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Rédigé le 03 avril 1997 Les meilleures façons de s'endetter Taux fixe ou taux variable, quel prêt immobilier choisir? |
Avec
la baisse des taux d'intérêt et la chute des prix de l'immobilier, les Français
sont de plus en plus nombreux à vouloir devenir propriétaire. Pour la première
fois depuis les années 70 il est redevenu plus intéressant d'acheter que de
louer. En effet, les intérêts de remboursement d'un prêt sont maintenant moins
chers que les loyers. Du coup, les Français n'ont pas de mal à se décider. Sur
les dix premiers mois de 1996, les emprunts immobiliers des ménages ont ainsi
enregistré un bond de 22,5%. Et ce n'est qu'un début. De nombreux candidats
à la propriété qui économisaient pour accroître leur apport personnel vont profiter
des dernières baisses de taux pour se lancer. Le printemps est traditionnellement
la meilleure saison pour l'immobilier, mais le secret d'un achat réussi dépendra
beaucoup de l'évolution des taux d'intérêt, qui est suspendue au fragile équilibre
des marchés financiers.
1: La
baisse des taux est-elle terminée?
Depuis le relèvement du taux d'intervention de la réserve fédérale américaine,
mardi 25 mars, de 5,25% à 5,50%, c'est la question qui brûle toutes les lèvres.
Dans le sillage de la décision d'Alan Greenspan, le président de la Fed, le
rendement des emprunts d'Etat français à dix ans s'est redressé jusqu'à 5,9%
début avril alors qu'il était tombé jusqu'à 5,25% quelques semaines plus tôt.
Le taux du marché monétaire à trois mois, qui dépend davantage du pilotage de
la Banque de France et des influences de la Bundesbank allemande restait quant
à lui autour de 3,4%.
Après ce coup de semonce, les spéculations vont bon train. Montera-t-il? Ne montera-t-il pas? Comme personne ne connaît l'avenir, les prévisions varient énormément selon les hypothèses économiques (inflation, chômage, déficits, etc) qu'on y met. Trois exemples illustrent bien cette incertitude : d'ici mars 1998, la banque américain Merrill Lynch prévoit que les taux français à trois mois remonteront à 3,8% et les taux à dix ans à 6,65%; la Caisse des Dépôts prévoit à l'inverse que les taux à trois mois descendront à 3,1% et les taux à dix ans à 5,15%; tandis que la BNP est entre les deux avec une prévision de 3,65% pour les taux à trois mois et de 6,10% pour les taux à dix ans.
2 :
Comment évoluent les taux des crédits immobiliers?
Les candidats à un achat immobilier imaginent rarement l'impact que les décisions
d'Alan Greenspan peuvent avoir sur leurs mensualités de remboursement. Pourtant,
les taux des crédits immobiliers suivent de très près le coût des ressources
sur les marchés financiers. La référence des crédits à taux fixes est ainsi
le taux des obligations à long terme, qui peut être mesuré avec le TME (taux
moyen des emprunts d'Etat). Dans le cas des emprunts à taux variables, la référence
est le taux du marché monétaire à trois mois ou à un an, aussi connu sous le
nom de TIOP (taux interbancaire offert à Paris) ou PIBOR (Paris interbank offered
rate). Evidemment, les banques ne prêtent pas aux taux de marché. Elles prennent
une marge qui varie généralement entre 1,5% et 3% pour les prêts à taux variables
et entre 1% et 2% pour les prêts à taux fixes. Cette règle simple permet d'anticiper
assez correctement l'évolution des taux du crédit en fonction du climat des
marchés financiers.
L'évolution des taux réellement pratiqués par les établissement distributeurs de crédits immobiliers (voir le tableau Des prêts moins chers) appelle cependant deux observations. D'abord, les taux des crédits ne répercutent que partiellement les fluctuations des marchés, et avec un certain retard. «Commercialement, il est toujours plus difficile de répercuter les hausses que les baisses», résume Thierry Gilloin, responsable du marketing à la banque Woolwich. On peut donc estimer que le sursaut des taux enregistré sur les marchés fin mars ne sera pas répercuté sur les crédits avant quelques mois. Si les troubles persistent, un renchérissement du loyer de l'argent deviendra néanmoins inévitable. La seconde observation est que le coût des crédits à taux fixes et à taux variables ne suivent pas du tout les mêmes parcours. La comparaison entre les deux n'est donc pas invariablement favorable à l'une ou l'autre des deux formules.
3 :
Est-il intéressant d'emprunter à taux variable?
S'endetter à taux variable fait peur. Ne pas pouvoir prévoir le coût total d'un
crédit sur quinze ans et risquer d'être pris à la gorge par une inflation galopante
de ses mensualités est une perspective d'autant plus inquiétante dans le contexte
actuel de l'emploi. Les exemples de familles britanniques ruinées et expulsées
de leur logement à cause de la hausse des taux a laissé un mauvais souvenir.
Pourtant, de plus en plus d'emprunteurs choisissent aujourd'hui un prêt à taux
variable pour financer leur achat. En 1996, l'Union de Crédit pour le Bâtiment
(UCB) a consenti plus de 88% de prêts à taux variables. A l'Anil, l'agence nationale
pour l'information sur le logement, qui a un aperçu plus représentatif de l'ensemble
des acquéreurs, on estime qu'un emprunteur sur cinq opte maintenant pour un
crédit à taux variable. Il faut dire que les banquiers ont su les convaincre
avec trois arguments de poids : 1-les taux variables sont maintenant bien plus
bas que les taux fixes, 2- la plupart des crédits à taux variables sont dotés
de garde fous qui limitent l'impact d'une hausse des taux et rend son coût prévisible
dans le pire des cas, 3- il est toujours possible de passer d'un crédit à taux
variable à un crédit à taux fixe, c'est même souvent plus facile que de renégocier
un crédit à taux fixe (voir le tableau Fixe ou variable? Comparez).
Depuis un an, les baisses de taux décidées par la Banque de France ont permis aux crédits à taux variables de baisser bien plus fortement que les crédits à taux fixes. Pour l'acquisition d'un premier logement, la banque Woolwich offre ainsi des crédits à TIOP 3 mois +1,7%, soit 5,05% actuellement, contre 6,2% pour un crédit à taux fixe. Pour un prêt d'un million de francs sur quinze ans les mensualités commencent donc à 7 934 francs en taux variables contre 8 547 francs en taux fixe, ce qui représente une économie d'une mensualité par an dès la première année. Chez Abbey National, qui offre un taux promotionnel de seulement 3,95% la première année, on économise deux mensualités la première année. Mais les taux sont ensuite plus élevés, à TIOP 1 an +1,8% (soit 5,30% actuellement). Si les taux à cour terme montent, le coût du crédit augmente. La plupart des prêts à taux variables limitent néanmoins la hausse des mensualités à la progression de l'indice des prix, préférant rallonger la durée de remboursement, si c'est nécessaire, sans qu'elle puisse dépasser cinq ans. D'autres, comme la BNP ou le Crédit Foncier, plafonnent l'impact des hausses de taux à respectivement 2,5% et 1,3% par rapport au taux de départ. Surtout, il est toujours possible de transformer son prêt à taux variable en prêt à taux fixe. Si l'option n'est pas prévue au contrat dès le départ, il suffit de rembourser et de réemprunter à taux fixe.
4 :
Quand faut-il choisir un crédit à taux fixe?
Certaines banques permettent à leurs emprunteurs de passer du taux variable
au taux fixe sans pénalité. C'est notamment le cas à la banque Woolwich, où
les clients peuvent à tout moment passer en crédit à taux fixe. Le taux appliqué
sera alors le taux moyen des emprunts d'Etat (TME) du mois précédent le changement,
plus une marge de 1,2%, soit 6,65% actuellement. Cette possibilité d'arbitrage
peut s'avérer intéressante si les taux courts restent bas pendant au moins trois
ou quatre ans. Par exemple, si les taux courts ne montent pas pendant trois
ans et que l'on convertit ensuite son crédit avec un taux fixe de 6,8% pour
les douze années restantes, le coût total du crédit est équivalent à celui d'un
prêt sur quinze ans à 6,2%. Si le taux variable restait à 5,05% pendant cinq
ans avant que l'on passe en taux fixe, il faudrait que ce dernier soit supérieur
à 9,14% pour que le coût total du crédit soit plus cher qu'avec un prêt à taux
fixe de 6,2% sur quinze ans.
La différence entre ces deux simulations est due au fait que le poids des intérêts est proportionnellement beaucoup plus important sur les premiers remboursements. Sur un prêt à quinze ans, la première mensualité comporte 55% de paiement d'intérêts et 45% de remboursement du capital, tandis que la première mensualité de la cinquième année ne compte plus que 38% d'intérêts et 62% de remboursement de capital. Au delà de cinq ans, l'impact d'un changement de taux d'intérêt est donc beaucoup plus faible que les premières années.
Toute la question est de savoir si les taux d'intérêt à court terme resteront bas pendant cinq ans. Cet aspect du problème est extrêmement délicat, car les taux qui serviront de référence aux crédits à taux variables et à taux fixes dans cinq ans ne seront plus du tout les mêmes qu'aujourd'hui. En effet, après 1998, le franc sera théoriquement remplacé par l'euro. Les taux d'intérêt à court terme et à long terme ne seront plus ceux de la France mais ceux de tous les pays de l'Union économique et monétaire. L'évolution des crédits à taux variable dépendra alors des décisions de la banque centrale européenne à Francfort tandis que celle des crédits à taux fixes dépendra de la crédibilité de l'euro aux yeux des investisseurs internationaux. Avec de telles options, gérer son endettement offre presque autant d'opportunités aux particuliers qu'aux trésoriers d'entreprise. Et ne rien choisir les expose à autant de risques que de mal choisir.
Gilles PouzinEvolution des crédits à taux fixes | 15/2/97 | 15/2/96 | 15/2/95 | 15/2/94 |
---|---|---|---|---|
Caisse d'épargne | 7% | 7.80% | 8.20% | 7.80% |
Crédit agricole | 7% | 7.50% | 8.50% | 8% |
BNP | 7.20% | 7.90% | 8.30% | 8.30% |
UCB | 6.20% | 7.70% | 9.60% | 7.90% |
La Hénin | 6.90% | 7.40% | 9.60% | 7.75% |
Evolution des crédits à taux variables | ||||
Caisse d'épargne | 5.95% | 7.20% | 8% | 8.25% |
Crédit agricole | 5.60% | 7.10% | 8.15% | 8% |
BNP | 5.70% | 7.30% | 7.70% | 8% |
UCB | 5.20% | 6.50% | 7.30% | 7.60% |
La Hénin | 4.70% | 6.50% | 6.90% | 7.60% |
Première période (1) | Passage en taux fixe (2) | Coût total du crédit | |||
---|---|---|---|---|---|
Taux | Durée | Taux | Durée | en francs courants | |
Taux fixe | 6.20% | 15 ans | - | - | 1,538,460 |
Taux variable | 5.05% | 2 ans | 6.65% | 13 ans | 1,546,307 |
Taux variable | 5.05% | 2 ans | 7.65% | 13 ans | 1,623,242 |
Taux variable | 5.05% | 3 ans | 6.65% | 12 ans | 1,546,307 |
Taux variable | 5.05% | 3 ans | 7.65% | 12 ans | 1,595,607 |
Taux variable | 5.05% | 5 ans | 6.65% | 10 ans | 1,429,024 |
Taux variable | 5.05% | 5 ans | 9.14% | 10 ans | 1,538,460 |