l'Edito du dimanche >

Rédigé le 19 mai 1999
Un pas en avant, un pas en arrière :
Moins de charges mais plus d'impôt pour les entreprises.

Reprendre c'est voler, dit le proverbe. En annonçant la semaine dernière des réductions de charges patronales et de nouveaux impôts pour les entreprises, le gouvernement réalise, une fois de plus, l'un des tours de magie fiscale dont il a le secret: donner d'une main ce qu'il reprend de l'autre. D'un côté 25 milliards de francs d'allégements de charges sur les bas salaires payés par les employeurs, et de l'autre, 25 milliards de francs de prélèvements sur les bénéfices et d'écotaxe supplémentaires pour les entreprises.

Il n'y a pas besoin d'être inspecteur des finances pour démasquer au premier coup d'oeil l'hérésie fiscale de ce projet. Réduire les charges de 25 milliards pour augmenter les impôts de 25 milliards a tout l'air d'un jeu à somme nulle pour le secteur privé. On se demande même si le gouvernement ne se moque pas ouvertement des employeurs, puisque cette proposition intervient peu après qu'il ait généreusement annoncé la prochaine suppression de la surtaxation de 10% sur les bénéfices.

L'écotaxe a par ailleurs une ressemblance singulière avec la supercherie de la vignette automobile, créée en 1956 pour financer provisoirement les retraites. En fait de sauver les retraites, la vignette est simplement devenue un impôt sur les propriétaires d'automobiles que l'Etat s'est habitué à percevoir et à dépenser chaque année pour accroître son train de vie. L'écotaxe se profile exactement sur le même modèle. Elle est présentée avec une bonne dose de démagogie comme un impôt contre la pollution. Mais les écologistes servent en fait d'alibi au gouvernement pour créer une taxe qui servira explicitement à financer la réduction des charges sur les bas salaires, ce qui n'a rien d'écologique.

Alléger les charges sur les bas salaires pour permettre aux entreprises d'adopter la semaine de 35 heures et d'embaucher plus facilement est pourtant une bonne décision. Et comme on ne peut pas augmenter davantage le déficit budgétaire, qui approche toujours 3% du PIB, il faut bien financer cette mesure autrement. Mais pourquoi toujours faire payer la facture au secteur privé alors que le secteur public, lui, ne réduit jamais son train de vie pour financer les retraites confortables ou la réduction du temps de travail de ses employés? Pourquoi ne pas profiter de cette mesure de réduction des charges pour demander à l'Etat de commencer, enfin, à faire des économies? C'est la solution vers laquelle s'oriente l'Allemagne. Pour combler l'excès de déficit budgétaire de 100 milliards de francs attendu l'an prochain, le nouveau ministre des finances allemand, Hans Eichel, vient de demander à tous les ministères de réduire leurs dépenses de 7,4% afin que la "liberté des générations futures" ne soit pas étouffée par la dette publique. Un exemple que l'on aimerait suivre.

Gilles Pouzin

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