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Rédigé le 16 novembre 1998
Matif: la dernière séance
Le marché à terme de Paris a vécu.

C'était la dernière séance et le rideau sur l'écran est tombé. Vendredi 6 novembre, comme dans une chanson d'Eddy Mitchell, le Matif fêtait sa dernière séance à la criée dans une atmosphère d'enterrement. "Tous chômeurs dans deux heures" chantaient les derniers rescapés qui avaient transformé le parquet en buffet campagnard pour lutter contre la déprime.

Une chute de 90%
Depuis, un silence de mort plane entre les colonnes du Palais Brongniart. L'imposant édifice qui abritait la Bourse de Paris depuis son ouverture, en 1826, est condamné au statut de monument historique. Et la salle de transaction super-équipée inaugurée en fanfare à l'automne 1996 sera démontée et remise en l'état à grands frais.

Cette dernière criée du Matif symbolise la chute d'un marché champignon. Crée en 1986, le Marché à terme international de France connaît un succès éclair. En 1994, au plus haut de sa gloire, le Matif est le premier marché à terme d'Europe continentale et il traite le plus gros contrat à terme du monde en dehors des Etats-Unis, le Notionnel, qui enregistre un record de 450 000 transactions en une séance.

Brassage social
Mais l'euro arrive. Le contrat à terme sur taux d'intérêt allemands, le Bund, dépasse le Notionnel en 1996 et s'impose comme la référence européenne. Le Matif jette bientôt l'éponge en faisant passer ses derniers clients sur un système électronique. Depuis leur record de 1994, les transactions sur le Notionnel ont fondu de 90%. La dernière séance est aussi la fin d'une époque pour les négociateurs aux vestes bigarrées renvoyés à leurs destins variées.

"Le Matif était un brassage social, raconte Bruno Bui, un des vétérans du marché devenu directeur des options sur taux d'intérêt à la CPR. Il y avait des serveurs de restaurants vietnamien et des commis cuisiniers de La Défense recrutés pour leurs prouesses en calcul mental." Leurs reconversions ont des airs d'inventaire à la Prévert. L'un d'eux s'est acheté un camping dans le sud, un autre ouvre une épicerie japonaise, le suivant une boutique de vélos tout terrain, des chambres d'hôtes, un bar, ou un haras. "C'est plus compliqué de se recaser quand on est bilingue Français-Verlent", admet Bruno Bui. La Bourse et ses commis attendent leurs lendemains de fête.

Gilles Pouzin


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