l'Edito du dimanche > Rédigé le 28 avril 1999
Travailler plus ou travailler moins?
Retraites, 35h : les casse-têtes du 1er mai.

Comme chaque premier mai, la fête du travail est l'occasion de célébrer les avancées obtenues par des générations de salariés pour améliorer leur condition de vie. Mais, cette année, la perspective des deux grandes réformes qui attendent les salariés leur laisse un sentiment mitigé. D'un côté la loi sur la semaine de 35 heures leur promet de travailler moins. De l'autre, la réforme des retraites, suggérée par le rapport du commissariat au plan, obligerait les mêmes salariés à travailler plus longtemps pour toucher leur retraite.

Ces deux réformes semblent aller dans deux directions dont les effet s'annulent. D'un côté, la réduction de la durée de travail hebdomadaire, de 39 à 35 heures, représente une baisse du temps de travail de 10,3%. En retirant six semaines de congés et de jours feriés, le temps de travail annuel passerait en effet de 1 794 heures (39 heures pendant 46 semaines) à 1 610 heures (35 heures pendant 46 semaines). D'un autre côté, on nous prévient qu'il faudra inévitablement travailler plus longtemps pour payer nos retraites, compte tenu du vieillissement de la population.
Selon les travaux réalisés par le commissaire au plan, il faudrait, pour maintenir les droits à une retraite complète, rallonger progressivement la durée de cotisation de 40 ans à 42 ans et demi. Une telle mesure équivaudrait à travailler, sur l'ensemble de sa carrière, 6,25% de temps en plus. Et encore, si l'on compare ces 42 ans et demi à la durée de cotisation de 37 ans et demi, qui suffisait jusqu'en 1993 pour avoir une retraite complète, l'augmentation de la durée de travail atteint 13,3%.

Si l'on se contente d'examiner ce qui existe aujourd'hui (travailler pendant 40 ans à 39 heures par semaine) avec les réformes qui se profilent (travailler pendant 42 ans et demi à 35 heures par semaine), on peut se demander quelle est la meilleure solution. Dans l'absolu, c'est la seconde. Travailler pendant 40 ans à 39 heures par semaine représente un total de 71 760 heures, tandis que travailler pendant 42 ans et demi à 35 heures par semaine ne représente qu'un total de 68 425 heures. Mais dans ce cas, pourquoi ne pas proposer aux salariés qui le désirent d'étaler cette durée de travail sur toute leur carrière? En travaillant un peu plus de trente sept heures par semaine pendant 40 ans, ils cumuleraient autant d'heures et de cotisations qu'en travaillant 35 heures par semaine pendant 42 ans et demi.

Bien sûr, ce raisonnement est poussé jusqu'à l'extrême. Mais il résume bien les logiques opposées des réformes auxquelles les salariés sont confrontés. L'idéal serait évidemment de leur laisser le choix d'organiser leur vie professionnelle, leur temps de travail et leur plan de retraite, en fonction de leurs aspirations personnelles. Mais, pour cela, il faudra sans doute attendre une autre fête du travail.

Gilles Pouzin

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