l'Edito du dimanche > Rédigé le 3 juin 1999
L'euro faible au secours de la croissance :
La monnaie européenne s'approche du seuil de un dollar.

Il faudrait que l'euro vaille 1 dollar, préconisait Valéry Giscard-Destaing il y a quelques années, à l'époque où les responsables politiques débattaient de la future valeur de la monnaie unique. C'est presque fait. En approchant 1,03 dollar (soit 1 dollar à près de 6,37 francs), jeudi 3 juin, l'euro avait perdu 13% depuis sa naissance, au début de cette année, quand il valait 1,18 dollar (soit 5,56 francs). Cette variation n'a rien de spectaculaire. L'euro, ou plutôt son ancêtre le franc, avait déjà plongé de 23% par rapport au dollar, entre le 20 juillet 1995 et le 2 avril 1998, quand le billet vert était remonté de 4,79 francs à 6,20 francs. Personne ne s'en émouvait à l'époque.

L'affaiblissement que connaît l'euro depuis quelques mois n'est pas le résultat d'une volonté politique, mais seulement l'expression des différences entre l'économie américaine et celle du vieux continent. L'Amérique est en plein boom, sa croissance devrait atteindre 3,6% cette année, et les taux d'intérêt de la banque centrale des Etats-Unis rapportent 4,75% aux investisseurs. De notre côté de l'Atlantique, l'économie tourne au ralenti, la croissance française et européenne ne devrait pas dépasser 2,1% cette année, et le taux d'intérêt de la Banque centrale européenne ne rapporte que 2,5%.

Compte tenu de cet écart, les capitaux se tournent naturellement vers le dollar, ce qui le fait monter. Cela n'a rien d'inquiétant, au contraire. Au début de l'année, quand l'euro glissait lentement par rapport au dollar, le secrétaire d'Etat au commerce extérieur, Jacques Dondoux, s'était même empressé de déclarer qu'il trouvait l'affaiblissement de la monnaie unique "très sympathique" en ajoutant qu'un euro "voisin du dollar est un bon signe pour nos entreprises". Bien que le niveau de l'euro n'ait rien d'une décision politique, un cours de 1 dollar semblerait donc satisfaire à droite (Giscard) comme à gauche (Dondoux). Le ministère des finances reconnaît d'ailleurs lui même les bienfaits économiques de l'euro faible. Selon une étude qu'il a publié en début de semaine, la hausse du dollar contribuerait à accélérer la croissance européenne de 0,25% cette année et de 0,3% l'an prochain, ce qui n'est pas négligeable compte tenu de sa faiblesse actuelle.

Même la banque centrale européenne semble satisfaite du niveau de l'euro puisqu'elle n'a pas tenté de le faire remonter ni d'accélérer sa baisse. Certains de ses membres craignent pourtant que la faiblesse de l'euro fasse grimper les taux d'intérêt, ce qui pénaliserait les emprunteurs. L'euro a pourtant amorti leur récente poussée de fièvre. Les taux d'intérêt des emprunts d'Etat à dix ans sont bien remontés de 0,5% en Europe depuis le début de l'année. Mais ils sont remontés deux fois plus aux Etats-Unis, alors que le dollar était fort. Pour l'instant l'euro faible n'a donc bien que des avantages.

Gilles Pouzin

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