l'Edito du dimanche > Rédigé le 15 avril 1999
Question de confiance aux épargnants :
Les grands patrons demandent l'aide des petits actionnaires.

Le capitalisme français est en ébullition. La BNP, la Société générale et Paribas s'enlisent dans leur bataille boursière pour savoir qui créera la plus grosse banque, tandis que Vivendi, le leader mondial de l'eau, s'apprête à collecter 37 milliards de francs auprès des épargnants pour financer la plus grosse acquisition jamais réalisée par un français aux Etats-Unis. Le point commun à ces opérations est que les patrons demandent l'aide des petits actionnaires pour soutenir ou financer leurs projets. Mais la question est de savoir s'ils méritent vraiment la confiance des épargnants. Bien sûr, pour courtiser leurs précieux supporters les uns promettent de ne pas licencier, les autres de réduire leurs dépenses, et les derniers d'améliorer leur transparence.

Pourtant, en coulisses, ces mêmes groupes se livrent aussi à des pratiques obscures pour arriver à leurs fins. Dans le cas des banques, ce sont elles-mêmes qui le disent. La BNP et la Société générale s'accusent ainsi mutuellement d'avoir réalisé des transactions suspectes ou frauduleuses pour déstabiliser leur adversaire. Si la parole des banquiers est aussi crédible qu'ils veulent le faire croire dans leur campagne de séduction, leurs accusations ont de fortes chances d'être fondées. Si, au contraire, ce sont de vulgaires manoeuvres, alors les promesses qu'ils font aux actionnaires sont peut-être aussi des mensonges. Dans un cas comme dans l'autre, ces comportements n'inspirent pas la confiance des épargnants.

L'appel à l'épargne populaire de Vivendi, qui veut séduire 500 000 petits porteurs, n'est guère plus rassurant. Malgré toutes les promesses faites par le président du groupe pour enrichir les actionnaires, l'annonce de son augmentation de capital, mardi dernier, a fait baisser l'action Vivendi de 8% en trois jours. Il est vrai que les investisseurs ont quelques raisons de douter de la transparence promise par le groupe Vivendi, alors que ce dernier vient de réaliser un appel à l'épargne en violant la réglementation boursière sur l'information des actionnaires.

Bien sûr, la réglementation est peut-être tatillonne et ces pratiques ne sont pas vraiment criminelles. D'ailleurs, la Commission des opérations de Bourse ne fait pas beaucoup d'efforts pour obliger les grandes entreprises à respecter ses règlements, ni pour sanctionner leurs infractions. Mais le problème est que les épargnants, eux, sont plus sourcilleux. Du coup ce climat les rend méfiants vis-à-vis de la Bourse. Alors que 84% des Français reconnaissent aujourd'hui l'utilité économique de l'industrie financière, 47% en ont une image négative, précisément par manque de confiance et par crainte des magouilles. Si les grands patrons voulaient vraiment être pris au sérieux par les petits actionnaires, ils devraient commencer par prouver leur intégrité et leur compétence, plutôt que de faire des promesses électorales.

Gilles Pouzin

Copyright©www.pouzin.com