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Rédigé le 21 mars 1997
Alerte aux délits d'initiés :
Mouvements de cours suspects à la Bourse de Paris.

La Bourse de Paris se serait-elle miraculeusement assainie? On pourrait le croire en voyant chuter le nombre d'enquêtes pour délits d'initiés transmises à la justice par la Commission des Opérations de Bourse : 11 en 1993, 6 en 1994, 4 en 1995. Depuis le retentissant procès Pechiney, qui avait montré l'implication d'amis de François Mitterrand dans un délit d'initié en 1988, ce type d'infraction aurait-il été éradiqué? Un doute plane sur cette apparente moralisation des affaires. En l'espace de huit jours, à la fin du mois de février, L'Expansion a identifié pas moins de trois informations qui, à l'évidence, avaient été anticipées de manière suspecte par la bourse avant d'être rendues publiques.

Un cas intriguant
Un des cas les plus intriguants est celui de Renault. Jeudi 27 février, après la clôture de la bourse, le plan de restructuration pour restaurer la profitabilité est dévoilé. Une nouvelle saluée le lendemain par un bond de l'action de 13%, à 149,90 francs. Ce qui est suspect, c'est que l'action ait commencé à monter les jours précédents malgré les mauvaises nouvelles. Le 26 février, le gouvernement refuse de subventionner les plans sociaux de Peugeot et Renault. Réaction de la Bourse : Peugeot baisse de 0,7%, Renault grimpe de 2,4%. Un enthousiasme alors inexplicable qui se prolonge le lendemain.

Autre exemple, le GAN. Le 27 février, quand l'Etat annonce son plan de sauvetage de 20 milliards, le titre dont les cotations étaient suspendues ce jour était à 123 francs. Là encore, cette bonne nouvelle pour le marché (le titre gagnera 21% le lendemain), avait été anticipée par quelques nez creux. L'action avait commencé à s'envoler dès le début du mois. Le 14 février, alors que la valeur avait gagné 9,8% la veille, le GAN s'était même cru obligé de calmer les ardeurs de la bourse et affirmant: «Rien ne justifie la hausse ». Ce qui a effectivement ralenti le mouvement d'anticipation.

Même symptôme à l'occasion de l'OPA annoncée le 4 mars sur Landanger Camus, groupe de prothèses médicales coté au second marché. Le titre qui avait végété autour de 260 francs en 1996, a subitement gagné 40% dans les premières semaines de 1997 pour se stabiliser autour de 370 francs, soit juste un peu en dessous du prix de 381 francs retenu pour la transaction.

Amende et emprisonnement
Le fait que des privilégiés puissent s'enrichir avec des bons tuyaux renforce les épargnants dans le sentiment que la Bourse n'est pas faite pour les petits. Du coup, l'ordonnance de création de la COB, prévoit de punir d'emprisonnement et d'amende les personnes disposant d'informations privilégiées sur un titre qui réaliseraient ou permettraient de réaliser des transactions sur ce titre avant que le public ait connaissance de ces informations. Tout la difficulté est de prouver la différence entre la vague rumeur et le vrai tuyau, et dans ce dernier cas de savoir qui a vendu la mèche et qui en a profité. Dans le cas d'une grande société comme Renault ou le GAN le titre est assez actif et les circuits d'information ont des ramifications dans les sphères politiques et administratives. Les détenteurs d'informations privilégiée pouvaient aussi bien se trouver dans l'état major des sociétés qu'au sein du gouvernement ou du ministère des finances. Remonter à la source d'éventuelles fuites devient alors aussi épineux que délicat. La seule façon d'éviter la propagation de bavardages indiscrets est encore la transparence : donner au public toutes les informations tout de suite.

Gilles Pouzin


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