l'Edito du dimanche > | Rédigé le 7 mars 1999 Le client, l'actionnaire et le contribuable : Les privatisations préservent les intérêts de tous. |
Après la pause de 1996, les privatisations repartent en fanfare: deux tranches de France Télécom en deux ans, Air France rendu au privé le mois dernier, et le Crédit Lyonnais attendu en Bourse avant l'été. Au total, les "privatisations Jospin" ont déjà rapporté 91,5 milliards de francs. Le bilan est provisoire. Mais le débat est permanent: l'Etat brade-t-il son patrimoine? Le service public est-il assuré? Est-ce vraiment une bonne affaire? Les réponses diffèrent selon que l'on est client, actionnaire ou contribuable.
D'un côté on reproche à l'Etat d'avoir vendu Air France 30% moins cher que les autres compagnies aériennes européennes. Mais, de l'autre côté, les actionnaires salariés d'Air France (notamment les pilotes) se plaignent de payer leurs actions trop chers. D'un côté, les actionnaires de France Télécom se félicitent de la hausse des tarifs qui fera progresser leurs profits; de l'autre, les consommateurs dénoncent l'envolée de 14,7% du prix de l'abonnement téléphonique depuis le 1er mars. D'un côté, Renault affiche un record de 8,8 milliards de francs de profits pour 1998; de l'autre, les salariés réclament leur part de prospérité. Des points de vue légitimes qui semblent irréconciliables.
Pourtant, les privatisations à l'origine de ces querelles sont un progrès. Avant les privatisations, l'Etat décidait seul ce qui était bien. Il était il y a quinze ans actionnaire de 3 000 entreprises, et le secteur public réalisait 31% de la production industrielle française. L'Etat représentait en même temps les intérêts des clients - on disait les "usagers" - et ceux des contribuables. C'est démocratique puisque les responsables de l'Etat sont élus. Mais pas efficace. Les usagers se plaignaient du service public; l'Etat ne parvenait pas à rentabiliser ses entreprises, et les contribuables payaient chaque année pour éponger les milliards de pertes de ces établissements déficitaires. Le gouffre du Crédit Lyonnais aurait ainsi coûté 8 000 francs à chaque contribuable!
Avec les privatisations, l'Etat a rendu leur liberté aux clients, aux actionnaires et, un peu, aux contribuables. Chacun de nous peut même jouer ces trois rôles à la fois. Il suffit d'acheter des actions d'entreprises privatisées, d'avoir le téléphone, de posséder un compte au Crédit Lyonnais et une Renault, de voler sur Air France, de fumer des Gauloises et de payer ses impôts pour réconcilier nos intérêts de clients, d'actionnaires et de contribuables. Le résultat est plutôt encourageant. Sous la pression de Bruxelles, l'Etat arrête de renflouer ses entreprises déficitaires. Les monopoles disparaissent. La concurrence renaît. Les clients sont choyés. La Bourse monte. Et l'Etat réussit à vendre son deuxième lot d'actions France Télécom deux fois plus cher que le premier. Le client, l'actionnaire et le contribuable ont des intérêts différents mais ils réussissent ensemble.
Gilles Pouzin