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Rédigé
le 4 mars 1999 |
Il y a cinq ans, acheter des actions de son entreprise n'était
pas dans l'air du temps. La Bourse stagnait et les avantages paraissaient bien
maigres compte tenu du risque auquel on s'exposait. Depuis, l'indice CAC 40
s'est envolé de 100% et de plus en plus de salariés ont redécouvert
cette formule d'épargne originale. Que ce soit pour acheter ses premières
actions ou pour faire fructifier son patrimoine, l'actionnariat salarié
permet en effet, dans la majorité des cas, de faire un bon placement.
Même les fonctionnaires et les salariés du secteur public ne s'y
sont pas trompés. France Télécom revendique la plus forte
proportion d'actionnaires parmi ses 170 000 collaborateurs tandis que 70% des
employés d'Air France ont acheté des actions de la compagnie aérienne
à l'occasion de sa privatisation. Au total, depuis cinq ans, les salariés
français ont investi plus de 200 milliards de francs dans les entreprises
qui les employaient. Aujourd'hui, de plus en plus d'entreprises proposent des
actions à leurs salariés à des conditions avantageuses,
mais pas toujours très faciles à comprendre. Voici les réponses
aux questions que vous vous posez pour évaluer l'intérêt
de ce placement.
Qu'est-ce
que l'actionnariat d'entreprise?
L'actionnariat des salariés est en principe
une formule très simple: c'est la possibilité offerte aux salariés
d'acheter des actions de leur entreprise au rabais. La réalité
est malheureusement un peu plus compliquée. La première source
de confusion vient de l'amalgame entre épargne salariale et actionnariat
salarié. L'actionnariat salarié est une forme d'épargne
salariale mais toutes les formules d'épargne salariale ne sont pas de
l'actionnariat salarié. Par exemple, l'intéressement et la participation
sont des formes d'épargne salariale qui se rapprochent beaucoup plus
d'un complément de salaire différé que d'un placement boursier.
Enfin, pour accroître encore la confusion, tous les versements d'épargne
salariale, y compris pour l'actionnariat d'entreprise, sont gérés
par un plan d'épargne d'entreprise (PEE) qui est lui même placé
dans un fonds communs de placement d'entreprises (FCPE), qui investit, selon
la formule, en actions de l'entreprise ou dans d'autres types de placements
diversifiés. Tout cela est évidemment inutilement compliqué
mais il vaut mieux le savoir pour ne pas se laisser égarer ou influencer
par de mauvaises explications.
Quelles
sont les règles de l'actionnariat d'entreprise?
Acheter des actions de son entreprise dans
le cadre de l'actionnariat salarié permet de profiter de conditions bien
plus intéressantes et moins risquées qu'en investissant directement
en Bourse. Non seulement les salariés payent leurs actions moins cher
que les autres actionnaires, mais ils bénéficient en plus d'une
fiscalité favorable. Ces avantages doivent néanmoins supporter
quelques contraintes.
Les
subventions
Les employeurs ont tout intérêt
à ce que le plus grand nombre de salariés devienne actionnaires
de leur entreprise. Les employés sont plus motivés par l'amélioration
de la productivité s'ils en profitent à travers la hausse de leurs
actions. Ensuite, ce sont des actionnaires très stables qui soutiennent
généralement les décisions de la direction. Du coup, les
employeurs prévoient généralement deux types de subventions
pour inciter leurs collaborateurs à devenir actionnaires. Premièrement,
l'entreprise peut offrir jusqu'à 20% de rabais sur le prix de son action.
Mais les dirigeants de l'entreprise ont une seconde façon d'abaisser
encore le prix des actions proposées aux salariés. Quand ils décident
le lancement d'une augmentation de capital réservée aux salariés,
le cours qui sert de référence pour l'opération est calculé
sur la moyenne des 20 séances de Bourse précédant la réunion
du conseil d'administration. Du coup, si les dirigeants s'arrangent pour lancer
cette opérations quand leur titre traverse une période creuse,
les salariés peuvent obtenir des actions à un prix qui leur permet
d'avoir d'emblée 25% à 35% de plus-value potentielle. A l'inverse,
si le titre est victime d'un accident de parcours par la suite, comme dans le
cas d'Alstom qui a été introduit en Bourse juste avant la crise
financière de l'été 1998, le rabais procure un bon parachute
(lire l'encadré Les trois avantages de l'actionnariat
d'entreprise et le tableau d'exemples).
Comme
le rabais n'est pas toujours suffisant pour convaincre les plus sceptiques,
l'employeur a la possibilité d'offrir en plus un abondement, c'est à
dire un don qui vient directement augmenter le montant d'actions souscrites
par le salarié. Selon une enquête réalisée par le
cabinet Hewitt Associates, 59% des entreprises subventionnent ainsi financièrement
l'épargne de leurs employés. Légalement, cette subvention
peut aller jusqu'à trois fois le montant versé par le salarié,
avec un plafond de 22 500 francs par an, sans être considérée
comme un salaire et sans être soumise aux cotisations sociales. Dans la
pratique, les employeurs sont rarement aussi généreux.
Pour les salariés qui ne peuvent pas épargner ou qui sont allergiques
aux risques de la Bourse, certaines entreprises offrent même des facilités
de paiement ou des montages sophistiqués qui permettent à leurs
employés de faire une belle plus-value sans pratiquement rien débourser.
Enfin, pour que l'actionnariat d'entreprise soit accessible à tous et
facile à gérer, il n'y a aucun minimum d'investissement et aucun
frais sur les souscriptions, les transactions ou la gestion annuelle du compte,
ce qui fait une grande différence avec les placements boursiers traditionnels.
La
fiscalité
Le second avantage de l'actionnariat salarié
est sa fiscalité. Les gains et les dividendes réinvestis chaque
année sont totalement exonérés d'impôt sur le revenu
et sur les plus-values. Ce régime est le même que celui des plans
d'épargne en actions (PEA), à la seule différence que l'actionnariat
salarié n'est pas plafonné à 600 000 francs de versements
comme le PEA. Les versements d'épargne salariale sont bien soumis à
un plafond qui varie en fonction du salaire de chacun, mais ce plafond est renouvelable
chaque année. En revanche, comme dans le cas du PEA, les gains sont soumis
à 10% de prélèvements sociaux au moment du déblocage
(7,5% de CSG, 0,5% de CRDS et 2% d'autres prélèvements sociaux).
Une petite précision mérite d'être apportée sur le
traitement fiscal des dividendes. Certaines entreprises proposent deux formules
d'actionnariat salarié. L'une consiste à acheter des actions à
travers un FCPE et l'autre permet de les détenir en direct. Dans le premier
cas, le FCPE encaisse les dividendes et les réinvestis chaque année.
Ils sont exonérés d'impôt mais ils sont privés de
l'avoir fiscal de 50% que touchent les actionnaires ordinaires. Dans le second
cas, le salarié qui détient lui-même ses actions encaisse
chaque année les dividendes. Il a alors droit à l'avoir fiscal
mais il doit payer l'impôt sur le revenu. Si son taux d'imposition est
supérieur à 33% il a intérêt à opter pour
le FCPE.
Les
contraintes
Pour bénéficier de tous les avantages
de l'actionnariat salarié il faut bien accepter quelques contraintes.
Premièrement, il faut être salarié en France et avoir au
moins trois mois d'ancienneté pour pouvoir souscrire. Deuxièmement,
les souscriptions sont plafonnées. Même si c'est une très
bonne affaire, il est interdit d'y investir plus de 25% de son salaire brut
chaque année, sous peine de perdre tous les avantages fiscaux de ce placement.
Cette question est très importante, car le plafond de 25% du salaire
s'applique à la totalité des versements effectués dans
l'année sur tous les plans d'actionnariat et d'épargne salariale
réunis. Par exemple, un salarié qui toucherait un mois de rémunération
en intéressement sur son PEE, soit 7,7% de son salaire brut annuel, ne
pourrait plus investir que 17,3% de son salaire annuel en actions de sa société.
La troisième contrainte, et non des moindres, est le blocage de son épargne
pendant cinq ans. Cela dit, il est possible de débloquer son argent en
cas de besoin dans un certain nombre de cas, par exemple à l'occasion
de l'achat ou de la construction de sa résidence principale, de son mariage,
de l'arrivée d'un troisième enfant, en cas de divorce si l'on
a la garde des enfants, ou tout simplement si l'on quitte l'entreprise. Ces
événements surviennent souvent à l'improviste. Mais quand
on peut les prévoir, il est possible de faire une très bonne opération
en quelques mois. Par exemple, un salarié qui envisage d'acheter un appartement
dans peu de temps a tout intérêt à profiter au maximum de
l'actionnariat salarié en y investissant jusqu'à la limite autorisée,
quitte à faire un emprunt qu'il remboursera au moment du déblocage
en empochant une confortable plus-value.
Comment
calculer l'intérêt de l'actionnariat salarié?
Même si l'attrait à long terme
d'un plan d'actionnariat salarié dépend énormément
de la performance boursière des actions de son entreprise, ce n'est pas
le seul critère. L'abondement donné par l'employeur peut être
un élément très important de la plus-value réalisée,
surtout pour les souscriptions modestes compte tenu du plafonnement de ce cadeau.
Parmi les plans que nous avons examiné, on remarque par exemple que l'actionnariat
salarié de la société Colas procure une meilleure performance
à ses souscripteurs que celui de Rhône-Poulenc dont l'action s'est
pourtant mieux comportée.
L'intérêt des différentes formules varie aussi de plus en
plus en fonction des possibilités de financement et des protections offertes
contre les aléas de la Bourse. Le groupe Vivendi propose par exemple
à ses salariés, y compris à ceux de sa filiale l'Expansion,
deux formules d'actionnariat salarié qui sont incomparables. La première,
classique, consiste à acheter des actions Vivendi avec 20% de rabais.
La seconde formule, baptisée Pégase, permet d'acheter les mêmes
actions en versant dix ou quinze fois moins d'argent, en étalant ses
paiements sur vingt mois et en ayant la garantie de récupérer
son capital au bout de cinq ans avec 500 francs d'abondement et 5% d'intérêts.
Quoi qu'il puisse arriver, cette formule offre des performances très
flatteuses pour un investissement minime. En revanche, les possibilités
de gains sont moins importantes, en valeur absolue, qu'avec la formule classique
qui ne bénéficie d'aucune garantie ni de facilité de paiement.
Le choix de la meilleure formule dépend alors uniquement des objectifs
et des disponibilités de chacun.
-
Des actions au rabais.
Les salariés peuvent acheter des actions
de leur groupe avec un rabais de 20% et parfois un don supplémentaire
de leur employeur. Ces cadeaux augmentent les chances de gain et réduisent
les risques en cas de baisse de l'action.
- Sans impôt.
Les investissements en action de son entreprise et les dividendes automatiquement
réinvestis chaque année sont exonérés d'impôt
sur le revenu et sur les plus-values. Les versements sont libres et peuvent
atteindre jusqu'à 25% du salaire brut chaque année.
- Sans frais ni souci.
Acheter des actions de son entreprise est plus simple que d'investir en
Bourse: il n'y a pas besoin d'ouvrir un compte titre dans une banque et il n'y
a aucun frais à payer.
Groupe |
Date de la souscription |
Cours de l'action lors de la souscription en francs |
Prix préférentiel réservé aux salariés en francs |
Abondement versé par l'employeur |
Capital constitué en versant 10 000 francs |
Cours au 1/3/99 en francs |
Performance de l'action depuis la souscription |
Performance du placement en cas de déblocage (1) |
Alstom |
juin-1998 |
205 |
167 |
0 |
12 275 |
158,41 |
-22,7% |
-5,1% |
Colas |
mai-1998 |
1 170 |
936 |
35% (2) |
16 713 |
1 134,15 |
-3,1% |
+62,0% |
Rhône-Poulenc |
février-1998 |
260,63 |
208,5 |
0 |
12 500 |
275,50 |
+5,7% |
+32,1% |
Vivendi |
juin-1998 |
1 200 |
800 |
100% (3) |
17 772 |
1 555,93 |
+29,7% |
+130,4% |
(1)
évolution du cours, multipliée par le capital constitué,
rapportée aux versement effectués, hors impact des dividendes. (2) plafonné 5040 francs par an, moins 3,7% de CSG/CRDS (3) 100% d'abondement jusqu' 1000 francs de souscription et 20% au delà avec un maximum de 2 000 francs |
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Source : Gilles Pouzin |
Acheter des actions de son entreprise peut être un très bon placement. Les deux critères à surveiller sont la performance boursière de son entreprise et les subventions offertes par son employeur. Un bon plan d'actionnariat salarié doit offrir un rabais important sur le prix de l'action et un abondement de l'employeur. L'intérêt de l'abondement diminue cependant pour les souscriptions importantes car il est souvent plafonné.