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Rédigé le 26 novembre 1996 |
Anthony
Orsatelli
45 ans, ENA
Premier poste : Trésor, direction des marchés financiers
Poste actuel : Président de CDC-Marchés
Fait d'arme : création et filialisation de CDC-Marchés
Sorti de l'ENA en 1977, Anthony Orsatelli a vraiment compris l'importance des marchés financiers pour l'économie lors de son passage à New York, en tant qu'attaché financier de l'ambassade de France, de 1983 à 1985.
S'adapter
De retour en France, il entre à la direction financière des activités
internationales de la BNP et effectue deux séjours de deux ans dans les
deux autres centres financiers de la planète : Londres et Tokyo. Fort
de cette expérience internationale il est recruté par la Caisse
des dépôts en 1995 pour rationaliser ses activités de marché.
CDC-Marchés voit le jour en temps que filiale indépendante le
2 septembre 1996, avec une équipe de 900 personnes dont un tiers à
l'étranger, essentiellement aux Etats-Unis. Le deuxième objectif
d'Orsatelli est en effet l'internationalisation. "L'étroitesse des
marchés domestiques pousse à la globalisation des marchés,
explique-t-il, pour n'importe quelle grosse opération on ne peut plus
émettre de titres seulement sur le marché français. Il
faut s'adapter à ce contexte international pour survivre". Un défi
courageux pour une institution qui aurait pu se croire à l'abri avec
sa puissance sur le marché hexagonal.
Ses
idées sur le management
Il y a deux extrêmes dans le management. La méthode anglo-saxonne,
la plus sanglante, dans laquelle les gens savent ce qu'ils ont à faire,
sont très bien payés s'ils rapportent et virés du jour
au lendemain dans le cas contraire. Les règles sont connues et acceptées.
Cela crée cependant une difficulté pour constituer une équipe
avec une cohésion et une loyauté autour d'un projet d'entreprise.
Pour remédier à l'individualisme, les grandes banques américaines
ont introduit dans la rémunération de leurs cadres une notation
de leur capacité à coopérer avec d'autres départements
de l'entreprise.
A l'autre extrême, la méthode japonaise repose sur un travail d'équipe très fort, mais l'initiative individuelle est beaucoup moins reconnue, ce qui induit un manque de combativité. Entre les deux, il y a la culture française qui allie les valeurs d'entreprises et les valeurs de groupe avec une capacité à avantager ceux qui sortent du lot, même si cette dernière a eu des difficultés à émerger dans le monde bancaire. Il a fallu attendre 1993 pour qu'on accepte que les bonus puissent dépasser 100% du salaire de base, et on a été obligé d'appliquer aux opérateurs de marché des coefficients de spécialisation pour les faire sortir de la grille de rémunération des employés bancaires. On est encore loin de ce qu'on touche à Londres. L'autre problème est que ces gens ont des carrières courtes, on ne reste pas dans une salle de marché jusqu'à 60 ans, et comme la première génération d'opérateurs de marché ne s'est développée en France que dans les années 80-90, on verra comment les recaser dans dix ans, c'est un problème qu'il ne faut pas négliger, il ne faut pas attendre qu'il se pose pour y penser.
Les deux autres enjeux dans lesquels la France est en retard sont une gestion industrialisée et le développement de systèmes modernes de contrôle du risque. C'est une critique voilée, car il était de la responsabilité des managers de régler ces problèmes de ressources humaines, d'organisation et de contrôle.