l'Edito du dimanche >

Rédigé le 10 Juin 1999
Vivre sans inflation :
La hausse des prix devrait rester inférieure à 1% cette année.

L'inflation semble définitivement vaincue. Pour la seconde année consécutive, la hausse des prix devrait rester nettement inférieure à 1% cette année. Après une inflation de 0,6% en 1998, les prix de détail ne devraient augmenter que de 0,5% cette année, selon les dernières prévisions de la Caisse des Dépôts. On est bien loin des 10% d'inflation des années 70, et encore bien en dessous de la moyenne historique de 4%. Le coût de la vie n'augmente quasiment plus et c'est une bonne nouvelle pour les consommateurs.

Le pouvoir d'achat des Français est en effet mieux protégé quand il n'y a pas d'inflation. Quand les prix grimpent de 4% par an, un billet de 100 francs perd 18% de son pouvoir d'achat en cinq ans, car les choses qu'il permet d'acheter valent de plus en plus cher. Tandis que lorsque l'inflation reste à 1%, le pouvoir d'achat d'un billet de 100 francs s'effrite d'à peine 5% en cinq ans. La mort de l'inflation est en revanche à double tranchant pour les épargnants. D'un côté, le pouvoir d'achat de leurs économies est mieux protégé, comme pour les consommateurs. Mais d'un autre côté, la disparition de l'inflation fait aussi baisser les taux d'intérêt, ce qui a des conséquences inattendues.

Depuis 1990, l'inflation est tombée de 5% à 0,5%, le taux d'intérêt des emprunts d'Etat a plongé de 8,5% à 4% et le rendement des sicav monétaires s'est écroulé de 10% à 2,5%. La bonne nouvelle, c'est que cette baisse des taux d'intérêt a eu un effet bénéfique sur les placements risqués, comme les obligations et les actions, dont les cours ont plus que doublé depuis 1990. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il est de plus en plus difficile de se constituer un complément de revenus avec son épargne. Alors qu'un petit pécule de 120 000 francs placé en sicav monétaires générait un revenu de 1 000 francs nets par mois en 1990, il ne rapporte plus aujourd'hui que 190 francs par mois. Et les autres placements ne permettent pas de vivre beaucoup plus confortablement. Les emprunts d'Etat, qui sont traditionnellement le placement favori des rentiers, ne rapportent plus aujourd'hui que 3,1% après impôts. Du coup, pour se constituer un revenu de 5 000 francs par mois, il faudrait y investir près de 2 millions de francs. Quant à l'immobilier, qui était un bon placement en période d'inflation, il n'est plus aussi rentable depuis que les loyers n'augmentent plus.

La disparition de l'inflation est incontestablement une victoire pour les consommateurs, mais elle rend les projets des épargnants et des futurs retraités de plus en plus inaccessibles. La mort de l'inflation a en effet donné naissance à une autre sorte d'inflation: aujourd'hui, pour vivre des revenus de son épargne, il faut être millionnaire.

Gilles Pouzin

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