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Rédigé
01 janvier 2000 |
Certaines actions ont gagné 300% depuis 1989. Voici celles
qui pourraient récidiver...
Garder dix actions pendant dix ans... Ce pari peut sembler fou,
alors que le monde change si vite. Pourtant, des gestionnaires patients font
fortune en gardant leurs titres très longtemps. C'est notamment le cas
du milliardaire américain Warren Buffet, qui achète des actions
de très grosses sociétés, comme Coca-Cola, American Express
ou Gillette et ne les revend, pour ainsi dire, jamais. Une stratégie
qui peut se révéler payante, même en France. En dix ans
(de fin 1989 à novembre 1999), alors que l'indice CAC 40 grimpait de
170%, une trentaine d'actions du marché à règlement mensuel
gagnaient plus, notamment Carrefour (+ 1 093%), L'Oréal (+ 863%), Pinault-Printemps
(+ 819%) ou Total (+ 513%). Une aubaine pour leurs actionnaires. Mais comment
savoir quelles actions il faudra garder pendant les dix prochaines années?
À défaut d'être devin, il faut être un peu visionnaire
pour se prêter à un tel exercice.
Préférez
les grands groupes aux petites sociétés
Pour sélectionner une dizaine de titres que vous pourrez garder dix
ans, nous avons interrogé les gestionnaires dont les choix se sont révélés
les plus pertinents à long terme, c'est-à-dire ceux dont les Sicav
ont le plus monté en dix ans.
Premier
constat: il n'était pas plus facile de prévoir l'avenir en 1989
qu'aujourd'hui
Bien sûr, le destin brillant d'une poignée de valeurs vedettes
semblait évident. "Carrefour, avec le développement des hypermarchés,
et L'Oréal avec celui des cosmétiques, étaient déjà
sur leur lancée", se souvient Jacqueline Vidé, gestionnaire
de la Sicav Parfrance (+ 276% en dix ans), chez Paribas. Mais qui avait prévu
que le Crédit Foncier, pilier de l'indice CAC 40, serait en état
de quasi-faillite en 1995? Sans parler des Euro Disney et Eurotunnel dont le
passage éclair dans l'indice CAC 40 n'a guère enrichi les épargnants.
Et qui pouvait prévoir, à l'inverse, que France Télécom
serait privatisée et deviendrait la mascotte boursière de cette
fin de siècle? "Le marché est le reflet de l'économie,
qui est elle-même le reflet de la société, résume
Laurent Tignard, gestionnaire de la Sicav AXA Valeurs Fran¨aises (+ 269% en
dix ans). Il est très difficile d'anticiper ces mouvements dix ans à
l'avance." Les gagnants des années quatre-vingt-dix apportent néanmoins
des indices précieux pour sélectionner les champions de l'an 2000.
Cette dernière décennie a, en effet, beaucoup profité au
secteur de la distribution (Promodès + 1 435%, Castorama + 599%, Galeries
Lafayette + 348% et Casino + 279%) qui était en croissance et en phase
de concentration. Les valeurs de communication (TF1 + 640%, NRJ + 545% et Publicis
+ 315%) ont également bénéficié d'un marché
porteur et de la libéralisation du paysage audiovisuel français.
Enfin, deux petites sociétés de services en informatique ont raflé
les deux meilleures performances de la décennie: Altran + 2 487% et Unilog
+ 2 368%.
La mondialisation
profite aux géants
On peut tirer plusieurs leçons de ce palmarès. "Premièrement,
il faut privilégier les grands groupes plutôt que les petites sociétés
dont les performances sont fulgurantes mais plus risquées", conseille
Louis Bert, gestionnaire de la Sicav Atout Futur (+ 288% en dix ans) au Crédit
Agricole. Pour Laurent Tignard, le point clé est la capacité d'un
groupe à réussir ses acquisitions. "Je suis, par exemple,
convaincu que Carrefour poursuivra sa croissance externe pour distancer encore
plus ses concurrents", ajoute-t-il. Parmi ses autres favoris, Rhône-Poulenc
(Aventis) est en train de devenir un leader mondial de la pharmacie. "L'Air
Liquide est aussi injustement pénalisé par le rachat de BOC, comme
il l'avait été par celui de Big Tree, alors qu'il devrait profiter
de sa position de leader mondial", explique Dominique Massé, gestionnaire
de la Sicav Azur Actions France (+ 309% en dix ans). Les autres groupes de notre
sélection (lire l'encadré "Actions à
conserver") ont également réussi des acquisitions stratégiques
ces dernières années.
Échapper
aux crises économiques
Autre règle: mieux vaut éviter l'industrie de l'automobile,
les matériaux de construction ou même la banque. "On peut
miser sur ces secteurs pour profiter d'une reprise pendant un ou deux ans, explique
Jacqueline Vidé. Mais pour dix ans, il vaut mieux investir dans des sociétés
moins sensibles aux chocs économiques." Il est vrai qu'en dix ans,
la Bourse a toutes les chances de traverser de nouvelles crises. "L'intérêt
dans ces périodes est d'avoir des valeurs insubmersibles, confie Louis
Bert. Même si elles subissent quelques mois de désaffection, elles
finissent par remonter." L'Oréal ou Sodexho bénéficient
ainsi d'une croissance régulière, même en temps de crise.
Les
nouveaux secteurs plus porteurs
Troisièmement, misez sur les secteurs d'avenir. "Les télécoms
et l'Internet seront des thèmes majeurs dans les prochaines années,
confirme Louis Bert. Mais il faut toujours faire attention à ne pas acheter
ces valeurs dans une phase d'emballement comme en ce moment car, à court
terme, elles risquent de revenir en arrière." En attendant que France
Télécom marque une pause, préférez plutôt
Alcatel. "Si l'on croit à ce secteur, Alcatel a des compétences
techniques et une bonne capacité de recherche, estime Laurent Tignard.
Et l'action est encore bon marché."
Le high
tech, pour ceux qui risquent gros
Si vous êtes prêts à prendre plus de risques, vous pouvez
miser sur d'autres sociétés de haute technologie à fort
potentiel de croissance. "L'engouement de nos enfants pour les jeux vidéo
devrait profiter à des sociétés comme Infogrames ou Cryo
Interactive", parie Dominique Massé. Parmi les sociétés
de services en informatique, Jacqueline Vidé croit toujours aux perspectives
d'Unilog, Atos ou Sopra. Enfin, l'explosion de la publicité sur Internet,
ou pour Internet, devrait profiter à des sociétés comme
Publicis ou Havas Advertising. Bien sûr, l'envolée de ces titres
donne le vertige. "Mais le fait qu'une action ait doublé en un an
n'est pas forcément un handicap pour qu'elle continue d'afficher de bonnes
performances pendant dix ans", précise Jacques Servat, gestionnaire
de Slivafrance (+276% en dix ans) au Crédit Lyonnais.
La déréglementation
des monopoles
Le dernier enseignement des années quatre-vingt-dix est que la déréglementation
des monopoles est très rentable pour les opérateurs privés,
qu'il s'agisse de l'audiovisuel, des télécommunications ou de
l'électricité. Le groupe Suez Lyonnaise a beaucoup investi dans
ce secteur ces dernières années et il devrait en récolter
les bénéfices. Son concurrent Vivendi est bien placé sur
ce créneau, mais il s'est aussi diversifié dans les télécoms
(SFR), la télévision (Canal Plus) ou Internet (Havas Interactive).
Ces secteurs sont porteurs mais ils obligeront peut-être Vivendi à
redéfinir sa stratégie d'ici dix ans. Un handicap lorsque l'on
veut garder une action dix ans.
C'était
en .....
1987 Création de l'indice CAC 40, à un niveau de 1 000 points.
1991 Total entre dans le CAC 40. Après avoir absorbé la
Compagnie du Midi (en 1988), AXA (Claude Bébéar) rachète
Equitable et entre dans le CAC 40.
1995 Après le rachat de la CFAO (1990), Conforama (1991), le Printemps
(1992), la Redoute et la Fnac (1994), Pinault entre dans le CAC 40.
1996 AXA prend le contrôle de l'UAP, qui sort du CAC 40.
1997 Suez fusionne avec la Lyonnaise des Eaux qui a elle-même racheté
le groupe Dumez en 1990.
1997 Privatisation de France Télécom.
1998 Cap Gemini revient dans le CAC 40 après quatre ans d'absence.
1999 Elf-Aquitaine, racheté par Total (Thierry Desmarest), et
Promodès, racheté par Carrefour, sortent du CAC 40.