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Rédigé le 8 avril 1999
A qui profite la baisse des taux d'intérêt?
Vive la baisse des taux d'intérêt! A condition que tout le monde en profite.

Pour célébrer les cent premiers jours de l'euro, la Banque centrale européenne a annoncé, jeudi 8 avril, une baisse spectaculaire de 0,5% de son principal taux d'intérêt, qui descend ainsi au plus bas niveau jamais connu en Europe et en France: 2,5%. Salué par les économistes, les hommes politiques et les marchés financiers, cet assouplissement des conditions de crédit donnera un coup de pouce à la reprise économique. Pourtant, la baisse des taux d'intérêt ne profite pas forcément à ceux qui devraient être les premiers concernés, c'est à dire les emprunteurs. Pour certains d'entre eux, c'est même une baisse des taux en trompe l'oeil. Ils en entendent parler mais ils payent toujours leur crédit au prix fort.

En dehors des prêts immobiliers et de quelques crédits promotionnels, la baisse des taux d'intérêt est en effet une vue de l'esprit plus qu'une réalité pour beaucoup d'emprunteurs. C'est notamment le cas des clients les moins bien lotis: ceux qui ont vraiment besoin d'argent pour boucler les fins de mois et qui se laissent facilement tenter quand on leur propose un crédit par téléphone, un chèque dans leur boîte aux lettres, ou une carte d'achat à faibles mensualités de remboursement. Pour eux, la baisse des taux n'existe pas. Pour des sommes inférieures à 10 000 francs, le taux de la Carte Cofinoga revient ainsi à 17,76% tandis que ceux de la Carte Aurore (Cetelem) ou de Cofidis (Les 3 Suisses) sont à 15,48%. A croire qu'ils n'ont jamais entendu parlé de la baisse des taux! Ou qu'ils l'ont mise dans leur poche. En tous cas, ils ne sont pas les seuls. Le taux moyen des crédits inférieurs à 10 000 francs est resté autour de 14% depuis plus de quatre ans, avant de descendre à 13,1% très récemment.

Si les petits emprunteurs sont les dindons de la baisse des taux, c'est aussi le cas des petites entreprises. En effet, le taux de base bancaire, qui sert encore de référence pour environ un tiers des crédits aux petites et moyennes entreprises, ne baisse plus depuis que des grandes banques parisiennes l'ont fixé à 6,55%, le 20 septembre 1996. Bien sûr, il faut reconnaître que les banques ont quand même fait un effort pour réduire le taux des prêts immobiliers. Les crédits classiques sur quinze ans sont descendus autour de 5% alors qu'ils étaient au dessus de 8% en 1995. Les publicités fleurissent aussi aux guichets des agences pour d'autres crédits avantageux. Mais il s'agit surtout d'une concurrence acharnée pour attirer les clients les plus rentables: ceux dont le salaire garantit la trésorerie des banques pendant des années. Alors à qui profite vraiment la baisse des taux d'intérêt? Aux banques, bien sûr, et aussi aux très grandes entreprises. Mais surtout au premier emprunteur de France: l'Etat.

Gilles Pouzin

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