Retraite & Patrimoine >

Rédigé le 09 septembre 1997
Votre employeur paiera-t-il votre retraite ?
Comment les entreprises préparent la retraite de leurs employés.

A défaut d'être résolu, le débat sur la nécessité de créer des fonds de pension est dépassé. Une seule question reste posée : qui payera pour nos retraites? Sûrement pas l'Etat providence. Aussi louables que soient ses idéaux de solidarité et de protection pour tous, il ne tiendra pas ses promesses. C'est sans appel. Les salariés pourraient bien sûr prendre en main leurs vieux jours, mais ce serait un retour au XIXème siècle. Les employeurs l'ont bien compris et ils se sentent de plus en plus concernés par les problèmes de retraite de leurs employés.

L'histoire de la protection sociale française est en partie responsable de l'éveil tardif des employeurs aux problèmes de retraite. «Jusqu'à présent de nombreuses entreprises ne s'étaient jamais posé la question de savoir si elles devaient entreprendre quelque chose pour leurs salariés en matière de retraite, explique Jean Tardi, responsable du groupe de travail sur les fonds de pension de l'association des directeurs financiers et contrôleurs de gestion. La retraite était jusqu'à maintenant extérieure et obligatoire, tout était pris en charge par l'Etat et personne n'avait à s'en occuper. Dans ce contexte la prise de conscience des employeurs est un progrès fondamental.»

Entre les voeux pieux et la mise en pratique il reste cependant un fossé que beaucoup d'entreprises ont du mal à franchir. «Le problème est évident, explique Didier Debonneuil, directeur des ressources humaines chez Rhône-Poulenc. Le montant des charges sociales est parmi les plus élevé au monde, on ne peut pas se permettre de les augmenter.» Malgré ces contraintes de coûts et à l'absence de dispositif spécifique sur les fonds de pension, les grandes entreprises mettent en place des systèmes originaux pour améliorer la retraite de leurs employés, comme en témoignent cet échantillon d'expériences récentes.

La retraite par capitalisation chez Elf Aquitaine.
Elf est un bon exemple du problème auquel doivent faire face les grandes entreprises pour préserver les retraites de leurs salariés. Elf avait hérité d'un système de retraite créé dans les années 50 et généralisé à l'ensemble de ses activités pétrolières dans les années 70. Pour limiter l'hypertrophie des pensions à verser, le coût maximal des retraites était plafonné à 5% des frais de personnel. «La Caisse de retraite d'Elf Aquitaine, la Crea, versait 100 millions de francs de retraites en 1985, explique Gérard Quillet, président de la Crea. Des simulations à effectifs constants montraient que le coût des retraites atteindrait 300 millions en 1993, passerait le cap de plafonnement de 350 millions en 1996 et s'envolerait assez vite jusqu'à 500 ou 600 millions vers 2002.» La clause de sauvegarde n'était pas viable, car trop dépendante des aléas de la masse salariale. La seule solution était de réformer le système.

Après de longues négociations, la nouvelle Institution de prévoyance pour la retraite d'Elf Aquitaine, l'Iprea, vit le jour début 1995. Tous les salariés sont mis à contribution pour financer leurs retraites, mais ils ne payent qu'un tiers des cotisations, les deux tiers restant étant pris en charge par l'employeur. La cotisation est de 1,5% sur la part du salaire inférieure au plafond de la sécurité sociale (13 720 francs), dont 0,5% à la charge du salarié et 1% à la charge de l'employeur. Pour la part du salaire supérieure au plafond de la sécurité sociale, la cotisation varie selon l'ancienneté. Les salariés ayant plus de quinze ans de maison sont encore bien couverts par l'ancien système. Leur cotisation à l'Iprea est donc limitée à 1,125% du salaire, dont seulement un tiers à leur charge, soit 0,375%. Mais tous les nouveaux embauchés depuis 1995 n'ont aucun droit à l'ancien système. Pour eux, la cotisation sur la tranche de salaire supérieure au plafond de la sécurité sociale est de 5,625%, dont 1,875% à leur charge.

L'épargne long terme chez Rhône-Poulenc et Total.
Tournant le dos à la réforme des fonds de pension, enlisée dans les méandres des choix politiques et dogmatiques, Rhône-Poulenc a pris le parti de la souplesse. Profitant de l'arrivée à échéance de son contrat d'intéressement, fin 1996, le groupe chimique a entrepris une remise à plat de son système d'épargne-retraite. L'ouverture officielle de son nouveau plan d'épargne long terme, ou PELT, est prévue pour Noël et les salariés devraient y souscrire massivement, compte tenu de ses avantages.

Pas de sortie en rente, pas de blocage de l'épargne jusqu'à la retraite, Rhône-Poulenc a écouté les préoccupations des salariés. Son nouveau système fonctionne en fait sous le régime fiscal du plan d'épargne retraite, le PEE, qui permet l'exonération des revenus et des plus-values au bout de cinq ans. Pour inciter les salariés à bloquer leur argent huit ans, Rhône-Poulenc verse un abondement de 300% sur leurs versements inférieurs à 1800 francs par an et de 145% pour les versements au delà de 1800 francs par an. Pour un versement volontaire de 500 francs par mois, le salarié se verra ainsi offrir un abondement complémentaire de 1307,50 francs. Le seul problème est que pour pouvoir bénéficier de l'abondement les versements des employés sont limités à 1,2% de leur salaire brut, avec un plafonnement à 4573 francs par mois (quatre fois le plafond mensuel de la sécurité sociale par an). Au total, le PELT permet donc aux employés de se constituer une épargne équivalent à un peu plus de 3% de leur salaire. «Cette limite permettra à peine de compenser la baisse des retraites par répartition», reconnaît Didier Debonneuil. La souplesse et les possibilités de sorties en capital rendent néanmoins le PELT de Rhône-Poulenc plus attractif que la plupart des plans de retraite d'entreprise ou des fonds de pension en préparation.

Dès 1995, Total avait choisi cette voie en créant son compte d'épargne retraite, le CER, qui offre aux salariés un abondement de 300% sur tous leurs versements, dans la limite de 1,92% de leur salaire brut avec un plafond de 10 500 francs par an. Seule condition pour en bénéficier : laisser son argent bloqué dix ans. Un cadre gagnant 45 000 francs par mois peut ainsi placer 864 francs par mois sur son CER et bénéficier d'un abondement de 2592 francs payé par Total, soit 7,7% de son salaire brut en tout, ce qui devrait lui suffire pour se garantir une bonne retraite. a condition, bien sûr, de faire fructifier ces investissements.

Gilles Pouzin

A faire, A ne pas faire
à faire : Optimisez les versements dans les instruments d'épargne proposés par votre entreprise, ils sont fiscalement intéressants et souvent subventionnés par des contributions supplémentaires de votre employeur. à faire : Achetez des actions de votre entreprises. Même sans abondement, elles sont souvent vendues à un cours inférieur à celui du marché, ce qui accroît vos chances de plus-values, et les droits de garde sont pris en charge par l'entreprise.
à ne pas faire : Ne placez pas votre épargne-retraite en sicav monétaires. Avec 2,5% de rendement elles n'ont aucune chance de préserver le pouvoir d'achat des sommes investies, préférez les fonds investis en actions ou en obligations. à ne pas faire : Ne refusez pas un Plan d'épargne d'entreprise avantageux par crainte de bloquer votre argent. Il y a toujours moyen de le débloquer en cas de réel besoin.

Copyright©www.pouzin.com