est que cette seconde carte ne puise pas sur votre compte courant, mais directement sur un crédit, que vous remboursez ensuite en petites mensualités. Leur principal inconvénient par rapport aux cartes privatives est qu'elles sont payantes. Mais avant de se servir de ces cartes pousse-au-crime, il faut savoir utiliser au mieux leurs avantages et leurs différents modes de règlement.

2: Le paiement différé.
Le premier avantage des cartes de crédit est d'offrir un différé de paiement parfois confortable. Jusqu'à sept semaines de répit sans débourser un centime d'intérêt, si on calcule bien le jour des courses. C'est le cas avec la carte Cofinoga. Si vous décidez, le 16 septembre, de remplir votre caddie à Monoprix ou Casino, d'acheter un lave-vaisselle au BHV et de passer faire le plein chez Total, on ne vous réclamera pas un sou avant le 5 novembre. De quoi attendre la paye de septembre et d'octobre pour se refaire. Comment? Tout simplement parce que les comptes sont arrêtés le 15 de chaque mois, et les règlements exigés le 5 du mois suivant. Une dépense le 16 ne sera donc comptabilisée que le 15 du mois d'après, et débitée le 5 du mois d'encore après. La Carte Aurore est moins généreuse. L'arrêté des comptes se fait entre le 25 et le 27, pour un débit le 7 du mois suivant, ce qui fait tout de même jusqu'à six semaines de différé. La plupart des cartes privatives sont réglées sur ce rythme: la carte Fnac, par exemple, arrête les comptes le 24 du mois pour un paiement le 5 du mois suivant.

Pour profiter au maximum de ce système, n'oubliez pas d'envoyer chaque mois un chèque à l'organisme de crédit, pour régler le solde de vos achats, sinon le compteur des taux d'intérêt se met en route. La carte Cofinoga vous facilite la tâche: non seulement elle offre le plus long différé, mais en plus le montant du prélèvement automatique est modulable en fonction de vos achats, pour vous éviter d'utiliser le crédit.

3: Le crédit gratuit.
Pour payer encore un peu plus tard, il existe le crédit gratuit qui permet d'étaler ses règlements à peu de frais. Il s'agit d'un véritable crédit, pris en charge par le magasin. Il n'est pas totalement gratuit, dans la mesure où le commerçant doit obligatoirement offrir une remise à ceux qui peuvent régler comptant, par exemple de 5% à la place d'un crédit gratuit sur dix mois. Seul problème, cette opération est souvent réservée à des offres spéciales ou à des périodes de promotion. Difficile de les connaître en dehors des lieux de vente.

4: Le crédit revolving.
Si le différé de paiement ne vous suffit pas pour vous refaire une santé financière, et que le paiement fractionné vous laisse des échéances encore trop importantes, il ne vous reste plus qu'à utiliser le crédit. Attention, car les intérêts sont exprimés en taux mensuel: 1,61% pour la carte Cofinoga ou 1,24% pour la carte Pass de Carrefour, sans assurance. Multipliez par douze pour avoir le taux annuel et vous constaterez que les intérêts vous coûtent jusqu'à un cinquième de vos achats par an. C'est à croire que les établissements de crédit n'ont jamais entendu parler de la baisse des taux d'intérêt (voir le tableau Evolution des taux des différents prêts). Les moins exhorbitants méritent néanmoins d'être mentionés. La carte Aurore du Cetelem offre ainsi une réduction d'intérêts sous forme de chèque fidélité à ses bons client, par exemple 200 francs pour un achat à crédit de 10 000 francs. Pour les clients qui s'engagent à rembourser à un rythme accéléré, au moins 11% de leur encours à chaque mensualité, le Cetelem abaisse même son taux d'intérêt à 10,92%. Une bonne affaire, car rembourser le plus rapidement possible est de toute façon la meilleure stratégie.

5: Comment rembourser?
C'est un fait, les cartes coûtent cher. Beaucoup plus cher qu'un crédit classique. Et le plus dur n'est pas de s'en servir, mais de rembourser. En général, les cartes privatives réclament des mensualités de remboursement d'environ 5% du montant de crédit utilisé, soit 600 francs pour 12 000 francs dépensés. A ce rythme, si le taux d'intérêt est de 18%, il faut deux ans pour rembourser. Et le total des intérêts payés sera de 2 400 francs. Autant dire que l'accumulation de ces petits crédits devient vite un fardeau au lieu de régler un problème provisoire de trésorerie. Comment s'en débarrasser?

Une solution astucieuse consiste à consacrer son treizième mois au remboursement de son découvert. Dans ce cas, autant se le faire payer en avance pour économiser six à huit mois d'intérêts. Si ce n'est pas suffisant, la meilleure solution est de prendre un crédit personnel classique auprès de sa banque et de s'en servir pour solder ses crédits permanents. Le taux sera plus intéressant et, pour la même somme à rembourser, on paiera moins longtemps, ou des mensualités moins élevées. Pour obtenir un taux compétitif, une petite astuce consiste à emprunter gros quitte à rembourser la partie dont vous n'avez pas besoin. La raison? Obtenir un meilleur taux, car la loi permet de rembourser un crédit à la consommation par anticipation sans aucune pénalité, à condition que chaque remboursement partiel représente au moins trois mensualités. A la Société générale, par exemple, les prêts personnels supérieurs à 50 000 francs sont offerts au taux préférentiel de 8%. C'est toujours bon à prendre. Un mois plus tard, vous pourrez rembourser la partie dont vous n'avez plus besoin, et garder un prêt du montant qui vous convient battant toute concurrence. Par exemple, pour 12 000 francs empruntés sur deux ans, la mensualité sera réduite de 600 à 543 francs.

Comme on ne prête qu'aux riches, ceux qui frôlent vraiment le surendettement à cause de leurs crédits excessifs trouveront un dernier secours auprès du Crédit Municipal de Paris. Ce dernier propose en effet des plans de désendettement efficaces pour les personnes au bord du surendettement. Le CMP prend lui-même en charge les remboursements et leur substitue un prêt à 12,85% pouvant s'étaler sur cinq ans, ou à 13,75% allant jusqu'à sept ans. Mieux vaut, malgré tout, prévenir que guérir.

Gilles Pouzin

Comment réduire ses impôts en empruntant?
La loi du 12 avril 1996 prévoit une réduction d'impôt égale à 25% des intérêts sur les crédits à la consommation. Ses conditions d'obtention sont détaillées dans une instruction de treize pages, parue au journal officiel du 5 juillet.
- La réduction d'impôt ne porte que sur les intérêts payés en 1996 et 1997.
- Les crédits permanents associés à des cartes privatives ou bancaires sont considérés comme des découverts en compte ne donnant pas droit à la réduction d'impôt.
- Pour être éligible, les crédits, locations-ventes ou locations avec option d'achat, doivent être affectés à l'achat d'un bien de consommation durable d'un montant de 3 000 à 140 000 francs.
- Si le prêt est affecté dès l'origine à l'achat d'un tel bien, le justificatif fourni par l'établissement de crédit suffit à obtenir la réduction d'impôt.
- S'il s'agit d'un prêt personnel non affecté, on peut toujours bénéficier de la réduction d'impôt, à condition de l'utiliser pour l'achat d'un bien de consommation de plus de 3 000 francs, même d'occasion, dans les deux mois suivant l'obtention du prêt. Il faut ensuite fournir une facture et le justificatif des intérêts du prêt utilisé pour l'achat.
- Les prêts pour grosses réparations de l'habitation principale, qui ont leur propre réduction d'impôt, ne sont pas éligibles à ce second avantage fiscal, mais les prêts pour grosses réparations d'une résidence secondaire le sont. En revanche, les prêts pour des travaux d'entretiens courant de l'habitation principale (peinture, etc.) donnent droit à la réduction même si la dépense est inférieure à 3 000 francs.

Evolution des taux des différents prêts
Date
30/9/95
28/10/95
18/11/95
6/1/96
27/1/96
24/2/96
30/3/96
27/4/96
8/6/96
29/6/96
27/7/96
Taux au jour le jour
5.56
6.75
5.38
4.5
4.38
4.19
4
3.75
3.75
3.69
3.56
TBB
7.9
8.2
7.8
7.5
7.5
7
7
7
6.75
6.75
6.75
Crédit tréso <10k
14.9
14.3
14.3
14.6
14.6
14.6
14.6
14.4
14.4
14.4
14.2
Taux Cofinoga
20.4
20.4
20.4
20.4
20.4
20.4
19.3
19.3
19.3
19.3
19.3
Crédit tréso >10k
12.8
12.9
12.9
12.8
12.8
12.8
12.8
12.5
12.5
12.5
12.3
Crédit immo fixe
8.4
8.3
8.3
8.2
8.2
8.2
8.2
8.2
8.2
8.2
7.8
Cofinoga mensuel
1.7
1.7
1.7
1.7
1.7
1.7
1.61
1.61
1.61
1.61
1.61
Crédit tréso <10k
22.39
21.52
21.52
21.89
21.89
21.89
21.89
21.64
21.64
21.64
21.27
Crédit tréso >10k
19.27
19.39
19.39
19.16
19.16
19.16
19.16
18.76
18.76
18.76
18.39
Crédit immo fixe
12.65
12.49
12.49
12.37
12.37
12.37
12.37
12.23
12.23
12.23
11.71
Source : Gilles Pouzin

Note: Le grand écart. En France, les taux d'intérêt à court terme ont presque chuté de moitié depuis un an, passant de 6,75% fin octobre 1995 à 3,5% aujourd'hui. Parallèlement, le taux de base bancaire n'a baissé que d'un cinquième. Le taux moyen des crédits de trésorerie et le taux de la carte Cofinoga n'ont pratiquement pas baissé, et sont respectivement à 10,7% et 15,8% au dessus du taux du marché monétaire. Aux Etats-Unis, les meilleures cartes payantes, pour 175 francs par an, offrent un taux inférieur à 10%, alors que le taux du marché monétaire est de 5,25%. L'écart entre le coût de l'argent et le prix du crédit est deux à trois fois moins cher qu'en France.


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