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Rédigé
en septembre 1999 |
Quand la Bourse s'envole, les investisseurs regrettent d'avoir été
trop prudents. Qu'ils n'aient pas assez investi ou qu'ils craignent de prendre
le train en marche, leur dilemme est souvent le même: trouver les prochaines
actions qui vont monter. C'est dans ces moments que l'on redécouvre le
charme des petites valeurs. En effet, si la flambée de la Bourse a bien
eu lieu, elle n'a profité jusqu'à présent qu'aux multinationales.
L'indice CAC 40 des quarante mastodontes de la cote a ainsi gagné plus
de 100% depuis le début de 1997, alors que l'indice du Second Marché
n'affiche qu'un gain modeste de 23,6% pour la même période. "La
naissance de l'euro a incité les gestionnaires à privilégier
les plus grosses sociétés au détriment des plus petites",
résume Hervé Petit, directeur de l'analyse à la société
de Bourse Portzamparc.
Cette conséquence de la mondialisation continuera à profiter aux plus grandes valeurs pendant des années, prédit une récente étude de la Société Générale sur le match PME contre multinationales, ou small caps contre blue chips pour reprendre les surnoms que les Anglo-Saxons ont donné à ces deux catégories d'actions.
Le réveil
des petites valeurs encore sous-évaluées
Mais sur les marchés
financiers, rien n'est jamais figé. Et les petites valeurs pourraient
bientôt prendre leur revanche. "Elles n'ont pas toujours été
les dernières de la classe, rappelle Marc Tournier, gestionnaire du FCP
Ulysse, chez Tocqueville Finance. De 1993 à 1996, elles ont gagné
trois fois plus que l'indice CAC 40".
"L'accélération de la croissance devrait favoriser les petites et moyennes entreprises", explique Jean-Charles Mériaux, gestionnaire de la Sicav Saint-Honoré PME, à la Compagnie financière Edmond de Rothschild. Il est vrai que ces dernières sont plus dépendantes du climat des affaires en France que les multinationales. "Dans un contexte de reprise, les petites valeurs ont de meilleures perspectives d'amélioration de leurs profits que les grandes", confirme Frank Benzimra, analyste à la Société Générale. Selon lui, les entreprises cotées au Second Marché devraient voir leurs bénéfices grimper de 23% en moyenne cette année, contre 11% pour les sociétés de l'indice CAC40.
Du coup, la sous-évaluation des petites valeurs commence à réveiller l'appétit des investisseurs. "Elles ont d'autant plus de chances de rattraper leur retard qu'elles sont encore très bon marché", remarque Sophie Fiszman, gestionnaire de la Sicav Ofima Midcap, chez Ofivalmo. Les sociétés du Second Marché se paient en moyenne 14,7 fois le montant des profits qu'elles devraient réaliser l'an prochain, alors que ce rapport cours/bénéfices est de 21 fois pour les actions de l'indice CAC40, ce qui signifie que la valorisation des PME est, en moyenne, inférieure de 30% à celle des multinationales. Une telle aubaine n'a évidemment pas échappé aux investisseurs industriels qui lancent depuis quelque temps des OPA sur certaines valeurs oubliées de la cote: Strafor-Facom, Emin-Leydier, Sogéparc, Sogéris, Sfim, Servant Soft, Idianova... et bien d'autres. (lire également : Les sociétés favorites des gestionnaires)
Une ambition
: rejoindre le Règlement Mensuel
La vrai consécration
pour une petite valeur ne consiste pourtant pas à faire l'objet d'une
OPA, mais plutôt à devenir elle-même une grande valeur. Un
parcours très profitable pour ses actionnaires, comme cela a été
le cas pour Bolloré, Altran, Infogrames ou Guilbert, qui ont débuté
leur carrière boursière au Second Marché avant de devenir
des vedettes du marché à Règlement Mensuel. "Les petites
valeurs les plus intéressantes sont celles qui ont une chance d'entrer
un jour dans l'indice CAC 40", résume Nuno Teixeira, directeur de
la gestion chez Invesco France.
Aucun doute, les chances de gains abondent. Mais les petites valeurs sont aussi plus risquées que les multinationales, comme en témoignent les écarts de performance entre les meilleures et les moins bonnes actions de chaque catégorie (voir le tableau : Plus les sociétés sont petites, plus les variations sont fortes). Il faut être conscient de ces risques et prendre toutes les précautions avant de s'aventurer dans ce compartiment inexploré de la cote.
Choisir
une valeur et mesurer ses risques
La première
mesure de prudence consiste à n'investir qu'une faible proportion de
son portefeuille d'actions en petites valeurs: entre 5 et 30% selon le degré
de risque que l'on peut tolérer. Ce degré de risque dépend
notamment de l'horizon auquel on pense avoir besoin de son argent, car les petites
sociétés requièrent souvent beaucoup de patience. "Le
rattrapage des petites valeurs peut prendre encore un an ou deux, estime Jean-Charles
Mériaux. Ce qui laisse le temps aux épargnants d'en acheter progressivement."
Ainsi, il vaut mieux étaler ses investissements en petites valeurs sur
six mois ou un an, de façon à profiter des éventuels replis.
Ensuite, il faut choisir les entreprises sur lesquelles on souhaite miser en
respectant certains critères de sécurité. "Nous nous
limitons aux sociétés ayant une capitalisation boursière
comprise entre 500 millions et 5 milliards de francs", précise,
par exemple, François-Marie Vojcik, gestionnaire à la CCR (filiale
de la Commerzbank). On peut bien sûr tenter quelques diversifications
dans des entreprises plus petites, mais il faut savoir que leur niveau de risque
se rapproche de celui des sociétés non cotées (Lire l'encadré
: Les critères à surveiller).
La sélection
des entreprises est l'étape la plus délicate, car les petites
valeurs offrent bien plus de choix que les grandes. Si vous avez moins de 50.000
francs à consacrer aux petites valeurs, la meilleure solution pour bénéficier
d'une diversification suffisante consiste encore à investir dans une
Sicav ou un FCP spécialisé.
Si vous préférez
gérer vous-même votre portefeuille, l'un des thèmes favoris
du moment est le rattrapage sectoriel. "Quand les grandes valeurs ont beaucoup
monté dans un secteur, on cherche les petites valeurs qui pourraient
les suivre", explique Gérard Augustin Normand, président
de Richelieu Finance. Ce devrait être le cas du BHV, de Rallye ou de Monoprix
dans la distribution; de Cégid ou d'Unilog dans les services informatiques;
de Syléa, Sommer Allibert ou Montupet dans l'équipement automobile;
ou encore de Vicat dans le secteur des cimenteries. Viennent ensuite les sociétés
dont l'activité devrait profiter de la reprise économique française,
comme le fabricant de grues Legris, le transporteur Géodis, la société
de nettoyage et de surveillance Penauille Polyservices, le fabricant de chariots
élévateurs Manitou ou les bâtiments préfabriqués
Algeco.
L'intérêt
de certaines valeurs est également renforcé par leur caractère
spéculatif, comme pour le groupe du Louvre ou Generali France.
Enfin les secteurs d'avenir réservent souvent un fort potentiel de croissance,
comme pour l'éditeur de jeux Infogrames, le fournisseur de services en
ligne Jet Multimédia ou la société de tests alimentaires
AES Laboratoire. Des paris tentants, mais qui ne sont jamais gagnés d'avance.
Les petites valeurs connaissent des hausses et des baisses plus fortes que les grandes.Depuis le début de l'année, les performances des actions du CAC 40 sont ainsi comprises entre -21% et +104% pour les valeurs moyennes et entre -71% et +238% pour les actions du nouveau marché.