Prévisions d'Experts > Septembre - Octobre 1998


Quand les hedge funds dénouent leurs spéculations-16 octobre 1998

Les experts financiers commencent à percevoir les causes et les conséquences inattendues des zones de turbulences que les marchés ont traversé depuis cet été.

Le poids des hedge funds
Les hedge funds ont eu un rôle important dans l'exagération des marchés. "Les investisseurs essaient de comprendre le message que leur envoie le marché obligataire, explique Christine Callies, directrice de la stratégie au CSFB. Ils pensaient que la baisse des taux d'intérêt était un signe de faiblesse de l'économie, mais elle était liée à d'autres facteurs d'offre et de demande." Selon elle, une part de la hausse des obligations était due à la fuite des investisseurs vers les titres sans risque mais une part équivalente était due au dénouement des paris spéculatifs des hedge funds. "Ils avaient vendu beaucoup de bons du Trésor à découvert qu'ils ont du racheter précipitamment quand leur cours s'est mis à monter, explique-t-elle. La fin de ce processus explique la brusque rechute des obligations." En effet, les cours ne sont plus soutenus par cette demande artificielle.

Soulagement pour l'économie
L'analyse du rôle des hedge funds permet d'interpréter les mouvements des marchés avec un regard nouveau. "Les investisseurs sont confus parce qu'ils croient généralement que les mouvements des marchés reflètent la situation fondamentale de l'économie, estime Christine Callies. Mais ce n'est peut-être pas pertinent cette fois-ci." La bonne nouvelle, selon elle, est que l'économie n'est probablement pas aussi faible que ce que la baisse des taux d'intérêt laissait craindre.

Même scénario pour le dollar et le yen
La chute de 15% du dollar en un mois face au yen suivrait un scénario identique à celui qui a perturbé le marché obligataire. "Beaucoup de spéculateurs qui achetaient des bons du Trésor à découvert se finançaient avec des emprunts en yen, explique Christine Callies. En dénouant ces positions ils se retrouvent vendeurs de dollars et acheteurs de yen." La chute du billet vert serait, selon elle, largement due à cette sortie précipitée des hedge funds et des banques dont les paris avaient fait monter artificiellement le dollar depuis dix-huit mois.

Effets monétaires
Ce retour à la normale serait, là encore, favorable à l'économie américaine. "Le repli du dollar ne résout pas les crises économiques à l'étranger, admet Christine Callies. Mais il rétablit la compétitivité des entreprises américaines." Selon elle, la hausse exagérée du dollar depuis le début 1997 avait en effet largement contribué à la plus forte chute des exportations que les Etats-Unis aient connu depuis le creux de 1981-82, quand le dollar était monté à 10 francs. Le repli du billet vert devrait durer quelques mois, estiment par ailleurs les économistes de la Chase Manhattan. "Bien qu'une nouvelle vigueur du dollar soit probable une fois que les dénouement de positions spéculatives se seront dissipés, ce processus a des chances de persister", expliquent-ils. Les risques encourus par les hedge funds et les banques les incitent en effet à abandonner ces stratégies périlleuses.


Stanley Nabi ne croit pas à la grande dépression-09 octobre 1998

Après avoir géré les fonds de Lazard New York et de la société Bessemer, Stanley Nabi dirige aujourd'hui la gestion de Wood Struthers & Winthrop, une filiale de la banque d'affaires DLJ. Il gère également le Callander Fund, commercialisé en France. Voici les raisons qui justifient son optimisme mesuré.

Nous ne revivons pas la crise de 1929
"L'hypothèse d'une crise comparable à celle de 1929 a sérieusement inquiété les investisseurs, admet Stanley Nabi. Mais c'est méconnaître l'histoire économique." Le durcissement monétaire avait été largement responsable de la dépression des années trente. "Aujourd'hui la plupart des banques centrales sont bien informées, insiste-t-il, et elles envisagent plutôt d'assouplir leur politique monétaire pour stimuler la croissance." Stanley Nabi rappelle aussi que l'Amérique n'était pas aussi riche il y a soixante ans. "Aujourd'hui nous avons la sécurité sociale, l'assurance chômage et les fonds de pension, explique-t-il. Sans compter un excédent budgétaire total de 135 milliards de dollars." Après sept ans d'austérité il estime que les dépenses fédérales augmenteront durant l'année fiscale qui a débuté 1er octobre. Il croit aussi que la confiance des consommateurs tiendra. "Les salaires ont connu leur plus forte hausse depuis quatre ans et l'économie américaine crée toujours 1,5 million d'emplois par an, contre 2,5 millions l'an dernier, souligne-t-il. La consommation sera plus importante l'an prochain."

Sortie de déflation en vue
Non seulement Stanley Nabi ne croit pas qu'une récession soit envisageable aux Etats-Unis, mais il estime même que le monde entier est plutôt en train de sortir de la déflation que d'y entrer. "Je pense que la période d'écroulement des matières premières touche à sa fin, explique-t-il. Après leur plus bas de cet été, les cours se sont vivement redressés depuis quelques semaines. L'or, le pétrole, le cuivre, l'aluminium, le blé et même le bois sont tous en hausse, ce qui est plutôt un bon signe." Pour Stanley Nabi ces sursauts ne suffiront pas à raviver les craintes inflationnistes mais ils amélioreront les perspectives de nombreux pays producteurs.

Wall Street est trop pessimiste
"La plupart des indices boursiers sous-estiment les dégâts enregistrés à Wall Street", explique Stanley Nabi. Si l'indice Dow Jones a perdu près de 20% depuis son record de juillet, la baisse moyenne d'un échantillon de 6 000 actions américaines atteint en réalité 45%. Une partie de cette chute est justifiée, notamment, par l'effritement des profits. "Les bénéfices du second semestre devraient reculer de 2% ou 3% par rapport au premier semestre et nous nous attendons à une poursuite de cette détérioration au premier semestre 1999", admet Stanley Nabi. Il estime cependant que le plongeon des petites valeurs est exagéré pour des sociétés qui n'ont souvent aucune activité internationale. "Je crois que les multinationales vont racheter beaucoup de ces petites sociétés dans les douze mois qui viennent car c'est une source de croissance bon marché pour améliorer leurs profits."


Cauchemar de banquiers ou le syndrome LTCM-02 octobre 1998

L'affaire du hedge fund LTCM, qui implique les plus grandes banques internationales, a transformé la crise des marchés émergents en cauchemar de banquiers. Voici les réflexions qui ressortent de leurs confessions.

L'instant de vérité
"La découverte des risques qu'ont pris les banques fait peur car on ne connaît pas réellement l'ampleur du problème", estime Samuel Pinto, gestionnaire à la Compagnie Financière Edmond de Rothschild. Le marché ne fonctionne plus sur la confiance mais sur la suspicion. Les banques cotées ont perdu entre 40% et 60% de leur valeur, presque sans discernement. "L'évaporation de la confiance peut créer de graves problèmes aux banques, avoue le directeur d'une banque américaine à Paris. Si on coupe la liquidité à une banque elle est finie, mais c'est aussi vrai pour le Crédit agricole. L'instant de vérité c'est le refinancement." Mais les difficultés de refinancement des banques à risques restent indécelables. "Pour éviter de se faire repérer, les banque se refinancent à très court terme et transforment ensuite leurs prêts grâce à des swaps sur les marchés de gré à gré", explique un adepte de la méthode. Un autre indice est aussi révélateur de la confiance qu'inspirent les banques. "Les gros clients des services de gestion attachent de plus en plus d'importance à la solidité financière des dépositaires et des conservateurs de titres", explique Jean-Claude Leconte, directeur général d'Image et Finance. Certaines sociétés de gestion françaises souffriraient déjà d'une perte de confiance envers la solidité financière de leurs actionnaires.

Grande lessive et OPA en perspective
Conséquence immédiate de la crise, la chasse aux sorcières a commencé. La banque CPR s'est séparée de son directeur des opérations de trading pour compte propre. Les équipes de trading de Paribas à New York subiraient également une purge depuis quelques semaines. "Il règne une atmosphère délétère dans les banques, admet un banquier parisien. Les gens de chez Paribas ont peur de se faire racheter par des étrangers." Cette menace retrouve en effet toute sa crédibilité après la chute des cours. "Il y aura une belle vague d'OPA d'ici quelques mois, prédit une gestionnaire. La Lloyds Bank trouvait les banques françaises trop chères compte tenu des freins aux réductions d'effectifs, mais la baisse des prix pourrait la faire changer d'avis."

Réveil en douceur
Si c'est un cauchemar, le réveil sera un soulagement, suggère Robert Albertson, analyste chez Goldman Sachs. "Le marché n'analyse plus les données fondamentales, il ne croît plus rien et fait un cauchemar. Nous pensons que la panique est exagérée. Les banques ont toujours mené les replis boursiers, mais aussi les reprises." Selon lui, les dommages résiduels causés par la crise boursière seront probablement sans comparaison avec leur anticipation actuelle. Il estime que les grandes banques américaines auraient un potentiel de reprise allant de 50% à 70%.


Baisse trompeuse. Europe prometteuse. Consommateurs épargnés-25 septembre 1998

Baisse trompeuse
La contagion de la crise des marchés émergents a été mal interprétée. C'est ce que croît Christine Callies, la directrice de la stratégie du CSFB."Il est tentant de conclure que le marché a répondu avec retard aux crises asiatiques et russe, admet-elle. Mais nous doutons que la baisse des cours soit le signe d'une détérioration fondamentale." Elle estime que les pressions baissières étaient en fait peu liées à l'économie, qui reste selon elle porteuse. "Les origines domestiques du problème sont venues des marchés à terme qui reflétaient des difficultés de paiement sur d'autres marchés", explique-t-elle. Les hedge funds, qui sont à 80% investis sur le marché américain, auraient selon elle inversé leurs paris avec fort effet de levier pour compenser leurs pertes sur les marchés émergents. Cette réduction de l'effet de levier est d'autant plus forte que les hedge funds n'étaient pas les seuls à parier plus qu'ils n'avaient. Les prêts sur titres, qui s'apparentent à des achats à découvert, ont en effet dépassé 6% du PIB américain début 1998, soit deux fois plus que leur moyenne entre 1964 et 1992. Christine Callies estime que Wall Street a corrigé en huit semaines des excès qui se corrigent habituellement en un an, ce qui crée selon elle une opportunité d'achat au dernier trimestre.

Europe prometteuse
Après la chute de 20% que viennent de connaître les Bourses européennes, certains doutent des attraits qu'on leur prêtait il y a six mois. Mais pas Goldman Sachs. Pour Mike Young, responsable de la stratégie européenne, l'Europe garde l'environnement le plus favorable aux actions du monde. "Nous nous attendons à une poursuite des fusions-acquisitions, scissions et rachats d'actions qui augmenteront la performance boursière à moyen terme, explique-t-il. Les restructurations qui ont caractérisé la période 1994-95 ne seront plus aussi visibles mais celles qui ont été faites auront un impact majeur en 1999-2000." Résultat, Goldman Sachs, s'attend toujours à une hausse de 11% des profits des entreprises européennes cette année et de 9% l'an prochain. "Nous comptons sur une hausse générale des actions européennes dans une fourchette de 10% à 15% sur les douze prochain mois", conclut-il.

Consommateurs épargnés
L'une des raisons qui rend Goldman Sachs optimiste est que les consommateurs européens ont le moral. Non seulement ils profitent des créations d'emplois, mais ils se sont aussi enrichis sans penser à la crise boursière. "Il est important de se rappeler que les épargnants européens possèdent toujours plus d'obligations que d'actions et que les marchés obligataires continentaux sont toujours largement plus gros que les marchés boursiers, explique Mike Young. Or, les obligations ont rapporté en moyenne 10% depuis le début de l'année." A plus long terme, il estime néanmoins que les Européens devraient investir davantage en actions, ce qui profiterait aux banques qui vendent des services de gestion. "Le secteur a chuté de 40% et pourra avoir des difficultés à progresser à court terme, conclut-il, mais son potentiel de valorisation reste intact."


Marchés émergents inquiétants. G7 hésitant-18 septembre 1998

Pas de salut pour les marchés émergents
Les marchés émergents continuent de s'enfoncer dans la crise sans que les investisseurs soient tentés de profiter des opportunités créées par l'effondrement des cours. "Par le passé, la faiblesse des valorisations boursières et l'élargissement de l'écart de taux des marchés émergents par rapport aux marchés développés ont été de bons signaux d'achats indiquant un fort ratrappage des actions sur les douze mois suivants", explique Leila Heckman, économiste chez Salomon Smith Barney. Selon cette approche, les marchés émergents sont objectivement tentants. Depuis la fin juillet, l'écart de taux des emprunts argentins en dollar par rapport aux bons du trésor américain à huit ans est passé de 3,9% à 10,3% tandis que l'écart de taux des emprunts brésiliens à dix ans a bondi de 5,9% à 13,9%. "Ce sont des niveaux qui impliquent une forte probabilité de défaillance pure et simple", analyse Leila Heckman. Le sentiment est devenu si négatif à l'encontre des pays émergents qu'ils ne pourront pas se redresser tant que les marchés ne seront pas persuadés que le risque de spirale déflationniste n'est plus une menace.

Risques de contagion des pays riches
"La contagion n'est plus capable de faire la distinction entre les pays avec de mauvaises économies et ceux qui ont des fondations solides", observe Steve Roach, le chef de la stratégie de Morgan Stanley. La tempête financière est maintenant entrée dans des pays considérés comme vertueux, comme au Canada, en Australie ou en Nouvelle Zélande. Et le dollar a subit une attaque surprise qui lui a déjà fait perdre 10% depuis son plus haut de 1998. La contagion du dollar est un aspect inattendu de la crise. "Le dollar est la devise dans laquelle sont libellées les dettes risquées du monde entier, explique Ravi Bulchandani, expert du marché des changes chez Morgan Stanley. Si la demande pour les actifs risqués plonge, la demande pour les actifs libellés en dollars diminue et son cours baisse." Cet aspect aurait été selon lui implicitement reconnu par Hans Tietmeyer, le président de la Bundesbank, quand ce dernier a suggéré que la chute du dollar était causée par des raisons techniques sans relation avec sa situation fondamentale. Le problème est que les incidents "techniques" du dollar ont des conséquences économique bien réelles. "Un dollar affaibli ou un euro renforcé signifierait que l'Europe deviendrait l'exportateur de croissance dans le reste du monde, y compris en Asie, note Ravi Bulchandani. Or il est difficile d'exporter quelque chose qui est encore rare et que vous venez de redécouvrir."

Manque d'interventions coordonnées
Les marchés mondiaux manquent de liquidités et les économies manquent de croissance. Mais chaque alternative pour l'un de ces maux est un dilemme pour l'autre, d'où la division des autorités monétaires face à la difficulté de la situation. La baisse des taux d'intérêt japonais à 0,25% pour relancer l'économie risque d'affaiblir à nouveau le yen et d'aggraver la situation de ses voisins asiatiques. Les pays développés sont aussi tiraillés. Le communiqué du G7 du 14 septembre a laissé espérer un assouplissement monétaire concerté vite éclipsé par le dialogue de sourd entre Alan Greenspan et Hans Tietmeyer. Leurs préoccupations sont aussi légitimes : une baisse des taux américains risquerait d'affaiblir encore le dollar tandis qu'une baisse des taux allemands serait risquée avant la naissance de l'UEM.


Des marchés schizophrènes. Dollar à double tranchant-12 septembre 1998

Des marchés schizophrènes
Avec leur sens inné du paradoxe, les experts estiment que la baisse de Wall Street était un mal nécessaire pour éviter son atterrissage en catastrophe. "Voir le marché monter tout droit pendant trois ans était plus inquiétant qu'une correction", déclarait récemment Myra Drucker, directrice des investissements du fonds de pension de Xerox. Le président de la Bundesbank, Hans Tietmeyer, estimait lui même qu'une correction boursière "était dans l'air" depuis quelques temps, ce qui était selon lui plus sain après la forte hausse des derniers mois. On attribue aussi à la crise d'août la vertu d'attendrir la Fed. Après la chute de 6% du Dow Jones le 31 août, la déclaration d'Alan Greenspan sur un possible assouplissement des taux d'intérêt a fait rebondir l'indice américain de 5% le 8 septembre. Ces montagnes russes agacent les particuliers qui ont commencé à sortir des mutual funds depuis la dernière semaine d'août. Mais les économistes les plus respectés restent confiants. Hans Tietmeyer a ainsi rappelé qu'il ne voyait pas de signes de récession mondiale et que la croissance en Europe et aux USA se poursuivait. "Avec les Etats-Unis et l'Europe qui représentent 47% du PIB mondial et qui sont sur une pente de croissance modérée, une récession mondiale est improbable sur les douze à dix huit prochains mois", diagnostique aussi Christine Callies, responsable de la stratégie d'investissements du Credit Suisse First Boston à New York.

Un dollar ambivalent
La surprise de la semaine dernière a été le plongeon brutal du dollar (jusqu'à 5,63 francs), lui aussi interprété de façon ambivalente. Un repli du dollar serait logiquement une solution aux problèmes liés à sa hausse. Cela fait remonter le yen dont la faiblesse était soupçonnée de relancer les dévaluations asiatiques. Cela allège le fardeau des pays émergents endettés en dollars et le coût des plans de sauvetage du FMI. Mais la baisse du billet vert a aussi sa face obscure. "La chute d'une devise a exactement le même effet sur le commerce extérieur qu'un droit de douane", explique Ravi Bulchandani, expert du marché des changes chez Morgan Stanley à Londres. Contrairement aux représailles douanières qui mettent en danger le commerce mondial, Ravi Bulchandani estime que les autres pays peuvent répondre à la baisse du dollar en assouplissant leurs politiques monétaires pour affaiblir leurs propres monnaies, ce qui aurait l'avantage d'injecter des liquidités dans l'économie mondiale. Mais il craint que cette réaction n'arrive pas à temps pour empêcher la baisse du dollar de faire des dégâts. "Pour les nouveaux pays industrialisés d'Asie, l'accès aux marchés américains a entraîné un surplus de croissance allant de 0,7% à 1% par an, analyse Ravi Bulchandani. Un accroissement de 40 milliards de dollars du déficit commercial américain peut donc entraîner jusqu'à 1,5% de croissance supplémentaire dans les dragons d'Asie en 1999." L'économiste estime qu'une forte chute du dollar stopperait brutalement ce soutien et ferait peser une pression déflationniste sur l'économie mondiale.


Jean Malo, gestionnaire à Houston : Il n'y a pas que la Bourse dans la vie-05 septembre 1998

Jean Malo est spécialiste de questions financières à la société de gestion Vaughan Nelson, à Houston. Il apporte un éclairage original sur la crise boursière des dernières semaines.

Contradictions américaines
En commençant par les Etats-Unis, Jean Malo estime qu'il y a une dichotomie contradictoire entre les activités ouvertes sur l'extérieur et la partie plus domestique de l'économie. "La première partie, qui comprend notamment l'agriculture, la production de matières premières et les industries manufacturières, est directement affectée par les prix internationaux, la déflation des matières premières et le ralentissement de la demande mondiale, explique-t-il. Mais les services, qui représentent 80% de l'activité, se portent très bien et profitent même de la stabilité des prix à la consommation." Les dernières statistiques de création d'emplois confirment cette dichotomie entre l'économie intérieure et extérieure des Etats-Unis.

Il n'y a pas que la Bourse dans la vie
Sans renier l'importance de Wall Street pour l'économie, Jean Malo explique pourquoi la Bourse n'est pas à ses yeux le meilleur baromètre de l'activité américaine. "Wall Street n'est pas un vrai miroir de l'économie, analyse-t-il. Le secteur automobile, qui pèse 1,2% du PIB, est par exemple bien plus fortement représenté en Bourse que les services juridiques, qui représentent pourtant 1,3% de l'économie." Les industries fortement capitalistiques se tournent en effet davantage vers la Bourse que les services moins gourmands en capitaux. "Du coup Wall Street donne une image déformée de l'économie car les services n'y sont pas assez représentés, conclut-il. L'économie américaine peut ainsi être en forme au moment où les résultats des entreprises cotées sont pénalisés par des problèmes internationaux." La question reste selon lui de savoir jusqu'où la crise internationale doit elle faire baisser Wall Street pour déprimer la consommation en dépit du plein emploi.

Le vrai problème est ailleurs
Jean Malo interprète aussi la crise des pays émergents avec un certain recul. "Les marchés émergents sont très déprimés mais ils ne représentent qu'une petite partie de l'économie et de la Bourse mondiale, explique-t-il. Ils sont un peu une diversion par rapport à la parité dollar/yen et à l'impact négatif qu'elle a directement sur l'Asie et indirectement sur les autres pays." Pour Jean Malo, les menaces de dévaluation en Chine ou à Hong Kong, leurs conséquences pour les autres monnaies, pour les plans de sauvetage du FMI et pour les banques occidentales, sont des problèmes dérivés de la baisse du yen. La récente reprise du yen face au dollar est à ce titre une bonne nouvelle. "Si vous êtes optimiste et que vous pensez que le Japon peut résoudre sa crise financière et que la Fed l'aidera en baissant ses taux, ce qui ferait baisser le dollar et réduirait le coût des plans de sauvetage du FMI, investissez dans les grandes banques japonaises ou occidentales, conclut Jean Malo. Si vous êtes pessimiste n'attendez rien des marchés financiers mais vous pouvez quand même spéculer sur la baisse du dollar."


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