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le 29 août 1997 Bourse: les choix de la rentrée Après un été houleux, comment investir à la Bourse de Paris ? |
De retour de vacances, le cerveau encore un peu engourdi par la clémence de
l'été, on a bien du mal à replonger dans les palpitations de l'indice CAC 40.
Une fois de plus, les marchés financiers ont pourtant connu une saison agitée.
Entre la crise monétaire des pays émergents et les menaces de hausse des taux
de la Bundesbank, les investisseurs ont eu de quoi se faire peur. Après les
records de juillet, toutes les Bourses ont essuyé les orages du mois d'août.
Dans le sillage de Wall Street, Francfort et Tokyo, la Bourse de Paris n'échappait
pas à la contagion. Comment en est-on arrivé là? Qu'est-ce qui justifie ce yo-yo
infernal? Est-ce trop haut ou trop bas? Faut-il vendre ou acheter? Quels sont
les meilleures sélections d'actions et les bonnes décisions à prendre pour gérer
son portefeuille?
Un été
en pente douce
Pour ceux qui ont fermé les yeux tout l'été, la Bourse a pu paraître d'une stabilité
exceptionnelle. L'indice CAC 40 était à 2830 en juin; il était toujours à 2830
le 28 août. On serait tenté de dire que rien n'a changé et que tout le reste
n'est que futilité et court-termisme puéril. Invité par l'Expansion pour recevoir
le prix de l'entreprise préférée des Français, François Michelin déclarait d'ailleurs
plein de bon sens que la dictature financière des résultats trimestriels était
inadaptée à l'échelle de la vie des entreprises, qui se façonnent au rythme
de l'expérience humaine, avec un horizon minimum de cinq ans. C'est vrai, tout
va top vite, la Bourse en particulier. L'actualité qui a ponctué l'été aurait
pourtant pu réellement faire passer la croissance économique du vert au rouge.
La croissance américaine s'est ralentie tandis que le chômage continuait de
se réduire, ce qui menace les marges des entreprises dont les employés revendiquent
un meilleur traitement, comme l'a montré la grève d'UPS. Wall Street n'aime
pas ça. De notre côté de l'Atlantique l'envolée du dollar s'est poursuivie en
juillet, soutenant les exportations et la croissance. Les Bourses européennes
ont applaudi. Mais la Bundesbank a gâché la fête, menaçant de remonter ses taux
d'intérêt pour éviter que la hausse du dollar ne ranime l'inflation. La hausse
des prix à l'importation en Allemagne a en effet atteint le rythme annuel de
4,2% en juillet, un record depuis 1989. La menace a suffit à faire redescendre
le dollar et la Bundesbank a reporté sa hausse des taux à plus tard, tandis
que la croissance repartait aux Etats-Unis, selon les experts de la Fed. En
résumé, tout semble rentrer dans l'ordre, mais jusqu'à quand?
Faut-il
partir ou rester?
Ce rapide regard sur l'été ne fait qu'accroître le dilemme des épargnants rentrés
de vacances: faut-il vendre ou acheter? Dans ce contexte de va et vient des
incertitudes économiques et monétaires, la question est toujours aussi épineuse.
Les experts interrogés sont d'ailleurs très partagés quant aux ressorts du marché
français (voir le tableau Des prévisions éclectiques). D'un
côté les pessimistes et les anxieux, de l'autre les optimistes visionnaires.
Vus par le premier camp, les nuages qui s'amoncellent sur la Bourse de Paris sont nombreux et menaçants. «Nous recommandons d'être peu investi en actions françaises, prévient Jeffrey Weingarten, stratégiste chez Goldman Sachs. Nous commençons à faire la distinction entre la rhétorique et l'action du gouvernement français. Le plaidoyer préélectoral pour la baisse de la TVA a été reporté et le projet de réduction du temps de travail à 35 heures a été étendu de trois ans à cinq ans. L'impact général sur les profits est toujours probablement négatif.» Cette méfiance est partagée par d'autres banques américaines. «Restez sous-investis en actions françaises, au moins jusqu'à ce que l'afflux de mauvaises nouvelles soit terminé», conseille ainsi Richard Davidson, stratégiste européen à la banque Morgan Stanley.
Si la politique française reste suspecte aux yeux de nombreux investisseurs étrangers, la principale menace vient pourtant des marchés internationaux eux-mêmes. «Nous percevons un risque significatif sur les Bourses américaines et européennes sur les douze prochain mois, provenant d'une augmentation de l'incertitude des investisseurs dans un contexte de marchés sur-achetés et de sociétés sur-évaluées, explique Peter Chambers, stratégiste chez HSBC James Capel. Pour la première fois depuis 1994 ous avons décidé d'augmenter la part de trésorerie dans notre portefeuille type. Notre allocation d'actifs qui était de 80% d'actions, 20% obligations et 0% de trésorerie est passée à 60% d'actions, 30% d'obligations et 10% de trésorerie.» Une précaution, certes, mais on est encore loin des 5% à 10% d'actions qui caractérise le plus souvent l'épargne des Français.
Il fallait
une correction
Chez les investisseurs, l'effet d'exagération est quasi-pathologique. Il suffit
d'y penser pour relativiser leur vision pessimiste du moment. «Quand une correction
commence, les marchés trouvent inévitablement des excuses pour corriger davantage»,
résume Tim Stevenson, gestionnaire d'actions européennes chez Henderson à Londres.
Avant même de provoquer des excès, cette exagération a servi de prétexte à la
baisse du mois d'août. «Après une hausse aussi rapide il paraît évident qu'il
fallait une correction, commente un gestionnaire d'Invesco. Après on a trouvé
des raisons pour se faire peur, par exemple la crainte d'une hausse des taux
généralisée en Europe qui est en fait très improbable.» L'Allemagne a en effet
promis une hausse des taux avant la fin de l'année, mais elle devrait être modérée.
«La Bundesbank ne devrait pas remonter ses taux de plus de 0,10% à 0,25%, estime
Christian Bito, directeur de la gestion à la Banque Rothschild. Une fois que
ce sera fait, les marchés pourront repartir à la hausse.» En dehors de ces incertitudes
de court terme, le climat des affaires est en effet favorable.
«La Bourse fait du yo-yo à cause du dollar, explique Michèle Giovanetti, mais à partir de septembre les publications de résultats semestriels réservent plutôt des bonnes surprises qui feront monter la Bourse.» Sur ce front, tout dépend des ingrédients que les experts mettent dans leurs équations. Selon le consensus des prévisions des analystes recueilli par Jacques Chahine Finance (qui estime la croissance des bénéfices des sociétés du CAC 40 à 15,8% en 1997), la Banque du Louvre estime par exemple que le niveau d'équilibre de l'indice CAC 40 atteindrait 3355 si les taux d'intérêt à dix ans remontaient à 6,25% et à 3855 si les taux restaient autour de 5,65%. «Maintien des taux d'intérêt à un niveau modéré et révisions positives de la croissance bénéficiaire offrent au marché un potentiel d'appréciation significatif», commente sobrement la Banque du Louvre.
Investir
selon ses besoins
L'évolution attendue de la Bourse est bien sûr très importante pour savoir s'il
faut vendre ou acheter. Il faut néanmoins relativiser l'importance des prévisions
boursières pour deux raisons. La première est qu'elles ne sont même pas aussi
fiables que les prévisions météo. En résumé, personne n'arrive à prévoir l'évolution
de la Bourse avec régularité. Se fier aux prévisions risque donc de donner des
résultats totalement aléatoires. La seconde raison est qu'il faut avant tout
investir selon ses besoins, et non pas en fonction des réactions épidermiques
du moment. Si l'on est jeune et que l'on se constitue une épargne avec un horizon
d'une dizaine d'années il faut en placer 75% sur les actions. Si l'on est à
la retraite et que l'on a besoin de s'assurer des revenus avec son patrimoine,
il vaut mieux ne pas avoir plus de 30% d'actions.
Si l'on n'a pas le pourcentage d'actions que l'on souhaiterait avoir, il ne faut pourtant pas se précipiter pour l'acheter d'un seul coup. «Si l'on souhaite augmenter ses investissements en actions dans de fortes proportions, il faut étaler ses achats sur douze à dix-huit mois, recommande Tim Stevenson. Si l'on part de zéro, on peut commencer par acheter un peu plus agressivement dans les mois qui viennent.» Pour beaucoup d'épargnants dans cette situation, la baisse de la Bourse apparaît finalement comme une aubaine. «Le problème des investisseurs à long terme en France reste inchangé, résume Michèle Giovanetti. L'immobilier reste incertain, les placements monétaires ne rapportent plus rien et les obligations ne sont plus attrayantes compte tenu des taux d'intérêt actuels. Seules les actions restent portées par des perspectives fondamentales puissantes.»
Les
sélections de la rentrée
Que l'on accepte les arguments rassurants des optimistes ou que l'on se convertisse
aux actions pour dynamiser son patrimoine, la Bourse de Paris offre en tous
cas une foule d'opportunités. L'indice CAC 40 a perdu 9% depuis en un mois,
mais beaucoup de valeurs ont plus baissé et sont bien moins chères qu'au début
de l'été. Une occasion pour ceux qui n'en ont pas de se placer sur les plus
belles valeurs de la cote. «L'action Carrefour est redescendue de 4471 francs
à 3707 francs, observe Michèle Giovanetti. Elle n'est peut-être pas à la mode
en ce moment mais à part ça je ne vois pas de raison de ne pas en acheter. C'est
la même chose pour Saint Gobain, redescendue de 925 à 824 francs, ou L'Oréal
qui a reperdu 18% depuis son record de 2644 francs.»
Des valeurs cycliques un peu délaissées après leur premier mouvement de reprise regagnent aussi la faveur des investisseurs. «Michelin, Valéo, Rhône-Poulenc ou Usinor font partie de cette catégorie de valeurs qui sont les mieux placées pour profiter de la phase actuelle de reprise économique», explique Tim Stevenson. Les valeurs en restructuration réservent aussi des bonnes surprises, notamment dans le secteur bancaire. L'annonce par la Deutsche Bank de sa volonté d'acquérir une banque française avait ainsi entraîné une poussée de fièvre qui pourrait se ranimer à la moindre rumeur. Michèle Giovanetti recommande de s'intéresser aux AGF ou au CIC. Les préférences de Tim Stevenson vont à la Société générale, au CCF ou à la BNP. Des sociétés de taille plus modestes peuvent aussi offrir de belles opportunités. Christian Bito favorise ainsi Bic, SEB et Technip, qui devraient afficher des beaux résultats si le dollar repasse au dessus de 6,50 francs comme il l'espère. Tim Stevenson penche plutôt pour Imétal ou Salomon, deux valeurs de croissance qui devraient commencer à récolter les fruits de leurs investissements de ces dernières années.
Etablissement | Pronostic pour l'indice CAC40 | Leur commentaire |
---|---|---|
JP Morgan | 3100 fin 1998 | Le CAC 40 pourrait aller bien plus haut si les taux sont stables |
Goldman Sachs | 2850 en juillet 1998 | Nous recommandons d'être peu investi en actions françaises |
Rothshild | 3100 fin 1997 | La hausse reprendra si les taux allemands ne s'envolent pas |
HSBC James Capel | 3063 fin 1997 (1) | La hausse des profits pourrait être limitée par les hausses d'impôts |
SdB Pinatton | 3075 d'ici novembre à janvier | La consolidation traduit la phase d'attente que connaît l'économie |