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Rédigé le 08 avril 1997
La chasse aux golden boys rapporte gros :
Pourquoi les banques embauchent à prix d'or.

Chiffres
Quel est le point commun entre une équipe de football et une salle de marché? Les meilleurs joueurs se font débaucher à prix d'or. L'analogie est loin d'être exagérée. Au contraire, les transferts qui défraient la chronique sportive sont en fait sans commune mesure avec la valse des golden boys d'une banque à l'autre. Le phénomène commence à se répandre en France, où la BNP a récemment recruté une équipe de quatorze teneurs de marché du Crédit lyonnais. Mais la City de Londres reste le meilleur terrain pour ce genre d'exercice. Depuis un an, par exemple, Salomon Brothers y a recruté un des directeurs de sa concurrente Merrill Lynch qui a elle même débauché deux vedettes de la Deutsche Morgan Grenfell tandis que cette dernière raflait sans scrupule une équipe complète de 44 spécialistes de l'Amérique Latine à la banque ING-Barings.

Des salaires astronomiques
A ce stade, le président de la banque a publiquement protesté contre cette agression auprès de son homologue germanique. Il faut dire que ces pillages d'équipes finissent par coûter cher aux banques (voir le tableau Combien gagne un golden boy?). Selon les dernières rumeurs qui circulent dans la City, le responsable du trading en obligations européennes de Merrill Lynch aurait encaissé un bonus de 3 millions de livres sterling pour l'année 1996 (plus de 27 millions de francs). Au total, les bonus versés entre juin 1995 et juin 1996 par les deux cent cinquante principales banques de la City ont atteint 315 millions de livres. Les employeurs sont obligés de dérouler le tapis rouge pour recruter les vedettes des concurrents, mais aussi pour garder les leurs. La NatWest aurait ainsi distribué à l'automne dernier une prime d'un à deux millions de livres à quatre vingt de ses meilleurs traders pour qu'ils n'aillent pas voir ailleurs.

Une main d'oeuvre lucrative
Si les banques réprouvent officiellement ces pratiques et jugent la surenchère des salaires scandaleuse, on peut se demander pourquoi elles s'y livrent avec autant d'acharnement. La réalité est que ce jeu de chaises musicales en vaut sûrement la chandelle. Les golden boys génèrent en effet des commissions extrêmement lucratives pour leurs employeurs. Rien que pour les conseils en fusions et acquisitions, ils ont rapporté près d'un milliard de dollars de primes aux banques américaines en 1995. En 1996, la banque britannique Schroders a vu croître son chiffre d'affaires par employé de 13%, à 200 000 livres (1,8 million de francs), tandis que le profit avant impôt ressortait en moyenne à 50 000 livres par personne (450 000 francs), tous frais et salaires déduits.

Transfert de part de marché
La rentabilité des golden boys n'est pas le seul enjeu qui pousse les banques à se les arracher. Leur activité étant principalement commerciale ils peuvent emmener avec eux de nombreux clients. Du coup, les banques qui recrutent chez leurs concurrents s'assurent un transfert de part de marché quasi automatique. Certains opérateurs font finalement de ces pratiques une forme de croissance externe qui permet de racheter la clientèle sans payer le fonds de commerce. Les courtiers victimes de ces débauchages ripostent à coup de procès pour concurrence déloyale. Le groupe français Finacor aurait ainsi obtenu un dédommagement de 70 000 francs par jour et par personne (soit près de 14 millions de francs par an) pour les trois traders que lui a chipé son concurrent américain Cantor-Fitzgerald à l'automne dernier. Le code de déontologie de la gestion financière va même plus loin en interdisant expressément aux employeurs «d'inciter les gestionnaires au transfert systématique des portefeuilles dont ils avaient la charge dans leur établissement précédent». Avec l'internationalisation des activités financières, les banques auront pourtant du mal à faire reculer un aspect du libéralisme qu'elles ont elles mêmes encouragé.

Gilles Pouzin

Combien gagne un golden boy?
Titre Salaire annuel de base en francs Bonus moyen Salaire total en francs
Patron des marchés financiers 1,703,000 51.50% 2,581,000
Patron du corporte finance 1,508,000 65.40% 2,495,000
Patron des produits dérivés 1,457,000 91.20% 2,785,000
Patron de la gestion d'actifs 1,394,000 31.30% 1,830,000
Patron du trading obligataire 1,372,000 39.40% 1,913,000
Légende : salaires moyens des 25% les mieux payés, convertis au taux de 1£=9,40 francs.
Source : Monks partnership

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