l'Edito du dimanche > Rédigé le 18 juin 1999
Combien rapportent les privatisations?
Avant l'arrivée du Crédit lyonnais, un bilan sur douze ans.

C'est donc maintenant qu'il faut s'intéresser au Crédit lyonnais, affirme la publicité qui invite les épargnants à investir dans sa privatisation. Mais les privatisations sont elles vraiment de bonnes affaires? L'introduction en Bourse de cette 27ème société privatisée est l'occasion de faire un bilan. Que sont devenues les 26 sociétés que l'Etat a vendu aux petits actionnaires depuis la première privatisation, celle de Saint Gobain, introduite en Bourse il y a plus de douze ans, le 23 décembre 1986?

Dans l'ensemble, les actions de sociétés privatisées ont été plutôt de bons placements. Aux cours du 16 juin 1999, 24 d'entre elles affichaient une plus-value. Compte tenu des actions gratuites attribuées aux petits porteurs après dix-huit mois de patience, les gains s'échelonnaient entre 21% pour Usinor, privatisée en juillet 1995, et 839% pour TF1, privatisée en juin 1988. Mais il faut bien reconnaître que la récente envolée de la Bourse compte pour beaucoup dans ces performances flatteuses.
Entre le creux du 20 octobre 1995, quand la France était paralysée par les grèves, et son record de jeudi, l'indice CAC 40 de la Bourse de Paris a fait un bond prodigieux de 159%. Et les cours des principales sociétés cotées ont été en moyenne multipliés par cinq depuis le plus bas qui a suivi le krach de 1987. En d'autres temps, quand la Bourse allait mal, les actions des privatisées étaient plutôt de mauvaises affaires. Si l'on exclut les quatre sociétés privatisées ces deux dernières années, les trois quarts des autres ont connu des baisses à un moment ou un autre de leur parcours boursier. Pour les petits porteurs qui auraient vendu au plus mal, les pertes se seraient échelonnées entre -7,5% sur l'action Pechiney, à son plus bas du 21 septembre 1998, et -31% pour l'action Alcatel (anciennement CGE), à son plus bas du 29 janvier 1988.

Mais derrière les chiffres, l'histoire des sociétés privatisées est avant tout celle des entreprises, de leurs stratégies et de leurs destins. Près de la moitié d'entre elles ont ainsi déjà fusionné avec d'autres groupes. Certaines se sont faites rachetées, comme Havas, Suez, Matra, l'UAP ou les AGF. D'autres ont absorbé de gros concurrents, comme Renault, Saint Gobain, la Seita ou Dexia (l'ex CLF). Et les rapprochements ne sont pas terminés. Rhône-Poulenc est en train de fusionner avec l'Allemand Hoechst tandis que la BNP tente de racheter la Société générale qui est elle-même sur le point d'absorber Paribas. Une petite banques privatisée a même connu la déroute et une autre a fait faillite. Mais les cinq privatisées qui ont le plus rapporté - TF1 (+839%), le Crédit commercial de France (+619%), Dexia (+350%), Saint Gobain (+225%) et Havas (+260% en tenant compte de sa fusion avec Vivendi) - montrent que tous les espoirs sont permis.

Gilles Pouzin

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