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Rédigé
le 4 février 2000 |
N'ayez
pas peur des investisseurs étrangers
Les investisseurs étrangers détiennent 31,5% des actions
françaises, soit 3 000 milliards de francs et s’intéressent aux
sociétés qui défendent leurs actionnaires. Diabolisés
par les syndicalistes et les hommes politiques, les fonds anglo-saxons sont
régulièrement accusés de tous les maux de la mondialisation.
Fermetures d'usines, licenciements et délocalisations sont souvent mis
sur le compte de ces mystérieux investisseurs sans que l'on sache très
bien qui ils sont et ce qu'ils font vraiment. Il est vrai qu'ils sont de plus
en plus présents. Selon la Banque de France, les investisseurs étrangers
possèdent maintenant 31,5% de la Bourse de Paris, ce qui représente
plus de 3 000 milliards de francs d'actions françaises. Avec une telle
puissance financière, nul doute qu'ils ont un pouvoir important en France.
Mais ils ne sont pas forcément malfaisants. Au contraire. Les investisseurs
étrangers, et plus particulièrement les fonds anglo-saxons, ont
en réalité les mêmes intérêts que les entreprises
dans lesquelles ils investissent: ils veulent leur prospérité
et celle de leurs actionnaires..
Des investisseurs à
long terme
Du coup, le choix
des fonds anglo-saxons est un guide pour les actionnaires individuels. Lorsqu'ils
prennent 5% ou 10% du capital d'une société, c'est qu'ils croient
à son potentiel d'appréciation. "Contrairement à une idée
reçue, les investisseurs anglo-saxons ont une vision à long terme",
explique Daniel Harari, président de Lectra Systèmes, une entreprise
du second marché dans laquelle la société de gestion britannique
Henderson a pris une participation de 12%. Selon lui, les gestionnaires étrangers
mettent souvent plus de moyens que leurs homologues français pour sélectionner
leurs investissements. "Nous développons des relations régulières
avec les dirigeants des entreprises dans lesquelles nous investissons, confirme
Colin Stone, gestionnaire chez le géant de l'épargne américaine
Fidelity. Mais nous parlons aussi avec leurs clients, leurs partenaires et leurs
concurrents pour analyser leurs perspectives en toute indépendance."
(lire l'encadré : Les cinq valeurs
qu'ils apprécient")
Un choix objectif et
indépendant
Les investisseurs
anglo-saxons sont aussi plus objectifs dans leurs choix. Rien ne les oblige
à miser sur une société française plutôt que
sur sa concurrente italienne ou allemande. Quand ils le font, c'est qu'elle
répond à leurs critères de comparaison internationaux.
"J'ai toujours trouvé des idées d'investissement en France plus
facilement qu'en Allemagne, raconte ainsi Colin Stone. Il y plus de sociétés
en forte croissance dans les secteurs des télécommunications,
de la distribution et des services que dans d'autres pays."
Résultat, Fidelity a pris d'importantes participations dans de nombreuses entreprises françaises. Selon ses dernières déclarations au Conseil des marchés financiers, le géant américain possède par exemple près de 5% de TF1 et de l'enseigne de prêt à porter Brice. Et selon les données compilées par le cabinet Carson, qui analyse les portefeuilles des investisseurs institutionnels du monde entier, Fidelity détiendrait également plus de 4% du capital de Chemunex, Cider Santé, Alain Manoukian ou des Skis Rossignol; et plus de 5% du capital de Transgène, BVRP, XRT-Cerg et de l'Union des assurances fédérales. D'autres fonds anglo-saxons s'intéressent à ces sociétés. Selon les statistiques de Carson, la société Invesco aurait aussi d'importantes positions en actions BVRP et XRT-Cerg.
Plus de transparenceSi les fonds anglo-saxons savent accompagner le développement d'une société sur le long terme, ils peuvent aussi se montrer très impatients à court terme. Surtout s'ils ont l'impression d'être lésés. C'est le cas de Guy Wyser-Pratte, un gestionnaire américain d'origine française qui harcèle les dirigeants d'entreprises cotées pour les obliger à mieux traiter leurs petits actionnaires. "Nous venons de prendre 9% du capital du Groupe André et nous réclamons un siège à son conseil d'administration afin d'étudier la meilleure façon de rentabiliser son patrimoine immobilier, essentiellement composé de boutiques très bien situées en centre ville", explique Guy Wyser-Pratte. Connu pour ses raids boursiers, il a gagné de nombreuses batailles sur ce terrain, notamment l'an dernier, en prenant 18% du capital d'Intertechnique pour pousser Zodiac à lancer une OPA. "Je regrette seulement que les actionnaires familiaux aient choisi une solution franco-française alors qu'il y aurait pu y avoir une surenchère plus intéressante pour les minoritaires", précise-t-il.
Bien sûr, cette méthode un peu cavalière n'est pas du tout appréciée des patrons plus attachés à leur pouvoir qu'à l'intérêt de leurs actionnaires. En revanche, elle est considérée comme nécessaire pour améliorer les résultats des entreprises et leurs performances boursières. Le fonds de pension américain Calpers a ainsi accru ses gains de 150 millions de dollars par an en obligeant les entreprises à mieux traiter leurs actionnaires. Et il n'a pas été le seul à en profiter. Selon une étude réalisée par le consultant Wilshire, les sociétés auxquelles Calpers a demandé des comptes ont vu leur cours grimper plus vite que la moyenne des actions américaines. Une raison supplémentaire d'apprécier les investisseurs étrangers.
Gilles Pouzin