Prévisions d'Experts > Janvier - Février 1999


La mort de l'inflation et la dépression du Japon: deux problèmes, une solution-26 février 1999

Le tournant de la reflation
L'idée d'un retour de l'inflation a été définitivement enterrée par les dernières statistiques de hausse des prix (0,3% en France et 1,5% aux Etats-Unis en 1998). Pourtant, quelques économistes s'attendent à la voir renaître. Et la remontée des taux d'intérêt obligataires (de 3,72% à 4,02% en France, de 4,71% à 5,67% aux Etats-Unis et de 0,74% à 2,28% au Japon) renforce leur intuition. "Les forces déflationnistes mondiales sont suffisamment fortes pour que le Japon effectue un changement de politique qui constituerait une tentative de reflation", diagnostique Jack Lavery, économiste chez Merrill Lynch. Selon lui, la réduction du taux de la Banque du Japon de 0,25% à 0,15% le 12 février n'est pas le dernier stade de l'assouplissement monétaire. En dépit des démentis de la banque centrale japonaise, Jack Lavery pense que cette dernière finira par acheter des emprunts d'Etat japonais, ce qui relancerait la création monétaire et l'économie tout en affaiblissant le yen.

Et si l'inflation remontait?
Et si l'inflation atteignait 10% en 2002 ? "Cette conjecture ne relève pas nécessairement de la finance-fiction", explique Eric Barthalon, économiste chez Paribas. Selon lui, l'inflation mondiale est liée à la "monétisation" de la dette américaine, c'est à dire la part des emprunts d'Etat américains détenue par la Fed et les autres banques centrales de la planète. "Entre 1960 et 1995, une progression de dix points du taux de monétisation de la dette américaine s'est traduite, en moyenne, par une augmentation de l'inflation de 2,64% dans les pays du G7 trois ans et demi plus tard." Si cette relation se vérifiait à nouveau, Eric Barthalon estime que l'inflation devrait avoisiner 5,5% par an d'ici à 2002.

Le Japon toujours convalescent
Après la chute de 2,2% du PIB japonais pour l'année fiscale qui s'achève le 31 mars 1999, le directeur de l'agence de planification, Taichi Sakaiya, estime que la croissance atteindra 0,5% sur l'année fiscale qui s'achèvera le 31 mars 2000. "Même si un rebond est en cours, la faiblesse de l'investissement privé et des exportations incite à émettre des réserves sur l'optimisme excessif des responsables politiques", estime Jack Lavery, économiste chez Merrill Lynch. Le problème des créances douteuses des banques serait ainsi encore supérieur aux estimations de 600 milliards de dollars du gouvernement. Le plan de recapitalisation de 74 milliards de dollars des 17 principales banques japonaises va dans le bon sens, estime l'économiste de Merrill Lynch. "Mais à plus court terme la réalité est que l'assainissement bancaire prendra un temps considérable", prévient Jack Lavery. Contrairement aux déclarations du vice-ministre des finances Eisuke Sakakibara, la crise financière ne sera donc pas réglée en quelques semaines. Du coup, Merrill Lynch estime que l'indice Nikkei aura du mal à franchir le cap des 14 600 points et qu'il risque de redescendre dans une fourchette basse comprise entre 12 800 et 13 300 points.


L'Europe lente, l'Amérique confiante et les marchés émergents convalescents-19 février 1999

Euro-in, euro-out, euro-slow
La croissance bénéficiaire des entreprises d'Euroland aurait diminué de moitié en 1998 et risquerait de ralentir encore en 1999. Selon les prévisions financières compilées par le cabinet Ibes, les sociétés cotées sur les dix Bourses d'Euroland auraient amélioré leurs profits de 10,2% en 1998 après un gain de 20,9% en 1997. Pour 1999, les analystes prévoient pour l'instant 11,6% de croissance. "Mais compte tenu de leur tendance à être trop optimistes en début d'année, il est possible que les entreprises d'Euroland terminent l'année 1999 avec une croissance de leurs profits inférieure à 10%", observe Joseph Abbott, économiste chez Ibes. Les sociétés européennes de la zone euro-out devraient faire un peu mieux cette année après le recul de 3% de leurs profits en 1998. Mais sur les cinq ans à venir, les analystes prévoient que les entreprises d'Euroland verront leurs profits grimper en moyenne de 12,6% par an, contre une croissance de 11,4% pour les sociétés d'euro-out. "Cela reflète les gains d'efficacité générés par la monnaie unique", conclut Joseph Abbott.

Américains inépuisables
Les consommateurs américains semblent infatigables. "Compte tenu de la forte relation entre les ventes de logement, l'économie et le commerce de détail, le risque d'avoir une récession et une chute de la consommation est minuscule sur les deux prochaines années", estime Christine Callies, responsable de la stratégie au CSFB. Les achats de logements représentent une petite partie de l'économie (4,1% du PIB en 1998), mais Christine Callies estime que leur vigueur (+18% de mises en chantier en janvier 1999 par rapport à janvier 1998) est symptomatique des facilités de crédit et de la confiance des ménages qui stimulent la consommation (68% du PIB). Et la situation du commerce reste très saine. "En dépit de la paralysie des porte-monnaie observée durant le repli boursier de l'été et de l'automne, les stocks des commerçants ont continué de se réduire en 1998", note Christine Callies.

Marchés émergents: le retour
La crise des marchés émergents ne date pas d'hier. "Le 4 février 1999 était le cinquième anniversaire de la hausse des taux d'intérêt de la Fed, rappelle William Dinning, économiste chez Merrill Lynch. Cette décision a dégonflé la bulle des marchés émergents qui s'était gonflée en 1993." Les Bourses de Hong Kong et de Mexico n'ont jamais revu leurs records de février 1994. "Cinq ans plus tard, nous pensons que la dévaluation du Brésil est peut-être l'événement qui nous rapproche de la fin de cette période de mauvaise performance", poursuit William Dinning. Merrill Lynch et Lehman Brothers soulignent que des risques demeurent, notamment la probabilité d'une dévaluation du zloty polonais. "Les flux d'investissements américains vers les marchés émergents surviennent généralement entre six et dix-huit mois après une baisse des taux d'intérêt, observe William Dinning. Compte tenu de l'assouplissement monétaire mondial nous ne serions pas surpris que les Américains recommencent à investir à l'étranger d'ici la fin de 1999."


Divergence. Les taux d'intérêt risquent de monter au Japon et de baisser en Europe-12 février 1999

Le Japon veut de l'inflation
La baisse des taux d'intérêt de la Banque du Japon, à 0,15% le 12 février, prépare la nouvelle politique monétaire inflationniste de l'archipel. "Le Japon est dans une situation unique de spirale déflationniste dans laquelle les baisses de taux d'intérêt réels sont devenues impossibles", estime Martin Brookes, économiste chez Goldman Sachs. Le taux directeur de la Banque du Japon s'approche de zéro mais la hausse des taux d'intérêt à long terme menace l'économie.

Le rendement des emprunts d'Etat japonais à dix ans a triplé entre son plus bas (0,74% le 2 octobre 1998) et son plus haut (2,28% le 8 février 1999). "La hausse des taux d'intérêt reflète l'inquiétude d'une augmentation massive de la dette publique parallèlement à une réduction des achats d'obligations par les investisseurs japonais, explique Jeff Bahrenburg, l'expert de Merrill Lynch sur le Japon. Le surplus d'emprunts Japonais qui devra être absorbé par le marché devrait augmenter de 63% sur l'année fiscale 1999." Du coup, les pressions se multiplient pour que la Banque du Japon fasse marcher la planche à billet en achetant directement la dette du gouvernement. "Une relance budgétaire financée par la création monétaire est peut-être la seule solution pour que le Japon sorte de la spirale déflationniste actuelle", diagnostique Martin Brookes. Autrement, il craint que les efforts de relance soient anéantis par la hausse des taux d'intérêt. "Dans cet environnement, une hausse de l'inflation est souhaitable pour réduire les taux d'intérêt réels", précise-t-il. "Le moment est venu pour la Banque du Japon d'avoir un objectif d'inflation de 1% à 3% et d'accroître la création monétaire au rythme nécessaire pour atteindre cet objectif", estime également Russell Jones, économiste chez Lehman Brothers. Lehman prévoit que les taux d'intérêt des obligations japonaises grimperont autour de 3% fin 1999 tandis que le yen rebaisserait de 12% par rapport au dollar.

L'Europe peut réduire ses taux
Après les dernières baisses de taux d'intérêt de la Banque de Suède (-0,25% à 3,15% le 12 février 1999) et de la Banque d'Angleterre (-0,5% à 5,5% le 4 février 1999), les experts estiment que l'Europe a encore une marge pour assouplir sa politique monétaire. "La BCE devrait réduire son taux de 0,25% dans les trois mois qui viennent à cause de la morosité de l'économie, prédit David Walton, économiste chez Goldman Sachs. Et il pourrait y avoir une baisse de 0,25% supplémentaire plus tard dans l'année si les perspectives de croissance restent médiocres." Le CCF, qui prévoit aussi une baisse des taux européens à 2,5% dans le cours de l'année, estime que cette dernière favorisera la consommation (60% du PIB d'Euroland). Les ménages européens sont en effet peu endettés et leurs intentions d'achats importants augmentent avec la baisse des taux.

Goldman Sachs prévoit par ailleurs que les taux britanniques baisseront encore de 1%, jusqu'à 4,5%, d'ici la fin de l'année.


Vive le dollar fort, la reprise existe-5 février 1999

Et s'il y avait vraiment plus de bonnes nouvelles que de mauvaises.

Vive le dollar fort
La croissance exceptionnelle de l'économie américaine au dernier trimestre 1998 (+5,6% annualisé) a fait remonter le dollar de 5,56 francs (1,18 dollar pour un euro) début janvier, à 5,81 francs (1,13 dollar pour un euro) le 5 février. Les experts de Merrill Lynch estiment que le billet vert poursuivra son redressement jusqu'à 6,19 francs (1,06 dollar pour un euro) d'ici un an. Le prochain mouvement devrait être un repli du yen. "La vigueur du yen a forcé la Banque du Japon a intervenir sur le marché des changes pour la première fois depuis trois ans et demi, observe Masanobu Kaizu, économiste chez Nomura. Mais les pressions haussières devraient diminuer après la fin de l'année fiscale, en mars, et le yen devrait redescendre jusqu'à 120 yens pour un dollar." Lehman Brothers estime pour sa part que le yen devrait redescendre à 130 yens pour un dollar. "Un affaiblissement majeur du yen semble inévitable", prédit même Michael Rosenberg, économiste chez Merill Lynch, qui voit la devise japonaise autour de 160 yens pour un dollar d'ici un an. Nomura estime que le repli du yen pourrait faire rebondir l'indice Nikkei autour de 18 000 points dans la seconde partie de l'année.

Exercice de probabilités
Compte tenu des risques et des déséquilibres qui menacent l'économie mondiale, les experts de Goldman Sachs estiment que leur prévision principale (une croissance économique de 1,7% dans les pays de l'OCDE) n'a que 40% de chance de se réaliser. Du coup, ils ont étudié cinq scénarios alternatifs. 1- Une accélération de la croissance de l'OCDE à 2,7% en 1999 (15% de chance), 2- Un écroulement du Brésil qui réduirait la croissance des pays industrialisés à 1,1% (15% de chance), 3- Un écroulement du Japon qui ralentirait la croissance de l'OCDE à 1,2% (15% de chance), 4- Une correction du déficit courant américain et une remontée du taux d'épargne aux Etats-Unis qui ferait plonger la croissance de l'OCDE à 0,2% (7,5% de chance), 5- Une importante correction boursière qui réduirait la croissance de l'OCDE à 1% (7,5% de chance). Goldman Sachs estime que les actions américaines, européennes, britanniques et japonaises monteraient en moyenne de 7% dans le scénario de base, de 9% dans la première alternative et de 5% dans le scénario 2 et 3. Elles baisseraient de 5% dans le scénario 4 et de 15% dans le scénario 5.

La reprise existe
Même si la croissance ralentit, les experts restent convaincus que la reprise européenne existe. "La confiance des consommateurs européens est au plus haut depuis 1990, observe David Walton, économiste chez Goldman Sachs. Le chômage européen s'est fortement réduit en 1998, pour atteindre son plus bas niveau depuis cinq ans et demi. Et les craintes de perte d'emploi sont au plus bas depuis août 1989." Bankers Trust estime pour sa part que le ralentissement de la croissance européenne aura atteint son pic au premier trimestre. La France est le pays européen favori de Bankers Trust comme de Goldman Sachs. Cette dernière prévoit une hausse de l'indice CAC 40 autour de 4500 points d'ici un an.


Soulagement émergent, effet Caipirinha-28 janvier 1999

Quand les risques passés s'apaisent, d'autres apparaissent.

Marchés émergents: fin du cauchemar
Après la contagion foudroyante de la crise des marchés émergents en 1998, la dévaluation brésilienne pourrait faire craindre une nouvelle série noire en 1999. En fait, les dégâts seraient limités. "L'Amérique latine représente seulement 4,4% du commerce mondial, contre 8,4% pour l'Asie hors japon", explique Steve Roach, l'économiste en chef de Morgan Stanley. Même si les exportations d'Amérique latine vers les Etats-Unis parvenaient à concurrencer celles des pays émergents d'Asie, ces dernières baisseraient de 2% maximum. Même avec des hypothèses prudentes, Morgan Stanley estime que les trois pays d'Asie dont le redressement est le plus avancé (la Corée, la Thaïlande et la Malaisie) afficheront une balance des paiements excédentaire en 1999. Sur le plan boursier, le pire semble aussi passé. "Les marchés émergents ont perdu 28% en 1998, soit leur plus forte baisse depuis 1990", observe Robert Pelosky, économiste chez Morgan Stanley. Selon lui, les marchés émergents seront moins volatiles en 1999. "Il y a peu des risques de mauvaises surprises, même en Indonésie et en Russie, car les investisseurs s'attendent déjà au pire", ironise Robert Pelosky.

L'effet Caipirinha en Europe
La crise brésilienne, baptisée du nom de la boisson nationale "Caipirinha", aura tout de même des conséquences pour quelques multinationales européennes. "Les groupes de distribution les plus affectés devraient d'abord être Carrefour, suivit par les groupes portugais Modelo Continente et RJM puis, dans une moindre mesure, Ahold, Casino et Promodès", estiment les analystes de Merrill Lynch. La banque américaine recommande également la prudence vis-à-vis de fabricants de produits ménagers comme Reckit & Coleman, qui réalise 13% de ses ventes en Amérique latine (dont 60% au Brésil) ou Wella, qui réalise 12,8% de son chiffre d'affaires dans la région dont la moitié au Brésil. L'impact serait moins important pour Clarins, Beiersdorf ou L'Oréal, qui réalisent environ 4% de leurs ventes en Amérique latine mais qui sont portés par la reprise du marché européen.

Menace de guerre commerciale
Maintenant que la contagion de la crise financière semble endiguée, les économistes s'inquiètent davantage des risques de guerre commerciale. "Le déficit de la balance des paiements devrait atteindre 4% aux Etats-Unis en 1999, explique Barton Biggs, responsable de la stratégie chez Morgan Stanley. Ce qui risque de faire baisser le dollar." Le recul du billet vert profiterait selon lui aux exportations des pays asiatiques dont la monnaie est liée au dollar. Or, l'excédent commercial asiatique a déjà décuplé, de 20 milliards de dollars en 1997 à plus de 200 milliards aujourd'hui. Pour Barton Biggs, cette victoire commerciale sur l'Europe et les Etats-Unis risque d'entraîner des représailles protectionnistes. Cette tension serait exacerbée par les surcapacités de production qui incitent certains industriels à vendre à perte. Les producteurs d'acier inoxydable américains ont déjà déposé des plaintes pour dumping contre huit pays.


Hausse des Bourses d'Euroland et émergentes-21 janvier 1999

Emportés par l'euphorie du début de l'année, les analystes cherchent de nouveaux facteurs de croissance.

Belle hauteur sous plafond
L'exemple de Wall Street montre que le potentiel de hausse peut-être important quand une Bourse commence à s'emballer. Compte tenu de l'élan qu'ont pris les Bourses européennes ces dernières semaines, les experts en analyse technique de Merrill Lynch estiment qu'elles ont des bases solides qui leur laisse une belle marge de hausse avant d'atteindre de nouveaux plafonds. "Un des obstacles les plus importants pour les marchés européens a été surmonté en novembre, quand leurs indices ont regagné plus de la moitié de leur baisse précédente", explique Nola Vousden, analyste chez Merrill Lynch. Selon la banque américaine, les principaux indices européens bénéficient maintenant de soutiens importants au niveau de 4160 pour le CAC 40, 5180 pour le Dax, et 3450 pour l'Euro Stoxx 50. A l'inverse leurs nouveaux objectifs seraient entre 4388 et 4700 pour le CAC 40, 5600 et 6200 pour le Dax, et 3750 à 4100 pour l'Euro Stoxx 50, soit environ 5% à 10% de hausse.

Europe convergente
Alors que la crise financière s'est déplacée sur l'Amérique latine, les marchés émergents d'Europe de l'est retrouvent la faveur des investisseurs. "Les privatisations et les réformes des systèmes de retraite seront des facteurs de soutien importants pour les Bourses d'Europe de l'est en 1999-2000, elles amélioreront la liquidité de ces marchés et élargiront le nombre de grosses sociétés cotées", explique Matthew Czepllewicz, spécialiste de la région chez Salomon Smith Barney. Pour Gabor Sitanyi, gestionnaire du fonds Flemings Nouvelle Croissance Europe, il faut distinguer les pays émergents et les pays convergents d'Europe de l'est. Dans la première catégorie, la Russie, la Turquie ou la Slovaquie inspirent toujours la prudence. La seconde catégorie se compose en revanche de pays qui se rapprochent à grande vitesse des critères de Maastricht et qui pourraient intégrer l'UEM d'ici 2005, comme la Hongrie, la Pologne ou la république Tchèque. Les deux premiers sont les favoris de Flemings et de Salomon.

Turquie sous surveillance
La dégradation des notes de deux banques turques par Standard & Poor's, le 21 janvier, souligne les turbulences que traverse la Turquie. La Bourse d'Istamboul a plongé de 60% depuis cet été, mais ce climat déprimé attire les preneurs de risques. "Un optimisme excessif serait prématuré avant l'approche des élections anticipées du 28 avril, estime Mike Harris, économiste chez Merrill Lynch, mais ce marché traditionnellement volatile pourrait avoir une excellente performance en 1999." La banque américaine considère qu'il y a une chance sur cinq pour que la lire turque subisse une dévaluation brutale, plus forte que l'érosion régulière liée à l'inflation de 85% qui règne en Turquie. Le niveau déprimé de la Bourse lui semble néanmoins attrayant. "Nous pensons que la Bourse d'Istamboul offrira des opportunités en mars ou début avril, dans la perspective d'une forte reprise après les élections", conclut Merrill Lynch.


Le complot de l'or et La Niña-14 janvier 1999

Les années se suivent, seules les surprises changent.

Le complot de l'or
Les amateurs d'or croient toujours à son rebond. Selon John Hathaway, gestionnaire chez Tocqueville Finance à New York, l'or est victime d'un coiffage des cours qui entraînera une pénurie. Les banques centrales ne vendent pas directement leur or, mais le prêtent à des traders qui le vendent à découvert. "Les prêts sont plus attrayants car les réserves des banques ne changent pas et personne ne connaît l'origine de l'or emprunté", estime John Hathaway. Encouragés par le pessimisme des traders, la plupart des mines d'or vendent aussi leur production à l'avance. Résultat, les ventes à découvert sont au plus haut. Pour John Hathaway, ce complot s'autodétruira. L'or qui a été vendu est progressivement retiré du marché pour finir en bijoux ou en pièces de collection. Si les banques centrales réclament le remboursement de leur or, les traders devront en racheter à n'importe quel prix. "Une explosion des cours de l'or est inévitable", conclut John Hathaway, en précisant que le jour de ce retournement reste imprévisible.

Attention aux comptes courants
En dépit du plan de sauvetage de 41,5 milliards de dollars annoncé en novembre, le Brésil succombe à l'explosion du déficit de sa balance des paiements, estimé à 33 milliards de dollars en 1998 et 25 ou 30 milliards de dollars pour 1999, soit 3,5% du PIB. "Les déficits de comptes courants en Amérique Latine et aux Etats-Unis indiquent un surinvestissement, précise Charles Clough, directeur de la stratégie chez Merrill Lynch. Nous pensons que les investisseurs rechercheront des pays ayant maintenant un excédant de leur balance courante, notamment en Asie." Les pays émergents d'Asie ont en effet rejoint le camp des pays ayant plus d'épargne qu'ils n'en consomment, aux côtés du Japon (4,3% d'excédent) et de l'Euroland (1% d'excédent). Le déficit de la balance des paiements américaine (3,5% du PIB) risque pour sa part de fragiliser le dollar.

Après El Niño, voici La Niña
L'hiver dernier avait été l'un des plus chauds à cause d'El Niño, mais celui qui vient est placé sous le signe plus froid de La Niña, estime Jon Davis, météorologiste chez Salomon Smith Barney. L'hiver 1997-98 était le second plus chaud aux Etats-Unis depuis 103 ans, et le 95ème plus humide. "Par comparaison, cet hiver sera marqué par La Niña, explique Jon Davis, une saison qui a commencé par des températures inférieures à la normale à la surface de l'Océan Pacifique." Selon lui, les hivers de La Niña ne sont pas anormalement froids, mais suffisamment pour que le contraste soit saisissant par rapport aux hivers d'El Niño. Le changement de température se fait déjà sentir sur le marché des combustibles de chauffage, dont la demande frémit. Il pourrait aussi faire flamber les prix agricoles. "La production de céréales a connu cinq récoltes record en six ans grâce à des conditions climatiques idéales", observe Steve Strongin, expert des matières premières chez Goldman Sachs. Si les récoltes 1999 ne sont pas aussi bonnes à cause du froid annoncé, il estime que la croissance de la demande mondiale fera remonter le cours des céréales.


Goldman Sachs, Morgan Stanley: pas de déflation-8 janvier 1999

La déflation mondiale n'inquiète plus les experts mais la reprise européenne ne dopera pas Wall Street.

Déflation interrompue
La déflation des matières premières ne sera pas perpétuelle, explique Steve Strongin, économiste chez Goldman Sachs. Depuis deux ans, l'indice GSCI des matières premières a chuté de 44%, entraîné par les produits énergétiques (-60%). "Mais il faut distinguer les surproductions structurelles et les déséquilibres conjoncturels", observe Steve Strongin. Les métaux sont dans la première situation, mais pas le pétrole. "Le cours du baril a souffert d'un surplus d'offre massif en 1998, explique-t-il. L'Irak a augmenté ses livraisons de 1,5 million de barils par jour et les membres de l'OPEP de 1,1 million." En face, la consommation des pays asiatiques baissait et ils vidaient leurs stocks pour réduire leurs importations de pétrole. "Aujourd'hui, la demande repart et les pays producteurs comme la Russie ne pourront pas maintenir leur niveau d'exportation maximum longtemps, estime Steve Strongin. Cette situation devrait entraîner un redressement majeur des cours du pétrole en 1999." Goldman Sachs prévoit une remontée du baril à 17 dollars fin 1999.

Récession terminée
La récession n'est pas devant mais derrière nous, estime Steve Roach. "Les marchés financiers ont traversé leur crise la plus grave depuis soixante ans et les prévisionnistes ont fait leur plus grosse erreur de pronostic en annonçant 3,5% d'expansion au début de 1998 alors que l'année s'est soldée par une croissance mondiale de 1,8%", estime l'économiste de Morgan Stanley. Mais le pire est passé et la croissance mondiale devrait repartir, lentement, dès cette année. La banque américaine prévoit 2% de croissance dans le monde cette année et 3% en l'an 2000. "Cinq hypothèses clés soutiennent cette prévision, précise Steve Roach. 1- Nous croyons que la crise des pays émergents est terminée. 2- Il n'y aura pas de crise mondiale du crédit. Les écarts de taux se sont déjà réduits de moitié par rapport au pic de la crise russe. 3- L'Asie peut se redresser sans le Japon, grâce à l'amélioration de la consommation domestique. 4- Les pays du G7 continueront d'assouplir leur politique monétaires au premier semestre. 5- Les problèmes informatiques de l'an 2000 seront un non-événement pour l'économie mondiale." Si ce scénario de croissance se déroule comme prévu, Steve Roach estime que l'inflation a atteint son plus bas et que les taux d'intérêt pourraient bientôt remonter, ce qui constituerait la principale menace pour les marchés financiers surévalués.

Des profits européens pour Wall Street
En 1998, les multinationales américaines ont évité la chute de leurs profits grâce à leurs filiales européennes. "Au premier semestre 1998, les filiales européennes ont rapporté 26,5 milliards de dollars de profits à leurs maisons mères américaines, en hausse de 10%, compensant la chute de 37,5% du bénéfice des filiales asiatiques, à 6,7 milliards de dollars.", observe Joe Quinlan, économiste chez Morgan Stanley. Si la croissance européenne ralentit trop cette année, les résultats des grosses multinationales américaines risquent de décevoir Wall Street.


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