l'Edito du dimanche >

Rédigé le 11 mars 1999
Mégabanque et badabanque :
A qui profite le "mégabang"?

Cocorico! Si elle réussit son attaque boursière sur la Société générale et Paribas, la BNP deviendra la première mégabanque de la planète, avec près de 6 400 milliards de francs d'actifs, soit l'équivalent du PIB de la Chine.

Cette mégafusion redore sans doute le blason de nos banques. Si l'opération aboutit, la SBP aura la plus importante valeur boursière d'Europe (environ 340 milliards de francs), et sera la première banque européenne dans de nombreux domaines. En se lançant à l'assaut de ses confrères contre leur gré, Michel Pébereau, le président de la BNP, bouscule aussi les coutumes figées de l'establishment français. Mais une fois la fascination des gros chiffres passée, une question reste cependant sans réponse: à qui profitent les mégabanques? A leurs actionnaires? Ce n'est pas si sûr. Et à leurs clients? C'est encore moins sûr.

Les actionnaires sont les premiers à hésiter. L'annonce du projet de la BNP a fait remonter son cours le 11 mars. Mais l'OPA sur Paribas lancée le 2 février par la Société générale avait fait plonger son action de 10% en un mois. De nombreux experts sont aussi sceptiques. L'économiste Michel Aglietta estime par exemple que les grands conglomérats bancaires sont voués à l'échec. Tandis qu'Alan Greenspan, le président de la Réserve fédérale des Etats-Unis, a mis en garde les actionnaires des banques américaines contre la folie de fusions de leurs patrons.

Quant aux clients, ils n'ont jusqu'à maintenant tiré aucun profit de la croissance de leurs banques. Au contraire. L'Institut national de la consommation, l'INC, a calculé que le prix des services bancaires avait doublé entre 1986 et 1998, soit une augmentation des tarifs quatre fois supérieure à la hausse des prix. Non seulement les mégabanques ne règlent pas ce problème, mais elles risquent encore de l'exacerber en réduisant la concurrence.

A elles seules, la BNP et la Société générale contrôlent déjà plus de 15% du marché. En ajoutant le Crédit agricole et le Crédit lyonnais, les quatre premières banques du pays se partagent plus de 40% de l'argent déposé par les Français sur leur compte courant. Cette position dominante inquiète déjà la commission européenne qui soupçonne les banques françaises de s'être concertées pour faire payer les transactions en euros à leurs clients. Aux Etats-Unis il existe deux remparts contre cette menace. D'abord, aucune banque n'a le droit de contrôler plus de 10% du marché. Ensuite, le pouvoir des mégabanques est compensé par une concurrence plus dynamique des nouvelles banques. Depuis le début de la décennie, plus de 700 petites banques se sont ainsi créées aux Etats-Unis pour offrir des services moins chers que ceux des grosses banques qui ne soignaient plus leurs clients. Ce n'est pas particulièrement des mégabanques dont nous avons besoin, mais de services compétitifs.

Gilles Pouzin

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