Prévisions d'Experts > Novembre - Décembre 1998


Premiers pas en 1999-30 décembre 1998

L'année 1998 s'est terminée sous le signe de la sérénité du marché des changes et des records à Wall Street. Les prévisions des experts restent rassurantes sur ces deux fronts.

L'an 1 du nouvel ordre monétaire international
L'inauguration de l'euro sera probablement accueillie par un calme plat sur le marché des changes. Compte tenu du statu quo observé durant la trêve des confiseurs, la société de prévisions mathématiques Olsen & Associates s'attend à une quasi stabilité de l'euro vis-à-vis des principales devises durant ses premières semaines d'existence. Après cette phase d'acclimatation, la disparition des onze monnaies composant l'euro aura en revanche un effet inattendu sur le marché des changes. "Les traders ne veulent pas limiter leurs positions aux trois grandes devises restantes, explique Bernard Hechinger, analyste chez Olsen & Associates. Pour diversifier leurs risques de change ils reporteront peut-être leurs positions spéculatives sur d'autres monnaies de pays industriels." Les spéculateurs s'intéresseraient ainsi aux dollars australien et canadien en raison de leur importance économique et de leur sensibilité aux cours des matières premières.
Après son baptême dans le calme, l'euro déplacera progressivement le centre de gravité du marché des changes en influençant les autres devises. "1999 sera une bonne année pour l'euro, qui devrait s'apprécier autour de 1,25 dollar au fur et à mesure que la croissance américaine glisse en dessous de celle de l'Euroland", annonce Francis Breedon, économiste chez Lehman Brothers. Selon lui, la livre sterling et la couronne suédoise seront entraînées dans l'orbite de la nouvelle monnaie. "La livre est déjà proche de son éventuel niveau d'entrée dans l'UEM et elle ne devrait donc baisser que faiblement", explique Francis Breedon. En revanche, il s'attend à une revalorisation d'au moins 3% de la couronne suédoise. L'économiste de Lehman pense que l'euro fera même de l'ombre au franc suisse, pénalisé par une plus grande volatilité et une croissance affaiblie.

Wall Street défie l'apesanteur
La santé de Wall Street reste la question à 10 000 milliards de dollars qui déconcerte et embarrasse les économistes à chaque réveillon. Aussi surévaluée soit elle, la Bourse américaine a encore déjoué les prévisions de krach en 1998 et risque de réitérer cet exploit en 1999. Abby Cohen, la prévisionniste de Goldman Sachs la plus perspicace de la décennie, ne voit pas de récession frapper les Etats-Unis ni de krach faire dégringoler Wall Street en 1999. Même l'annonce de résultats décevants par les entreprises ne serait pas alarmante. "Une dizaine de sociétés parmi les trente qui composent l'indice Dow Jones ont annoncé des résultats moins bons que prévu au quatrième trimestre 1998", explique Joseph Abbott, analyste au bureau d'études IBES. Selon lui, ce phénomène reflète le ralentissement mondial qui affecte les multinationales. "L'annonce de résultats décevants par les plus grosses sociétés inquiète les investisseurs, admet Joseph Abbott. Mais le pourcentage d'entreprises annonçant des résultats décevants n'est pas plus élevé que d'habitude."

Nouvelles prévisions financières

Change Cours actuel (1) Perspectives à trois semaines
euro/US dollar
1,1730 1,1720
euro/sterling
0,7010 0,6982
euro/yen
135,21 136,37
dollar/yen
115,27 116,38
Taux d'intérêt à six mois
Cours actuel (1) Perspectives à trois semaines
Euroland
3,17% 3,15%
Etats-Unis
5,11% 5,14%
Royaume Uni
5,84% 5,73%

(1) au 30 décembre, sur la base des cours de l'ecu.
Source: Olsen & Associates Research Institute for Applied Economics.
Note:
Nous avons adopté la présentation recommandée par les autorités de marché et la Banque Centrale Européenne. Dorénavant, les parités de change pour toutes les monnaies seront exprimées sous la forme 1 euro=x devise.


Austérité repoussée, Economie dichotomique. Indices européens indépendants-18 décembre 1998

Austérité repoussée
Les récentes baisses de taux d'intérêt en Chine et à Hong Kong marquent un tournant dans la crise asiatique. "Même si le FMI ne l'a pas reconnu explicitement, il y a eu un changement de prescription dans les mesures d'ajustement structurel en Asie", analyse John Reynolds, économiste chez ING Barings. Selon la banque anglo-néerlandaise, les mesures d'austérité préconisées au début de la crise étaient inadaptées. "Il y a une voie moyenne entre le traitement de choc prescrit pour résoudre la crise du Mexique en 1995 et la politique de stagnation du Japon dans les années 90", estime John Reynolds. Les pays asiatiques ont donc abandonné leurs objectifs d'excédents budgétaires et utilisent l'arme du déficit pour recapitaliser les banques plutôt que de les fermer. "Les surcapacités et les excès d'endettement restent des obstacles à une reprise soutenable, explique ING Barings. Mais ce modèle d'ajustement est plus crédible et approprié à la crise d'endettement asiatique." En réinjectant des liquidités dans l'économie, les pays asiatiques évitent les faillites en chaîne de leurs entreprises et éloignent le risque de défaillance des gouvernements. Du coup l'écart de taux entre les emprunts d'état des pays émergents et les bons du trésor américain s'est réduit de 17% en septembre à environ 9% dernièrement.

Economie dichotomique
Pour les économistes de Goldman Sachs, les marchés financiers affrontent deux contradictions. "La croissance mondiale et le comportement des prix suggèrent que la politique monétaire est trop restrictive, explique Gavin Davies. Mais la performance des marchés suggère le contraire." Par ailleurs, la confiance des chefs d'entreprise est faible alors que celle des consommateurs est bonne. "Historiquement, la détérioration du climat des affaires réussit éventuellement à faire basculer le moral des consommateurs", observe Gavin Davies. Mais, dans ce cas, Goldman Sachs estime que les banques centrales baisseront encore leurs taux d'intérêt, jusqu'à 4% aux Etats-Unis d'ici un an. La banque américaine estime que ce climat favoriserait les valeurs de croissance peu sensibles à la conjoncture, comme General Electric, Unilever ou Cap Gemini.

L'enjeu des indices européens
Avec l'union monétaire, les indices boursiers nationaux céderont la place à des indices européens. L'enjeu est considérable. "Les indices boursiers nationaux étaient manipulés par les gouvernements soucieux de promouvoir leurs privatisations", explique un observateur américain. Les gouvernants français et allemands auraient ainsi poussé leurs autorités boursières à gonfler artificiellement le poids de France Télécom et de Deutsche Telekom dans l'indice CAC 40 et dans l'indice DAX 30, pour entretenir la hausse de ces titres. "Ces pressions ne seront plus possibles sur des indices boursiers européens élaborés par des sociétés indépendantes, comme Dow Jones, MSCI ou Standard & Poor's", estiment les professionnels. France Télécom pèse par exemple 64% de moins dans la composante française de l'indice S&P EuroPlus 200 que dans l'indice CAC 40, tandis que Deutsche Telekom pèse trois fois moins dans la part allemande du S&P EuroPlus 200 que dans le Dax. "Aux Etats-Unis, plus de 700 milliards de dollars d'investissements suivent la composition de l'indice S&P 500", confie un expert. Si son homologue européen connaît le même succès, les sociétés privatisées n'auront plus de traitement de faveur.


Trop de craintes à Wall Street et d'espoirs à Tokyo-11 décembre 1998

Rentabilité américaine
La baisse de rentabilité des entreprises américaines est l'une des principales préoccupations de Wall Street. Jeffrey Weingarten, le stratège mondial de Goldman Sachs, estime pourtant que cette crainte est exagérée. "Quand on vous dit que les marges des entreprises américaines sont à des records historiques et qu'elles vont s'écrouler en retombant à leur niveau normal, c'est une idiotie", explique-t-il. La rentabilité exceptionnelle des entreprises américaines est selon lui exagérée par le changement de composition des indices boursiers. Avant que Microsoft entre dans l'indice S&P500, en juin 1994, la marge moyenne après impôt des entreprises composant cet indice était de 8%. "La marge de Microsoft était de 45%, rappelle Jeffrey Weingarten. Cela a créé une distorsion. L'une des principales sources d'amélioration des marges des entreprises du S&P 500 est qu'il n'est plus du tout composé des mêmes entreprises ni des mêmes pondérations sectorielles qu'il y a dix ans." Du coup, Goldman Sachs s'attend à ce que les marges baissent de façon moins spectaculaire que ce que les gens craignent. Cette moindre rentabilité des entreprises serait par ailleurs compensée par une poursuite de la baisse des taux d'intérêt. La banque américaine s'attend à une hausse de 6% à 8% de Wall Street en 1999 mais, par prudence, elle recommande à ses clients de réduire leurs investissements en actions à 57% de leur portefeuille.

Convalescence japonaise
En dépit des mesures gouvernementales pour regonfler l'économie japonaise, sa convalescence risque de se prolonger, estime Shigeki Sakaki, économiste chez Nomura à Tokyo. Après un recul du PIB de 2,9% cette année, la banque japonaise s'attend encore à 1,8% de récession l'an prochain. Les points névralgiques restent multiples. "Tous les prix chutent, explique Shigeki Sakaki. Ceux des biens, des services et des actifs. Une rechute du foncier augmentera encore les créances irrécouvrables des banques ce qui les incitera à réduire leurs crédits à l'économie." Nomura prévoit aussi une nouvelle chute des investissements des entreprises (de 7000 milliards de yens en 1999) et un nouveau recul des exportations (de 3000 milliards de yens). L'Asie, qui achetait 40% des exportations japonaises, n'a plus d'argent. Et les Etats-Unis, qui en absorbaient 28%, réduisent leurs commandes à cause de leur ralentissement économique et de la hausse du yen. Comme la consommation et le logement devraient également reculer de 5000 milliards de yens, à cause de la poursuite des licenciements, Nomura craint que les mesures fiscales de relance ne suffisent pas à compenser ce recul de 15 000 milliards de yens de la demande privée en 1999. "Le marché pourrait être déçu par les effets limités des mesures gouvernementales, diagnostique Shigeki Sakaki. L'indice Nikkei devrait fluctuer entre 12 000 et 15 000 points sur les trois à six prochains mois, avant de revenir entre 14 000 et 17 000 points d'ici douze à dix-huit mois."


Worms et les taux, RCM craint le yen, levier high-tech - 04 décembre 1998

Les forces à l'oeuvre sur les marchés financiers peuvent donner lieu à des comportements, des conséquences et des interprétations inattendues.

Baisse des taux, goût du risque
En baissant les taux d'intérêt, Alan Greenspan a redonné le goût du risque aux investisseurs. "L'écart de taux qui sanctionnait le risque des emprunteurs privés redevient attractif par rapport aux rendements très faibles des emprunts d'Etat", explique Christian Lecointe, gestionnaire obligataire à la Banque Worms. Les gestionnaires institutionnels en quête de rendements plus élevés recommencent donc à investir sur le marché obligataire privé, notamment sur les obligations des banques. Les hedge funds, qui avaient parié contre l'euro en vendant des francs, rachètent par ailleurs leurs positions. "Nous en profitons pour acheter des emprunts allemands qui rapportent 0,15% de plus que les emprunts français", confie Christian Lecointe. Un choix judicieux si les taux à long terme européens baissent à 3,7% l'an prochain comme il le prédit.

Le Japon de tous les dangers
Le Japon est l'épicentre de la crise financière. "La baisse du yen depuis le printemps 1995 a été l'un des principaux déclencheurs des dévaluations asiatiques, rappelle Mark Phelps, directeur de la gestion mondiale en actions chez Dresdner RCM à Londres. Mais elle pourrait aussi être à l'origine de la prochaine tourmente obligataire. "Alors que la baisse du yen avait fait rebondir l'économie japonaise en 1995, les dévaluations de 1997 l'ont replongé dans la déflation." Avec une parité de 120 yens pour un dollar, l'industrie japonaise n'est plus compétitive, explique Mark Phelps. Les surcapacités de production sont pléthoriques, l'économie est déprimée et les taux d'intérêt à long terme sont inférieurs à 1%. "Les entreprises se restructurent et ferment des usines." Le problème, estime Mark Phelps, est que si le dollar remontait à 145 yens, l'industrie japonaise redeviendrait compétitive et tournerait à plein régime compte tenu de ses capacités de production réduites." Dans ce scénario, Mark Phelps pense que la disparition des pressions déflationistes ferait brutalement remonter les taux à long terme japonais, ce qui ferait plonger son marché obligataire et déstabiliserait les emprunts d'Etat américains ou européens.

L'effet de levier high-tech
L'envolée des valeurs de high-tech a été démutipliée par la baisse des taux. "Les valeurs de croissance sont les plus sensibles aux variations de taux d'intérêt en raison de l'horizon éloigné de leurs bénéfices", explique Jean Malo, gestionnaire chez Vaughan Nelson, à Houston. En effet, les titres ayant les perspectives de revenus les plus éloignées, comme les obligations à trente ans, profitent plus de la baisse des taux que les emprunts à dix ans. "Le phénomène est le même pour les actions, ironise Jean Malo. Celles qui payent déjà des dividendes sont moins sensibles à la baisse des taux que les valeurs d'Internet qui prévoient d'en distribuer dans cinq ans." Inversement, les valeurs de croissance souffriraient plus d'une remontée des taux.


Worms europtimiste, jeu des indices, France Télécom - 26 novembre 1998

Le redressement des marchés rend les experts optimistes mais les indices boursiers sont parfois trompeurs.

Europtimisme chronique
Les Bourses européennes remontent et les investisseurs redécouvrent leurs vertus. "L'euro est un catalyseur de la mondialisation, explique Henri Couzineau, gestionnaire à la banque Worms. Les entreprises doivent atteindre une rentabilité et une taille suffisantes pour s'attaquer aux marchés européens." Même si la croissance économique ne dépassait pas 1% ou 2%, il estime que l'amélioration de la rentabilité fera grimper les profits des entreprises européennes. La baisse de prix des matières premières, la réduction des frais financiers liée à la baisse des taux et les gains de productivité généreront à eux seuls 5% à 7% de bénéfices en plus. "Sans faire de prévision de croissance trop hardie on peut facilement envisager 10% à 15% de croissance des profits en 1999 et 2000", conclut-il. La banque Worms s'attend par ailleurs à une réduction des taux d'intérêt de la banque centrale européenne à 2,75% l'an prochain, et à une baisse des taux à dix ans jusqu'à 3,2%, ce qui serait un facteur de soutien supplémentaire pour la Bourse.

Le jeu des indices
Plus de 1 000 milliards de dollars sont investis dans des fonds indiciels dans le monde. Ces sommes colossales se déplacent en fonction de la composition et du remaniement des indices boursiers faisant de ces derniers un enjeu financier et politique. "Les fonds indiciels ont vendu Chrysler quand elle est sortie de l'indice S&P 500 début novembre, après sa fusion avec Daimler, observe par exemple Jean Malo, gestionnaire chez Vaughan Nelson à Houston. Mais le poids de Daimler-Chrysler sera augmenté dans l'indice DAX en décembre, ce qui entraînera des achats par d'autres fonds indiciels."

L'arbitrage peut aussi s'opérer entre des pays. "Les investisseurs qui cherchaient un remplaçant à la Malaisie viennent peut-être de le trouver", déclare ainsi William Dinning, analyste chez Merrill Lynch. La Malaisie représentait 5,8% de l'indice IFC Emerging Asia avant d'en être radiée, début octobre, à cause du contrôle des changes. La Chine, qui ne représentait que 2,4% de cet indice, vient de passer à 10,7%, ce qui incite les gestionnaires indiciels à quadrupler leur mise.

La pénurie France Télécom
Le jeu des indices peut aussi se transformer en pénurie organisée. "France Télécom a été la bête noire des gestionnaires en 1998", affirme par exemple Jacqueline Vidé, gestionnaire chez Paribas. Selon elle, les autorités boursières ont fait artificiellement grossir l'indice CAC 40 en donnant à France Télécom un poids correspondant à 100% de son capital alors que seules 23% des actions étaient négociables en Bourse et qu'il n'y aura encore que 35% dans le public après l'offre de vente en cours. Ce déséquilibre explique en partie l'envolée de France Télécom de 88% depuis le début de l'année, mais aussi la hausse de 32% de l'indice CAC 40 depuis le 1er janvier. France Télécom représente en effet 11,66% de l'indice CAC 40 ce qui signifie que, sans sa hausse, l'indice phare des valeurs françaises aurait à peine gagné 20% depuis le début de l'année.


Merrill Lynch: baisse de taux salutaire, capacités excédentaires-19 novembre 1998

Le franchissement par l'indice Dow Jones du seuil des 9000 points semble avoir refermé les cicatrices de la crise financière. Les experts sont rassurés par les nouvelles bases de la croissance mais les points névralgiques resent présents.

Croissance conditionelle
Il fallait réunir deux conditions pour que la croissance mondiale et les marchés financiers retrouvent leur équilibre, estime Michael Hartnett, économiste chez Merrill Lynch: une baisse des taux d'intérêt coordonnée, pour soutenir la demande des pays développés, et davantage de restructurations, notamment en Asie et au Japon, pour réduire l'offre excédentaire mondiale. La première condition est réalisée: la Fed a baissé ses taux de 1% depuis le 29 septembre et 26 autres banques centrales ont accompagné le mouvement. Merrill Lynch s'attend à ce que la Fed ramène le taux des fonds fédéraux à 4% d'ici mars et à ce que la BCE baisse les taux européens de 0,3% début 1999. "Des taux européens plus faibles seraient positifs pour le dollar, estime Michael Hartnett. Mais si la BCE ne réduit pas ses taux, le dollar baissera probablement vis-à-vis de l'euro, ce qui sera dommageable pour l'Europe et pour Wall Street."

Les particuliers rassurés
La confiance des épargnants, qui est une autre clé de voute de la stabilité financière, semble aussi rétablie. "Quand les salariés américains recevront le relevé annuel de leur épargne retraite investie à Wall Street ils se diront que les actions restent la meilleure alternative pour investir leurs bonus de fin d'année", prédit Jean Malo, gestionnaire à la société Vaughan Nelson, à Houston. Le fait d'avoir gagné 15% une année de crise financière alors que les obligations n'offrent plus que 5% de rendement devrait, selon Jean Malo, rassurer les épargnants sur la perspicacité de leur choix et déclencher de nouveaux flux d'investissements boursiers début 1999.

Downsizing du papier et de l'acier
Après sa reprise du printemps suivie d'une chute de 20% depuis le mois de juin, la pâte à papier tente de se stabiliser. Les producteurs brésiliens ont remonté leurs prix de 20 euros par tonne, à 380 euros, pour leurs clients européens et Merrill Lynch estime que les producteurs scandinaves ont réduit leurs stocks de 1,5 million de tonnes en raison d'interruptions de production. Mais le secteur reste vulnérable. "La faiblesse de la croissance mondiale et les surcapacités persistantes sont les plus fortes barrières à une amélioration consistante des prix", note Merrill Lynch. Avec 1,2% de croissance attendue en Amérique latine l'an prochain et l'entrée en récession du Brésil, la banque américaine prédit un déferlement de papier bon marché sur l'Europe et l'Amérique du nord.

Les métaux affrontent des difficultés similaires. Phelps Dodge a déjà réduit sa production de cuivre de 100 000 tonnes par an et Merrill Lynch estime les réductions de capacités de production de cuivre dans le monde à 369 000 tonnes cette année et 196 000 tonnes l'an prochain. L'acier européen s'aprête aussi, selon la banque américaine, à réduire la voilure. "Les producteurs européens ont rejoint le reste de l'industrie métalurgique mondiale qui traverse une récession depuis dix-huit mois", observe Alan Coats, analyste chez Merrill Lynch. Selon lui, le dilème des Européens est de savoir où ils exporteront leurs excédents l'an prochain alors qu'ils auront déjà réduit leur production de 6 ou 7 milions de tonnes pour faire face à une chute attendue de la consommation européenne d'acier d'au moins 14 millions de tonnes. Merrill Lynch observe que l'environnement mondial est peu réconfortant alors que les producteurs d'acier américains ne sont déjà plus rentables au prix actuel de 260 dollars la tonne d'acier, que les Brésiliens cassent les prix et que les Vénézueliens bradent leur acier jusqu'à 180 dollars la tonne.


CSFB, Bankers, Nomura : confiance et pessimisme-12 novembre 1998

Reprise high-tech aux USA
La croissance américaine semble avoir provisoirement triomphé des forces déflationnistes sensées l'abattre, estime Christine Callies, l'analyste en chef du Credit Suisse First Boston. "Le taux de croissance de 3,3% atteint au troisième trimestre, au lieu des 2% attendus, et le rebond des commandes de biens durables définissent une économie encore loin de la prochaine récession", assure-t-elle. Surtout, les investissements de hautes technologies redémarrent. "La demande d'ordinateurs et d'équipements de bureau reste robuste, note Christine Callies. Dès lors que le ralentissement de la croissance des profits semble s'arrêter, un palier des dépenses de technologie à un haut niveau semble plus probable qu'un recul majeur." Selon elle, la forte hausse des salaires est aussi une incitation pour les entreprises à faire des investissements high-tech pour accroître leurs gains de productivité.

La livre affaiblie
Si les Etats-Unis échappent à la récession, la Grande Bretagne s'en rapproche de plus en plus vite. Selon l'indicateur avancé de la croissance Britannique élaboré par la banque Goldman Sachs, la probabilité d'une récession l'an prochain au Royaume Uni est maintenant très proche de 50%. "Nous prévoyons une stagnation", tempère prudemment Goldman Sachs. Dans cet environnement, la Banque d'Angleterre devrait baisser ses taux. "Nous pensons que les taux d'intérêt tomberont à 5,5% d'ici la fin 1999", annonce Ernesto Ramirez, l'économiste de Bankers Trust à Londres. Cet assouplissement monétaire et le ralentissement économique devraient, selon Bankers Trust, continuer de faire baisse la livre aux alentours de 2,60 marks, soit 8,60 francs, avant la fin 1999. "Ce serait le niveau le plus approprié pour rejoindre la monnaie unique", estime Ernesto Ramirez.

Baisses de taux perverses
La baisses des taux d'intérêt est généralement considérée comme le meilleur remède anti-récession. Nicholas Knight, l'économiste de Nomura à Londres, y voit pourtant un effet pervers: les baisses de taux pourraient selon lui précipiter la crise actuelle dans une spirale déflationniste. "Je reste fermement convaincu que tout ce que nous voyons est une reprise dans un marché baissier, explique-t-il à propos des hausses boursières récentes. Il suffit de se rappeler le nombre de reprises déclenchées par des baisses de taux d'intérêt au Japon et les nouveaux planchers qui ont été enfoncé par la suite." L'ironie, selon Nicholas Knight, est que les baisses de taux d'intérêt ont ralenti l'économie japonaise en augmentant l'épargne nécessaire pour se constituer une retraite. "Si les taux d'intérêt baissent de moitié, le capital nécessaire pour avoir un revenu de retraite donné doit doubler", observe-t-il. Il estime que la baisse des taux d'intérêt entraînera une remontée des efforts d'épargne aux Etats-Unis et en Europe au détriment de la consommation, ce qui ralentira l'économie.


Lehman, Yardeni, Goldman: optimisme excessif-06 novembre 1998

Après une remontée de 19% à Wall Street, de 21% à Francfort et de 25% à Paris en quelques semaines, les experts s'inquiètent d'un retour prématuré de l'optimisme.

Mémoire courte
Le président de la Fed de New York, William McDonough, qui est l'un des mieux informés de l'état des marchés compte tenu de son rôle dans le sauvetage du hedge fund LTCM, a été le premier à tirer le signal d'alarme en déclarant: "La performance plutôt bonne des marchés d'actions dans les derniers jours a convaincu certaines personnes que la situation s'était bien améliorée. Ce n'est pas vrai." D'autres partagent son inquiétude. "Ce ne sont certainement pas des remarques d'un banquier central qui serait confiant que les marchés soient revenus à la normale", observent les économistes de Goldman Sachs. L'optimisme n'est pas revenu sans raisons mais la crise a été trop vite oubliée. "Le monde financier est passé si près de l'effondrement il y a seulement quelques semaines que le simple fait que ce ne soit pas arrivé semble induire un état de douce euphorie, estime John Llewellyn, économiste en chef de Lehman Brothers. Psychologiquement, c'est compréhensible. Mais objectivement, le monde reste un endroit distinctement dangereux." Goldman Sachs estime ainsi que les institutions financières seront tentées de réduire leurs positions dans les semaines qui viennent pour nettoyer leurs bilans avant la fin de l'année. "Dans cette phase, il reste un danger considérable que de nouveaux accidents arrivent", conclue la banque.

Prudence oblige
Dans ce climat, partagé entre la tentation d'oublier la crise et de se protéger d'une rechute, les conseils de prudence se multiplient. Ed Yardeni, l'économiste en chef de Deutsche Bank securities à New York, a mis à jour le modèle d'évaluation des actions américaines utilisé par Alan Greenspan pour déceler l'exubérance irrationnelle. Selon ce modèle, Wall Street était surévaluée de 34% avant le krach de 1987 et de 25% avant celui de la rentrée 1998. Après son rebond, la Bourse américaine était à nouveau surévaluée de 6,1% début novembre. Les boursiers avisés sentent aussi la reprise s'essouffler à Paris. "Les gens commencent à se redemander ce qu'ils peuvent acheter maintenant que tout est remonté, ce n'est pas bon signe", confie un gestionnaire français qui profite de la trêve pour prendre ses bénéfices en attendant de meilleures occasions d'achat. Pour tenir compte de la reprise récente, Goldman Sachs a réduit ses prévisions de performances pour les Bourses européennes. Sur les douze mois qui viennent, la banque américaine s'attend à une hausse moyenne de 5% des actions allemandes et de 12% des actions françaises. "Le risque majeur est que la marché ne prenne pas en compte la menace d'un ralentissement économique mondial et d'une baisse du dollar", explique la banque. Cinq valeurs françaises figurent néanmoins parmi les 53 sociétés européennes dont Goldman Sachs recommande l'achat à ses clients: Accor, Alstom, Cap Gemini, Sanofi et la Société générale. Rhône Poulenc, qui faisait partie de cette liste, en a été retirée en octobre.


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