Prévisions d'Experts > Mars - Avril 1998
Moteur high-tech. Nouvelles tendances. Risques et interrogations-30 avril 1998
Hambrecht & Quist est la première banque d'affaires américaine des entreprises de haute technologie. Sa conférence annuelle, qui se tenait à San Francisco la semaine dernière, est le plus grand rendez-vous des spécialistes mondiaux du secteur.
Le moteur
de la high-tech
«Ce n'est pas un accident si le communisme dans les pays émergents et les grosses
sociétés dirigées à la baguette sont allés dans le mur pendant la même décennie»,
a déclaré Larry Summers, le secrétaire du Trésor américain, invité d'honneur.
Selon lui, ce sont la technologie et la finance qui ont permis à l'économie
américaine de s'adapter à ces circonstances. Les valeurs technologiques n'échappent
pourtant pas au défi du changement. «L'investissement high-tech était jusqu'ici
tiré par une matrice simple, explique Bruce Lupatkin, directeur de la recherche
d'Hambrecht & Quist. Les nouveaux logiciels nécessitaient de nouveaux ordinateurs
qui nécessitaient de nouvelles puces.» Il estime que la logique d'investissement
est maintenant tirée par l'émergence de nouveaux services, dont l'impact est
plus difficile à anticiper sur la chaîne des industries technologiques.
Dominance
et nouvelles tendances
Les invités d'Hambrecht & Quist sont partagés sur les titres à acheter. «Les
croissances bénéficiaires décevantes proviennent moins de l'impact de la crise
asiatique que du niveau de concurrence accrue qu'imposent les entreprises dominantes»,
estime Fred Kobrick, président de la société de gestion qui porte son nom. Selon
lui, les fournisseurs de produits et services dominants dans leur domaine seront
les seuls survivants viables dans les hautes technologies. Ses choix se tournent
naturellement vers Microsoft, AOL, Amazon.com, Cisco ou E*Trade. Michael Bourne,
gestionnaire du Finsbury Technology Trust, ne partage pas cette stratégie. «Je
préfère me focaliser sur des titres moins évidents et chercher des thèmes originaux»,
explique-t-il. Parmi ses valeurs préférées figurent Tecnomatix, Semaphore ou
le britannique Psion.
Des risques
et des interrogations
Les invités d'Hambrecht & Quist sont aussi pertinents dans l'analyse des risques
qui pèsent sur les valeurs de hautes technologies. «Ne sous-estimez jamais le
pouvoir hypnotique de l'internet, prévient ainsi Roger McNamee, associé chez
Integral Capital Partners. En réalité c'est comme le pétrole. Pour que cela
marche il faut d'abord tuer beaucoup de dinosaures et ensuite être très patient.»
Roger McNamee rappelle que tout le monde croyait il y a deux ans que les valeurs
sûres de l'internet seraient les fournisseurs d'accès et les logiciels de navigation.
«On ne peut pas exclure que les prévisions d'aujourd'hui s'avèrent aussi erronées»,
conclut-il. D'après ses pronostics, les sociétés qui prospéreront sur de nouvelles
tendances technologiques vaudront plus dans dix ans que les leaders d'aujourd'hui,
tout comme Microsoft a supplanté IBM quand il semblait indémodable. Bruce Lupatkin,
d'Hambrecht & Quist, évoque pour sa part les risques des investissements high-tech
en 3D : délais, diversions et déceptions.
Emballement de liquidités. Cataclysme de l'an 2000. L'euro et l'Asie font peur-23 avril 1998
Emballement
de liquidités
Les semaines passent, les records se suivent. «L'indice Dow Jones a gagné 12,2%
au premier trimestre, soit une hausse annualisée de plus de 50%. Ce rythme est
clairement insoutenable, mais il est soutenu par l'excès de liquidité créé durant
la crise financière asiatique», diagnostique Rao Chalasani, directeur de la
stratégie chez Everen Securities à Chicago. Barton Biggs, le prévisionniste
de Morgan Stanley, partage cette analyse. «Les liquidités des banques centrales
du G7 sont la force qui pousse les actions toujours plus haut, admet-il. Cela
ne peut pas durer éternellement mais il vaut mieux ne pas aller à contre-courant
d'une grande marée de capitaux.» Selon l'analyse technique d'Everen, le Dow
Jones devrait grimper à 9400 points. Mais une ascension vers ce niveau sans
répit serait un signal d'excès inquiétant.
Le cataclysme
de l'an 2000
La débâcle informatique de l'an 2000 était jusqu'ici un argument de vente des
informaticiens ou des consultants. Elle fait son chemin parmi les inquiétudes
des économistes. «Une récession causée par le problème informatique de l'an
2000 est maintenant mon scénario le plus probable, annonce Edward Yardeni, chef
économiste chez Deutsche Morgan Grenfell à New York. Il s'attend par exemple
à une chute des titres bancaires déclenchée par le risque que certaines entreprises
soient incapables de payer leurs échéances à cause du problème de l'an 2000.
Ou encore à une chute des compagnies aériennes si les aiguilleurs du ciel devaient
annuler des vols en janvier 2000 pour cause de problèmes informatiques. Rao
Chalasani, chez Everen Securities, place aussi l'an 2000 en tête des incertitudes
à surveiller. «Nous pensons que le coût de mise en conformité pourrait être
considérablement plus élevé que les estimations courantes», conclut-il.
Même
l'euro fait peur
Peu d'Américains considèrent l'euro comme un bouleversement du marché des changes,
sauf Rao Chalasani. L'économiste d'Everen Securities place l'Union monétaire
européenne au second rang des incertitudes qui pèsent sur les marchés financiers.
«Bien que ce soit loin d'être sûr, l'euro pourrait défier le dollar à long terme»,
explique-t-il. Après l'UEM en 1999, il pense que certaines réserves de devises
pourraient être converties en euro à plus ou moins long terme. «Les marchés
financiers ne prennent pas en compte cette possibilité, elle n'est pas intégrée
dans les cours, explique-t-il. Du coup, c'est une éventualité qui aurait des
répercutions négatives sur le dollar et le marché obligataire.»
Et l'Asie
s'en sort trop bien
La convalescence des Bourses asiatiques depuis le début de l'année fait peur
à Robert Pelosky, spécialiste des marchés émergents chez Morgan Stanley. «Les
Bourses d'Asie du sud est sont en avance sur les effets économiques de la crise
financière», prévient-il. Selon lui, les Bourses asiatiques sont portées par
un afflux de liquidités trompeur. Il craint que leurs devises soient aussi remontées
artificiellement en raison des moratoires de dette et de la chute des importations
qui réduisent les sorties d'argent.
Pause à Wall Street. Menace inflationniste. Consumérisme européen-16 avril 1998
Wall
Street, enfin la pause
La rechute de l'économie japonaise a temporairement interrompu les records de
Wall Street en fin de semaine dernière, mais les experts de Morgan Stanley restent
confiants. Selon Philip Roth, directeur de l'analyse technique, l'indice Dow
Jones devrait bénéficier d'un soutien important à court terme autour de 8400
à 8500 points. «Il faudrait que l'indice redescende en dessous de ses records
de l'automne dernier, entre 8150 et 8200 points, pour que la tendance haussière
à moyen terme soit brisée», explique-t-il. Selon lui, la pause du printemps
sera probablement suivie d'une nouvelle hausse cet été. «L'objectif pour l'indice
Dow Jones serait autour de 9350 à 9400 points», conclut-il.
Marges
et inflation
Alors que 58% des entreprises de l'indice S&P 500 avaient mis en garde les analystes
contre une baisse de leurs profits au premier trimestre, 80% d'entre elles publient
finalement des bénéfices supérieurs aux prévisions boursières. Pour l'économiste
Byron Wien, de Morgan Stanley, cette bonne nouvelle cache une reprise de l'inflation.
«Les pressions salariales sont importantes, observe-t-il. Les camionneurs de
Greyhound ont refusé une augmentation de 6% jugée insuffisante. Certains craignent
que ces pressions salariales rogneront les profits, mais je pense que les entreprises
ont plus de marge pour augmenter leurs prix qu'on ne le croit.»
Byron Wien estime que la remontée des cours du pétrole et la moindre vigueur du dollar sont d'autres sources d'inflation. «Le dollar s'est apprécié de 20% vis-à-vis du deutsche mark et de 60% vis-à-vis du yen depuis le premier trimestre 1995, explique-t-il, et le pétrole a chuté de 40% entre son plus haut de 1996 et son plus bas de début 1998. Il y a des raisons de craindre que ces soutiens au faible niveau d'inflation touchent à leur fin.» L'accroissement du déficit commercial des Etats-Unis devrait en effet limiter les capacités d'appréciation du dollar et les cours du pétrole devraient être soutenus par la demande. Une récente étude de Cambridge Energy Research Associates estime ainsi que la consommation de pétrole asiatique en 2010 sera supérieure de 9 millions de barils par jour à son niveau actuel, soit plus que la production de l'Arabie Saoudite.
Le réveil
des consommateurs européens
Le retour des consommateurs est un moteur puissant de la reprise économique,
estime Steve Roach, l'économiste en chef de Morgan Stanley, et il arrive en
Europe. «La confiance des consommateurs américains avait plongé à un niveau
extrêmement bas au début des années 1990, explique-t-il. Mais un an après le
sommet des licenciements, atteint en 1993, les 93% d'Américains qui n'avaient
pas perdu leur emploi ont commencé à souffler. Maintenant que le chômage plafonne
autour de 11,5% en Europe, nous pensons que les 88% de travailleurs européens
qui ont un emploi commencent à sentir qu'ils ne seront pas victimes des restructurations.»
Pour Steve Roach, c'est le signe d'une reprise tirée par la consommation qui
se généralisera en Europe en 1998-99 et sera étonnamment durable.
Temps calme pour les obligations. Axe dollar-mark-09 avril 1998
Smith Graham, société de gestion de Houston dont le groupe Robeco a acquis 40% en 1996, est spécialiste des marchés obligataires. Gerald Smith, président-fondateur de Smith Graham, et son équipe donnent leurs vues sur les taux d'intérêt.
Temps
calme pour les obligations
«Aux Etats-Unis, nous croyons que les taux d'intérêt vont continuer à baisser
et que le marché obligataire offrira encore de bonnes perspectives», déclare
Gerald Smith. Son raisonnement repose sur trois éléments favorables aux obligations.
«Bien que l'économie soit forte elle donne des signe d'affaiblissement, explique-t-il.
L'inflation est inexistante car les entreprises gardent le contrôle de leurs
coûts et préfèrent délocaliser quand elles ne trouvent plus de main d'oeuvre
aux Etats-Unis, enfin le surplus budgétaire réduit les besoins de financement
de l'Etat.»
Pour Mark Delaney, spécialiste du marché américain chez Smith Graham, il faut néanmoins surveiller l'évolution de la courbe des taux, c'est à dire la différence entre les taux d'intérêt à court terme et à long terme. Avec un taux des fonds fédéraux à 5,5% et un rendement des emprunts à trente ans de 5,88% la courbe des taux américaine est pratiquement plate. «Un aplatissement de la courbe des taux est annonciateur de ralentissement économique quand il est causé par une hausse des taux courts par la Fed, explique Mark Delaney, ce qui n'a pas été le cas cette fois-ci.»
Des paris
pondérés
Malgré son optimisme Smith Graham ne parie pas agressivement sur la baisse des
taux d'intérêt. «La duration moyenne de notre portefeuille (c'est à dire la
période restant à courir jusqu'au remboursement des emprunts) est d'environ
quatre ans et demi aux Etats-Unis et de cinq ans et demi en Europe, ce qui correspond
à la duration moyenne pondérée de ces marchés», explique Gerald Smith. Une des
raisons qui pousse Smith Graham à limiter ses paris est l'appétit troublant
des emprunteurs. «Les émissions d'obligations privées ont atteint 70 milliards
de dollars au premier trimestre, remarque Mark Delaney, à ce rythme les émissions
de 1998 vont pulvériser le record de 240 milliards de dollars de 1993.» Si les
trésoriers d'entreprise empruntent autant d'argent en ce moment c'est qu'ils
pensent que les taux n'iront pas beaucoup plus bas. «Historiquement ce sont
eux qui se trompent le moins», précise-t-il.
L'axe
dollar-mark
«L'euro est fort vis-à-vis des autres monnaies mais le dollar est encore plus
fort», estime Gerald Smith. Il voit le dollar poursuivre sa hausse car les gains
de productivité sont plus rapides aux Etats-Unis qu'en Europe. «Pour un investisseur
américain il n'y a pas tellement d'intérêt à acheter d'autres devises que le
dollar», conclue-t-il. En Europe il préfère le mark. «Nous avons réduit nos
paris sur les marchés monétaires italien et espagnol car ils n'offrent plus
autant de différence de taux avec l'Allemagne, explique-t-il, et si quoi que
ce soit arrive il vaut mieux être investi en deutsche marks.»
Investissement high-tech. Transition informatique. Cybercommerce-03 avril 1998
Brian Grove est spécialiste des valeurs de haute technologie à la société de gestion Vaughan, Nelson, Scarborough & McCullough, à Houston. Il gère également le fonds Indosuez Multimédia pour le compte d'Indocam.
L'investissement
high-tech reste prometteur
«Ce qui me rend très optimiste pour les valeurs de high-tech c'est que les entreprises
investissent aujourd'hui près de 50% de leurs dépenses d'équipement dans les
technologies de l'information», déclare Brian Grove. Il estime que ce secteur
connaîtra des creux et des bosses, notamment avec la crise asiatique, mais reste
confiant dans ses perspectives. «Les profits des sociétés de l'indice S&P 500
devraient progresser de 7% cette année alors que nous escomptons 25% de croissance
bénéficiaire par an sur les trois à cinq prochaines années pour les actions
que nous détenons.»
La transition
du matériel
Selon Brian Grove, les préoccupations actuelles du secteur informatique seront
la base de leur prochain succès. «Des puces aux disques durs, le matériel est
moins cher, ce qui conduit à l'arrivée d'ordinateurs bon marché. A court terme
cette guerre des prix n'aide pas les Compaq ou Intel, explique-t-il, mais cela
se traduit par une augmentation du taux d'équipement en ordinateurs des ménages,
qui atteint maintenant 40%.» Selon lui, cette entrée des ordinateurs dans la
vie quotidienne donnera naissance à un marché de remplacement fabuleux. «Aujourd'hui
les gens sont obnubilés par la guerre des prix, constate Brian Grove, mais Intel
prépare un microprocesseur de 500 mégahertz pour la mi-1999 (cinq fois plus
rapide que celui des ordinateurs bon marché de 1997).» L'appétit des consommateurs
sera tiré par l'utilisation intensive d'Internet ou la vulgarisation de la photo
numérique qui requièrent des ordinateurs plus rapides. «Nous aimons beaucoup
les actions de fabricants informatiques tombées en défaveur, conclut-il. Avec
92% du marché Intel fera un malheur, et Compaq aussi, car les gens voudront
remplacer leurs vieux ordinateurs.»
Le règne
du logiciel et la conquête du contenu
Pour le gestionnaire d'Indosuez Multimédia, les progrès informatiques créent
des goulots d'étranglement technologiques. Les vendeurs de logiciels sont dépendants
de l'équipement en ordinateurs et les services Internet sont bloqués par sa
lenteur. La diminution de ces obstacles ouvre un monde d'opportunités. «Microsoft
a un tel monopole dans les logiciels qu'ils peuvent se permettre de faire des
commentaires baissiers sur leur titre pour acheter les actions nécessaires à
l'exercice des stock-options de leurs cadres», explique Brian Grove. America
On Line est aussi un gagnant désigné. «Les débutants qui veulent quelque chose
de simple pour aller sur Internet s'abonnent à AOL, résume-t-il. Avec cette
audience AOL est aujourd'hui le sixième réseau de télévision câblé des Etats-Unis.»
Comme il faut des programmes pour ces spectateurs, Brian Grove mise aussi sur
Disney et Time Warner «parce qu'ils ont des accords avec AOL». Enfin il parie
sur le cybercommerce en achetant le libraire Amazon.com et des spécialistes
des transactions sécurisées comme Axent et Security Dynamics.
AIM Europtimiste. Croissance surprise. Valeurs européennes-26 mars 1998
AIM Capital Management, qui gère 83 milliards de dollars depuis son siège de Houston, a fusionné avec Invesco pour former Amvescap, l'un des plus gros gestionnaires mondiaux. Le AIM European Development Fund est le meilleur de sa catégorie aux USA, avec 25% de hausse depuis le début de l'année. Clas Olsson, directeur de la gestion européenne, fait partager son europtimisme.
Cap sur
l'Europe
«Notre fonds d'actions internationales hors USA est investi à 67% en Europe,
9% en Amérique latine, 8% au Japon, 5% en Asie-Pacifique, 4,5% au Canada et
le reste en trésorerie», explique Clas Olsson. Le fonds avait une très forte
exposition sur l'Asie qu'il a réduit ces dernières années. «Nous n'avions pas
prévu la crise monétaire, avoue-t-il, mais l'Asie venait d'un très haut niveau
de croissance des bénéfices qui ralentissait. A l'inverse nous avons clairement
vu une très très forte accélération de la croissance des profits en Europe.»
Il admet que ces bonnes nouvelles sont en partie reflétées dans les cours et
n'exclut pas une pause. «Mais nous resterons pleinement investis», conclut-il.
Croissance
surprise
AIM se spécialise dans les valeurs de croissance et Clas Olsson croit que c'est
en Europe qu'il faut les chercher. «Les bénéfices des entreprises devraient
croître de 15,8% en Europe en 1998 contre 10% aux USA», explique-t-il. Ces prévisions
pourraient même être battues, comme en France, où la croissance des profits
de 1997 aurait atteint près de 29% contre 25% prévus en juin dernier. En revanche,
les valeurs de croissance à suivre ont changé. «En France nous avions LVMH,
l'Oréal ou Carrefour, mais nous n'en avons plus car ce sont des sociétés internationales
affectées par le ralentissement en Asie», confie-t-il. Sa sélection actuelle
privilégie davantage les valeurs financières, comme Axa, BNP ou Société Générale
ou des valeurs plus sensibles à l'économie domestique comme Promodès, Legrand,
Sodexho ou Pinault Printemps Redoute.
Unions
économiques et monétaires
Quand Clas Olsson classe Renault parmi ses valeurs de croissance favorites,
ce n'est pas par provocation. «Beaucoup de sociétés verront leurs profits progresser
rapidement sans que leur marché soit en forte croissance, simplement grâce aux
restructurations accomplies ou en cours», explique-t-il. Selon lui, la rentabilité
des fonds propres a atteint un plafond aux USA, autour de 20%, alors qu'elle
n'est que de 14% en Europe où elle commence à s'améliorer. «Les sociétés réalisent
que l'euro va se faire et que la concurrence s'accroît chaque jour, analyse-t-il,
elles doivent trouver des partenaires, fusionner, vendre leurs activités non
stratégiques ou déficitaires et se concentrer sur ce qu'elles savent faire.
Les sociétés européennes se réinventent elles-mêmes.»
Petites
valeurs qui montent
«Quand on parle des pures valeurs de technologie, il est difficile d'en trouver
des bonnes en France, estime Clas Olsson, soit parce qu'elles ne sont pas cotées
soit parce qu'elles sont trop petites.» Les seules qu'il possède sont Dassault
Systèmes, Technip, UBI-Soft et Alcatel Alsthom qui «devient une valeur de croissance».
Mais il croit aussi aux profits que peuvent générer des franchises bien moins
high-tech, comme Léon de Bruxelles, TéléPizza en Espagne ou AutoGrill en Italie.
Amérique triomphante. Revers de la médaille. Opportunités-19 mars 1998
L'Amérique
triomphante
Les records pulvérisés par Wall Street et les Bourses européennes la semaine
dernière ont confirmé les prévisions des experts. Ils les ont même renforcé.
Alors que le Dow Jones a franchi le cap des 8 800 points, Abby Cohen, la stratégiste
de Goldman Sachs, a revu son objectif en hausse. Elle estime que l'indice fétiche
de Wall Street devrait atteindre 9 300 points cette année. L'économiste en chef
de Morgan Stanley, Steve Roach, est aussi euphorique pour la croissance. «Nous
avons relevé notre prévision pour le premier trimestre à 3,5% ce qui augmente
notre prévision de croissance pour l'année 1998 à 3,4%, bien au dessus du consensus
et des estimations de la Fed qui semblent toujours être dans la fourchette des
2% à 2,5%.»
Le revers
de la médaille
L'économiste de Morgan Stanley estime néanmoins que le climat actuel est porteur
d'effets pervers. «Avec le chômage au plus bas depuis 24 ans, à 4,6% en février,
la hausse des salaires a déjà atteint 4,1% sur les douze derniers mois. Nous
prévoyons que les coûts salariaux horaires augmenteront d'environ 4% sur la
période 1998-99, bien au dessus des 3% d'inflation prévus sur cet intervalle,
explique-t-il. Avec ces pressions sur les marges, nous continuons de croire
que les profits des entreprises se dirigent vers un déclin de 2% en 1999, la
première baisse en dix ans.»
Le développement des obligations indexées sur l'inflation donne par ailleurs une idée assez précise de l'inflation anticipée par les investisseurs. Avec l'envolée du marché obligataire de ces dix derniers mois, l'inflation que les investisseurs anticipent pour les dix prochaines années a chuté de 3,3% en avril 1997 à 2% aujourd'hui. «A mon avis, le marché obligataire fait un pari bien trop héroïque en comptant sur une inflation aussi basse pour les dix prochaines années», prévient Steve Roach. En admettant que l'inflation retrouverait entre 2003 et 2008 son rythme moyen depuis les années 50, soit 3,3% si l'on exclut l'aberration des années 70, Steve Roach calcule que l'inflation anticipée par le marché d'ici à 2002 ne ressortirait plus qu'à 0,7% par an, ce qui est à ses yeux une erreur d'appréciation. «Cela n'exclut pas une dernière envolée des obligations, conclut-il. Mais je maintiens qu'il y a plus de chances que les taux d'intérêt à long terme américains soient à 7% dans un an plutôt qu'à 5%.»
Les opportunités
qui restent
«Malgré une valorisation élevée on peut trouver des titres à des niveaux raisonnables,
explique Jean Malo, gestionnaire chez Vaughan, Nelson, Scarborough & McCullough,
à Houston. On peut acheter des banques comme la Chase ou Citibank qui ont baissé
à cause des risques que les investisseurs pensaient qu'elles encouraient en
Asie. D'autres titres sont aussi affectés de façon irrégulière par des difficultés
à court terme en dépit de leurs bonnes perspectives à long terme, comme Intel
ou Boeing.» Certaines valorisations plus chères lui semblent même justifiées
pour des valeurs exceptionnelles comme Coca-Cola, dont les ventes en Chine s'envolent
malgré la crise, ou l'assureur AIG, dont les profits grimpent de 15% à 20% par
an depuis quinze an. Il estime aussi que la reprise européenne profitera à Ford,
General Motors ou General Electric.
Année porteuse pour Wall Street. L'Europe va mieux. Réformes asiatiques-11 mars 1998
Pas d'essoufflement
américain
«En dépit de tous les bruits à propos de l'Asie, de Saddam et de Monica, l'économie
américaine n'a pas raté un seul pas, explique Edward Yardeni, économiste en
chef de Deutsche Morgan Grenfell. Les derniers indicateurs suggèrent que le
PIB croit aussi rapidement au début de 1998 que l'année dernière, quand il avait
cru de 3,8%.» Et cette bonne santé devrait se poursuivre jusqu'à la fin du millénaire.
«L'expansion ininterrompue du cycle économique devrait devenir la plus longue
reprise d'après-guerre en 1999», déclare Maury Harris, l'économiste de Paine
Webber, qui prévoit une croissance de 2,5% du PIB américain en 1998 et 1999.
Wall
Street va bien
Dans ce contexte économique favorable, Abby Cohen, la stratégiste adulée de
Goldman Sachs, prévoit une année porteuse pour Wall Street. Elle estime que
l'indice S&P 500 devrait facilement atteindre son objectif de 1100 en mars 1999
(contre 1069 vendredi). «Les gains futurs seront davantage liés à l'amélioration
des résultats, explique-t-elle. La rotation des secteurs sera rapide et importante.»
Ses exemples favoris sont la désaffection dont ont souffert les valeurs financières
et technologiques à l'automne dernier quand les investisseurs ont cru qu'elles
seraient fortement pénalisées par la crise asiatique. «Les banques américaines
semblent avoir bien gérés leurs risques sur cette région tandis que beaucoup
de sociétés high-tech profitent d'une forte demande américaine et européenne
qui compense la faiblesse de l'Asie.» Goldman Sachs conseille d'accroître l'exposition
à ces secteurs. La Chase Manhattan est notamment recommandée par de nombreux
courtiers.
L'Europe
va mieux
Même l'économie européenne finit par gagner la confiance des observateurs. «Il
semble que la demande domestique européenne soit maintenant assez forte pour
compenser un recul des exportations en Asie», estime Edward Yardeni. Selon lui,
la préparation à l'UEM a été le principal handicap pour la croissance européenne
ces dernières années. Les politiques budgétaires étaient restrictives pour atteindre
les critères de Maastricht et les politiques monétaires vouaient leurs efforts
à la convergence des taux d'intérêt et de l'inflation au plus bas niveau. «Ces
objectifs sont maintenant atteints et le coût de ces efforts semble diminuer
rapidement alors que les bénéfices économiques de l'unification monétaire imminente
deviennent plus visibles», explique l'économiste de Deutsche Morgan Grenfell.
Même
l'Asie réserve de bonnes surprises
Les dirigeants asiatiques sont souvent réticents à mettre en place les mesures
d'austérités préconisées par le FMI car leurs pays ont absolument besoin d'une
forte expansion pour faire face à la croissance de leur population. Une étude
de l'OCDE vient pourtant de démontrer que ces réformes augmenteront le potentiel
de croissance des pays d'Asie par rapport à leur environnement économique actuel.
L'OCDE a comparé le potentiel de croissance actuel des pays d'Asie par rapport
à la croissance dont ils auraient besoin pour rattraper le niveau de vie de
l'OCDE d'ici 2020. Les réformes structurelles préconisées par le FMI augmenteraient
ce potentiel de croissance de 36% pour la Chine, de 47% pour l'Indonésie, de
52% pour l'Inde et de 28% pour l'ensemble des pays dynamiques d'Asie. Une perspective
réjouissante pour les marchés émergents.
Débat sur le dollar chez Morgan Stanley-05 mars 1998
Le dollar
pourrait rechuter
Steve Roach, l'économiste le plus perspicace de Morgan Stanley estime que le
dollar aurait trois bonnes raisons de chuter. La première serait un accroissement
du déficit de la balance des paiements américaine de 2% à 3% du PIB, soit environ
250 milliards de dollars, sur l'année qui vient. Ce déficit pourrait même être
encore plus grave car l'élasticité des importations américaines au cours du
dollar s'est fortement accrue, passant de 0,84 entre 1961 et 1989 à 1,48 dans
les années 90. En d'autres termes, les importations augmentent bien plus fortement
qu'avant en cas de baisse du dollar. Le second argument pour une baisse du dollar
serait que les pays du G7 dissuaderaient le Japon de faire baisser le yen pour
relancer son économie. La troisième raison serait que les investisseurs se désintéresseraient
de l'aspect valeur refuge du dollar maintenant que la crise asiatique est en
voie de résolution, que les doutes sur l'UEM diminuent et que le Japon reprend
son économie en main.
Ce qui
relancerait l'inflation
Selon Steve Roach, la possibilité d'une rechute du dollar déclencherait une
reprise de l'inflation qui affecterait durement les marchés financiers. «L'appréciation
d'environ 25% du dollar vis-à-vis des monnaies de ses partenaires commerciaux
depuis le printemps 1995 a réduit l'inflation américaine de 0,5% à 0,7% par
an sur les deux dernières années, explique-t-il. Si le dollar changeait de direction,
ce vent de face pourrait facilement tourner en vent arrière inflationniste au
moment précis où les tensions du marché du travail préparent une pression des
coûts salariaux. Une telle confluence de pressions extérieures (une baisse du
dollar) et intérieures (les coûts salariaux) pourrait déclencher une détérioration
inattendue de l'inflation au moment où les marchés financiers y sont le moins
préparés.»
Mais
le billet vert a aussi des supporters
La plupart des autres experts de Morgan Stanley parient sur une hausse de la
devise américaine. Ravi Bulchandani, l'économiste du marché des changes, estime
toujours que le dollar pourrait grimper à 2 marks, soit environ 6,70 francs,
et 140 yen d'ici douze à dix-huit mois. «Si les autorités japonaises ne peuvent
pas stimuler leur économie en utilisant la politique monétaire et sont réticents
à utiliser la politique budgétaire, une dépréciation du yen reste la seule solution»,
estime-t-il. Sur le front européen, l'économiste Eric Chaney pense que la dégradation
de la balance des paiements américaine est déjà anticipée par le marché des
changes tandis qu'il prévoit une stabilisation ou une diminution de l'excédent
européen qui n'est pas encore prise en compte. «La moindre surprise sur la balance
des paiements européenne pourrait faire monter le dollar vis-à-vis du mark»,
conclut-il. Selon Joe Quinlan, un autre économiste de Morgan Stanley, une telle
hausse du dollar ne serait pas si négative pour les entreprises américaines.
«Avant de vendre leurs actions de multinationales les investisseurs devraient
regarder le rôle des échanges intra-entreprise», conseille-t-il. En effet, 35,7%
des exportations américaines et 43,2% des importations sont directement vendues
ou achetées par les sociétés américaines à leurs filiales étrangères ce qui
permet aux multinationales de compenser les variations monétaires.