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Rédigé le 25 mars 1999
Perrette et le Livret A :
DSK veut prendre son temps avant de baisser le taux de rémunération.

Perrette ayant mis ses économies sur un Livret A comptait déjà les intérêts qu'elle en tirerait. Il m'est, disait-elle, facile de prévoir les revenus de mon épargne. J'aurai dans dix ans de l'argent bel et bon. Perrette là-dessus, en oublie les aléas financiers. Le taux d'intérêt dégringole et ses projets s'envolent. Adieu beaux rendements, rentes et retraite dorée! La semaine de la poésie n'interdit pas le pragmatisme. Trois siècles après sa parution, la fable de Jean De Lafontaine n'a pas pris une ride. Comme dans La laitière et le pot au Lait, la baisse annoncée du taux du Livret A rappelle que les projets sont fragiles.

Rien n'est encore décidé, a rassuré le ministre de l'économie, Dominique Strauss-Kahn, mais le comité consultatif des taux réglementés, qui s'est réuni vendredi 26 mars, veut que l'on baisse le taux du Livret A de 3% à 2,25%. Et les banques ont déjà donné le signal en réduisant le taux des comptes sur livrets ordinaires à 2,5%. Même si cette mesure est justifiable, les 46 millions de Français qui ont un Livret A la trouveront impopulaire. Pour les épargnants les mieux lotis, qui disposent du maximum autorisé de 100 000 francs sur leur Livret A, une réduction de 0,75% du taux d'intérêt ne représenterait pourtant qu'un manque à gagner de 750 francs par an. Et pour ceux qui n'ont que 10 000 francs sur leur Livret A, le manque à gagner se limiterait à 75 francs par an.

Pour la plupart des gens, l'impact symbolique de cette décision sera donc bien plus important que son impact financier. Les baisses de taux du Livret A remettent en effet en cause les projets que les épargnants construisaient dans leurs pensées. Même si les 4,5% que rapportaient le Livret A jusqu'en 1995 n'étaient pas mirobolants, ils permettaient pratiquement de doubler son capital en quinze ans. Avec 2,25% d'intérêts par an, il faut trente ans pour doubler sa mise. Ce n'est pas la première fois que les épargnants apprennent à leurs dépens qu'on ne peut pas trop compter sur les revenus de ses placements.
Les sicav monétaires, qui rapportaient 10% en 1992, ont ainsi vu leur rendement net d'impôt dégringoler à 2%. C'est dans ces moments de dépit que le danger guette les épargnants. Voyant leurs projets s'envoler, certains sont en effet tentés de se refaire en misant sur le dernier placement aux performances alléchantes. Après la spéculation des années 80, beaucoup d'épargnants ont ainsi cru pouvoir s'enrichir dans l'immobilier. Mais il était trop tard: les prix chutèrent de 33% en huit ans. Aujourd'hui, beaucoup sont attirés par la Bourse, qui a gagné 100% en trois ans. Pourtant les actions sont beaucoup plus risquées quand elles viennent de monter que quand personne n'en voulait. Ceux qui font des châteaux en Espagne risquent alors, comme dans la fable, de se retrouver gros Jean comme devant.

Gilles Pouzin

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