Marchés à terme > Rédigé le 28 octobre 1997
Coupe-circuits, appels de marge et autres garde-fous :
Rôle et contrôle des produits dérivés à Wall Street.

Comme sur les autoroutes, on circule sur les marchés de plus en plus vite. Certains véhicules d'investissement ont des turbos, les produits dérivés et autres options qui leur permettent d'accélérer leurs performances. Pour protéger les investisseurs d'eux-mêmes et de leur amour de la vitesse, les autorités financières sont obligées d'instaurer des limites de vitesse, les appels de marge, et des garde-fous, les coupe-circuits.

Trois méthodes pour accélérer ses performances
Pour démultiplier leur performances quand le marché monte, de nombreux investisseurs investissent plus qu'ils n'ont réellement. Il y a plusieurs façons de le faire. En France, sur le marché à règlement mensuel, on peut acheter à découvert et reporter sa position de mois en mois, en ne payant qu'un modeste taux d'intérêt. Sur les marchés de produits dérivés, on peut aussi acheter des contrats à terme, en ne payant qu'une petite partie de leur valeur, appelée deposit, une sorte de caution. Aux Etats-Unis, la pratique courante est d'emprunter, à un taux proche de 9-10%, une somme proportionnelle à son portefeuille, ce dernier servant un peu de garantie, au cas où celui qui a emprunté ne pourrait pas rembourser ce qu'il a emprunté. La règle est que l'on peut emprunter l'équivalent de 50% de le valeur des actions que l'on possède et jusqu'à 90% de la valeur de ses obligations. Les prêts sur titres avaient ainsi atteint 120 milliards de dollars ces derniers mois, soit deux fois plus qu'il y a trois ans et plus de quatre fois plus que le niveau d'octobre 1987

Réduire les paris qui deviennent dangereux
La limite de vitesse intervient quand les routes sont dangereuses, c'est à dire quand le marché baisse. Prenons un investisseur qui a 100$ d'actions et qui a emprunté 50$ pour acheter plus de titres et gonfler sa performance. Si la bourse baisse de 7%, comme le 27 octobre, son portefeuille ne vaut plus que 93$, et la marge maximale qu'il peut emprunter dessus est de 46,5$. Sa banque lui demande alors de rembourser immédiatement 3,5$, c'est un appel de marge. Evidemment cela accélère la baisse, dans la même proportion que l'emprunt avait accéléré la hausse, car l'investisseur doit vendre pour rembourser son appel de marge. Mais cela lui évite de perdre plus qu'il ne possède et d'entraîner sa banque dans sa faillite.

Les coupe-circuits sont très complémentaires des appels de marge, surtout sur les marchés dérivés, très volatiles, où les appels de marge se font en temps réel. Le principe est que l'on suspend les cotations après une variation trop rapide, à la hausse comme à la baisse d'ailleurs, pour laisser le marché se calmer une demi-heure ou une heure, et pour faire le point sur les appels de marges, avant de reprendre les cotations. Les coupe-circuit ont été introduit à Wall Street en 1988, pour fêter le premier anniversaire du krach, où leur absence avait fait défaut. Ils n'avaient jamais été utilisés jusqu'alors et Wall Street n'avait jamais suspendu les cotations à quelques exceptions près, comme la tentative d'assassinat de Reagan en 1981 ou l'assassinat de Kennedy, en 1963.

Gilles Pouzin
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