l'Edito du dimanche >

Rédigé le 13 mai 1999
Croissance ou bulle?
Les déséquilibres de la croissance américaine.

Pauvres Américains! A en croire les commentaires de la presse française, leur économie ne va pas très bien. Il a suffit que le président de la Banque centrale des Etats-Unis, Alan Greenspan, passe en revue les excès de la croissance américaine pour que les observateurs français soulignent les faiblesses du géant aux pieds d'argile: "déséquilibres", "bulle spéculative", "risques", "mises en garde". Il est vrai que la croissance américaine a généré des excès qui pourraient se retourner contre elle. Alan Greenspan a raison d'être prudent. Mieux vaut prévenir que guérir. Les Français semblent en revanche moins biens placés pour donner des leçons d'économie aux Yankees. En effet, ils oublient souvent de dire que ces excès américains sont la rançon d'un succès dont nous sommes encore loin.

Certes "le déficit commercial américain n'est pas soutenable éternellement", a déclaré Alan Greenspan. Ce déficit a atteint 250 milliards de dollars en 1998 et il risque de dépasser 300 milliards de dollars cette année. Cet excès ne peut pas durer indéfiniment. Mais, en attendant, il fait des heureux. Si les Etats-Unis importent plus de marchandises qu'ils en exportent, c'est parce que leur consommation augmente plus vite que celle des autres pays du monde. En achetant plus de marchandises aux autres pays qu'ils leur en vendent, ils donnent aussi du travail à ces pays en augmentant leur activité économique.

Certes, les Américains n'épargnent pas assez. Ils dépensent même plus que ce qu'ils gagnent. C'est un déséquilibre, mais aussi un signe de richesse. Les Américains consomment plus parce qu'ils sont de mieux en mieux payés. Leurs salaires ont augmenté en moyenne de 4,2% l'an dernier. Et ils épargnent moins parce qu'ils ont déjà un patrimoine important. Entre l'envolée de la Bourse et le financement de leurs retraites par les fonds de pension, ils se font beaucoup moins de soucis financiers pour leur avenir que les Français. Une baisse de Wall Street pourrait les inciter à consommer moins et à épargner davantage, mais cela ne ferait que corriger les excès des dernières années.

Enfin, il y a des "tensions sur le marché du travail". Les Etats-Unis ont créé 16 millions d'emplois depuis sept ans, et 32 millions d'emplois depuis 1980. Les chômeurs ne représentent plus que 4,3% de la population active, presque le plus bas niveau depuis 29 ans. Avec si peu de chômage, les économistes ont peur que les hausses de salaires grignotent les profits des entreprises. C'est un vrai souci de riches! Ou de la provocation. En France, l'excédent commercial bat des records, le taux d'épargne est proche de 15% et le chômage frappe encore 11,5% de la population. Au lieu de critiquer les déséquilibres de l'économie américaine, nous ferions peut-être mieux de les imiter.

Gilles Pouzin

Copyright©www.pouzin.com