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Rédigé le 28 mars 1996 |
Maintes fois annoncée et reportée, la création des fonds de pension sera peut-être la surprise du printemps. Jean Arthuis, le ministre de l'économie, a cette fois promis qu'il présenterait un projet de loi à l'assemblée Nationale avant fin juin. La Société générale a pris les devants en proposant depuis le 20 mars des formules d'épargne-retraite par capitalisation aux entreprises. Une quinzaine de grands groupes, dont Elf, Renault et Pechiney, s'étaient déjà regroupés au début de l'année dans l'association France Pensions, pour présenter une charte de l'épargne-retraite. Les fonctionnaires ne sont pas oubliés. La Préfon, leur fonds de pension privé bénéficiant d'avantages fiscaux, vient de lancer une grande campagne de sensibilisation à la radio. Il faut dire que les droits à la retraite semblent de plus en plus fragiles. Les retraités des banques viennent ainsi de perdre leur procès contre l'Arrco et l'Agirc pour la baisse de retraite qu'ils ont subi en étant pris en charge par ces caisses complémentaires.
Contrairement aux idées reçues, les Américains sont aussi préoccupés par leur système de retraite par répartition. William Shipman, directeur à la société de gestion State Street Global Advisors et co-président du très libéral Cato Institute, explique pourquoi le passage aux fonds de pension serait une solution équitable et efficace.
Quel est le principal
problème de la retraite par répartition?
Compte tenu de l'évolution démographique, le nombre de travailleurs par retraité
a chuté de 16 en 1950 à trois en 1993. D'ici 2025, il ne devrait plus y avoir
que deux travailleurs pour un retraité. Par le passé, on a momentanément compensé
ce déséquilibre en augmentant les cotisations, de 3% des salaires en 1951 à
10,7% aujourd'hui. Mais ces rafistolages ne font que reporter le problème et
rendre sa solution plus douloureuse. Avec l'allongement de la durée de vie et
la baisse du taux de natalité, il faudra inéluctablement payer plus de retraites
avec moins de cotisations. La France est confrontée au même dilemme.
Y a-t-il une solution
financière pour sauver la répartition?
Malheureusement non, car la seconde faiblesse de la retraite par répartition
est justement sa mauvaise rentabilité financière. Elle repose uniquement sur
les salaires. Cela signifie qu'à long terme et à cotisation constante, en dehors
même du problème démographique, les retraites ne peuvent réellement s'améliorer
qu'au rythme d'augmentation de la productivité marginale du travail, c'est à
dire d'environ 1% par an. La productivité marginale du capital, elle, est bien
plus élevée: la performance à long terme des actions atteint 6%. La meilleure
solution serait donc d'indexer les retraites sur la productivité du capital,
en investissant les cotisations en Bourse.
Comment peut on privatiser
les retraites sans léser personne?
La phase de transition est souvent délicate et il n'y a pas de recette applicable
à tous les pays. Pour les Etats-Unis, nous proposons que chacun ait le choix.
Les salariés qui opteraient pour le système privé seraient exonérés de cotisation
de retraite. A la place, cet argent serait obligatoirement investi en Bourse.
De leur côté, les employeurs continueraient à verser leur part de cotisation
pour payer les retraites en cours. La baisse de revenus du système par répartition
serait financée par des emprunts qui ne dépasseraient pas 1,9% du PIB la pire
année. Les retraités pourraient aussi opter pour le système privé, et recevraient
alors une somme en capital correspondant à leurs droits à la retraite. Le système
privé devrait permettre aux retraités de percevoir 90% de leurs derniers revenus,
contre 42% en moyenne dans le système par répartition actuel.
Quel serait l'impact
économique d'une telle réforme?
Au bout de quelques années les cotisations de retraite seraient ramenées de
10,7% à zéro. En contrepartie le taux d'épargne américain remonterait de 3%
à au moins 7% voire jusqu'à 14%. Les engagements non financés de la retraite
par répartition, qui sont estimés à 8 000 milliards de dollars, seraient résorbés.
Tandis que l'épargne apportée par les cotisations injecterait entre 10 000 et
15 000 milliards de dollars de capitaux supplémentaires dans l'économie, ce
qui entraînerait une accélération de la croissance.
Que pensez-vous du débat
sur les retraites en France?
Dans votre pays, des gens pensent que le gouvernement à l'obligation de payer
les retraites, d'autres pensent qu'il ne pourra pas y parvenir et qu'on ne pourra
augmenter indéfiniment les cotisations. Même s'ils s'opposent, ces deux points
de vue sont un cri d'alarme. Les gens réalisent que les promesses du gouvernement
reposent sur leur propre consentement à payer des taxes.