l'Edito du dimanche > Rédigé le 2 avril 1999
Pourquoi il faut baisser les taux d'intérêt?
La banque centrale européenne s'y refuse.

Réclamée et attendue par les économistes et les hommes politiques, la baisse des taux d'intérêt de la Banque centrale européenne n'a pas eu lieu. Les dix-sept gouverneurs qui règnent en monarques absolus sur les taux d'intérêt européens ont encore décidé, jeudi dernier, de ne pas assouplir leurs conditions de crédit. Le taux d'intérêt de la BCE (la Banque centrale européenne) reste ainsi à 3%.

Cette décision porte le sceau des membres les plus austères du conseil monétaire: Hans Tietmeyer, le gouverneur de la Bundesbank allemande, et Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque de France. En se démenant contre l'inflation comme Don Quichote contre les moulins à vent, ces deux institutions ont acquis une réputation d'étrangleurs de reprise économique. Par crainte d'un retour de l'inflation après la chute du mur de Berlin, la Bundesbank avait relevé ses taux d'intérêt de 7% à l'automne 1989 jusqu'à 9,75% en 1992, ce qui avait entraîné trois années de récession. Copiant son voisin, la Banque de France avait maintenu ses taux d'intérêt autour de 10% entre l'hiver 1989 et le printemps 1993, plongeant le pays dans sa plus grave récession d'après guerre.

Conscients de l'affaiblissement de la croissance européenne, les directeurs du Fonds monétaire international se sont déjà publiquement inquiétés, le 26 mars, de la réticence de la BCE à réduire encore ses taux d'intérêt. Certains experts du FMI pensent que l'Europe devrait baisser son taux d'intérêt à 2% pour relancer la croissance, comme les Etats-Unis l'avaient fait en 1991. Même au niveau apparemment accommodant de 3%, les taux d'intérêt réels restent trop élevés pour relancer la croissance européenne. En effet, une fois que l'on déduit l'inflation, d'environ 1%, le coût réel du crédit reste d'environ 2%. Quand la banque centrale des Etats-Unis avait baissé son taux d'intérêt à 2%, alors que l'inflation de l'époque était encore de 2%, elle avait en fait réduit le coût réel du crédit à 0%, ce qui avait déclenché la plus forte reprise économique du siècle.

Le problème de l'Europe aujourd'hui n'est pas de lutter contre l'inflation mais contre le chômage. En effet, la plupart des économistes estiment qu'une inflation inférieure à 1,5% ou 2% est insuffisante pour stimuler l'économie. Or, c'est bien la situation dans laquelle l'Europe bascule. Et pendant ce temps la reprise s'essouffle. La France a perdu des emplois en février et les économistes estiment que le moral des consommateurs ne tiendra pas jusqu'à l'été si le chômage ne recommence pas à baisser d'ici là. La banque centrale européenne aurait alors, une fois de plus, réussi à étouffer la reprise.

Gilles Pouzin

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