Sicav & Placements > Rédigé le 19 octobre 2000
Comment gagner plus en bourse :
Economisez sur les commissions.


Quand leurs plus-values s'envolent, beaucoup de gens oublient qu'investir en Bourse entraîne des frais. Après tout, quelle différence peut bien faire 1% de commission, en plus ou en moins, sur une performance de 15% ou 20%? Refaites vos comptes et vous verrez. Au fil des années, toutes ces petites commissions anodines s'additionnent et finissent par représenter des sommes bien plus importantes qu'on ne le pense. "Je ne m'étais jamais posé cette question, avoue un épargnant qui s'est livré à cet exercice. Mais en reprenant mes relevés, j'ai réalisé que j'avais dépensé plus de 10 000 francs en frais de courtage l'an dernier." Pour un trésorier d'entreprise qui gère des milliards, ce n'est rien. Mais pour un petit actionnaire qui débute en Bourse, ces 10 000 francs sont autant d'argent en moins sur son compte à la fin de l'année. En économisant sur ces commissions, il pourrait donc augmenter la performance de ses placements, c'est-à-dire les gains qui lui reviennent.

Passez par un courtier moins cher
Il y a deux façons de réduire les frais. La première consiste à trouver l'intermédiaire le moins cher. Avec le ras de marée des courtiers sur Internet, c'est facile. Sous l'impulsion de Selftrade, qui a été un des pionniers de la guerre des prix en France, les prix des opérations de bourse ont beaucoup baissé. Il y a deux ans, quand Selftrade a lancé le premier courtage forfaitaire à 14,95 euros hors taxe (117 francs TTC), c'était une révolution. Aujourd'hui, les tarifs les plus compétitifs sont tombés en dessous de 7 euros hors taxe par transaction, soit moins de 50 francs TTC. C'est notamment le cas chez Selftrade, Consors, Comdirect, i-Bourse, Fortunéo, Bourse Discount et bien d’autres. Pour les ordres les plus simples, appelés "à tout prix", Cortal ne facture que 5,98 euros par opération (39,23 francs TTC). Et pour les transactions de moins de 1000 euros (6559,57 francs), Capitol ne facture que 3,59 euros (23,54 francs TTC). Mesactions.com, un courtier encore plus fou que les autres, permet même d'acheter des titres sans aucun frais de courtage. A condition de ne pas effectuer plus de 5 transactions par mois d'un montant maximum de 2000 euros chacune.

Jusqu'à maintenant, la guerre des tarifs portait principalement sur les frais de courtage. Mais pour les épargnants dont le portefeuille s'est étoffé avec les années, les droits de garde représentent aussi des commissions importantes. Là encore, Selftrade a jeté un pavé dans la marre au début de 1999 en lançant les premiers droits de garde forfaitaires, fixés à 7,95 euros par mois (748 francs TTC par an), quel que soit le montant du portefeuille. Il reste toujours compétitif dans ce domaine. Mais il y a moins cher. Depuis cet été, Fortunéo a en effet purement et simplement supprimé les droits de garde pour tous ses clients détenteurs d'un plan d'épargne en actions (lire l'interview de Laurent Bouyoux). D'autres courtiers en ligne font les droits de garde gratuits, mais avec quelques restrictions. C'est le cas chez Capitol, pour les portefeuilles inférieurs à 30 000 euros et pour une durée limitée. Bien sûr, avant de vous précipiter vers l'offre la plus alléchante du moment, vérifiez que les services proposés vous suffisent et que vous n'aurez pas de mauvaises surprises, par exemple si vous devez passer un ordre par téléphone. Les banques, longtemps réticentes à la moindre concession tarifaire, commencent à suivre les initiatives des courtiers en ligne. Mais leurs commissions restent, en moyenne, nettement plus élevées. Et, à la longue, cette différence a un impact significatif sur la rentabilité de vos placements.

Pour illustrer ce phénomène, nous avons mesuré les performances qu'obtiendraient trois épargnants gérant des portefeuilles identiques chez des intermédiaires différents (lire tableau "Réduisez les frais!"). Le premier passerait par une des banques les plus chères, qui lui prendrait 1,2% de frais de courtage par opération et 0,3% de droits de garde par an. Le second serait dans une banque moins chère, avec 0,7% de frais de courtage et 0,16% de droits de garde. Enfin le dernier opterait pour un courtier en ligne encore moins cher, où il payerait 47 francs par transaction et pas de droits de garde. Ces tarifs correspondent pratiquement à ce que facturent la BNP, le Crédit agricole d'Ile de France et Fortunéo. Nos trois épargnants démarrent avec un portefeuille de 250 000 francs qui se valorise en moyenne de 18% par an et sur lequel ils effectuent cinq transactions de 10 000 francs chaque mois. Alors qu'ils ont bénéficié de la même tendance et qu'ils ont géré leur argent de façon strictement identique, les différences de résultats au bout de huit ans sont édifiantes. Celui qui passait par les banque la plus chère a gagné 223%, le client de la banque la moins chère récolte 246% et celui qui a opté pour un courtier encore moins cher empoche 259%. En valeur absolue, celui qui a réduit les frais au strict minimum repart avec 33 000 francs de plus que le second et 88 000 francs de plus que le troisième! Pour une mise de départ de 250 000 francs, cette différence est énorme. Mais il est possible de gagner encore plus.

Contrôlez le nombre de vos transactions
Une fois qu'on a trouvé comment économiser en passant par un intermédiaire moins cher, la seconde méthode pour diminuer les frais de gestion de son portefeuille consiste tout simplement à réduire le nombre de transactions que l'on effectue. Bien sûr, pour les champions du trading qui gagnent des milliers de francs par jour en faisant tourner leur portefeuille à un rythme effreiné, la question de passer moins d'ordres pour économiser quelques centaines de francs ne se pose pas. Leur talent compense largement les frais qu'ils payent. Mais ce n'est pas le cas pour tout le monde. Du coup, les courtiers en ligne les plus honnêtes préfèrent dissuader leurs clients de se ruiner en faisant trop de transactions alors qu'ils auraient théoriquement intérêt à les laisser faire pour encaisser plus de commissions. "On peut avoir une gestion très active avec 15% de son patrimoine, raconte Laurent Bouyoux, fondateur de Fortunéo. Mais quand un débutant me dit qu'il fait cinq transactions par jour, je lui explique que c'est un comportement kamikaze pour son portefeuille."

Sans aller jusqu'à cet extrême, nous avons repris le cas de nos trois clients ayant des portefeuilles identiques pour mesurer l'impact du nombre d'opérations sur les frais qu'ils payent, et donc sur la performance qui leur revient une fois les commissions déduites (lire tableau "Réduisez les frais!"). L'évolution de leur portefeuille et les tarifs de leurs intermédiaires sont les mêmes mais ils n'effectuent plus que deux transactions de 10 000 francs par mois au lieu de cinq. Comme dans la première expérience, les différences de gains sont flagrantes entre celui qui passe par le courtier le moins cher et celui qui reste dans une banque plus chère. Au bout de huit ans, le premier empoche 52 000 francs de plus que le dernier. Mais la comparaison entre ceux qui font deux opérations par mois et ceux qui en font cinq est encore plus intéressante. Car, avec des tarifs identiques, qu'ils soient chers ou bon marché, les gains des investisseurs peu actifs sont supérieurs de 30 000 à 65 000 francs par rapport à ceux des investisseurs actifs. Le problème est qu'il est très difficile de déterminer le nombre idéal de transactions à effectuer chaque année pour bien gérer son portefeuille. Fascinés par la nouveauté, les débutants ont souvent tendance à passer trop d'ordres. En analysant le portefeuille d'un de ces investisseurs hyperactifs, nous avons découvert qu'il effectuait plus de six opérations par mois et qu'il avait acheté et vendu pour 1,7 million de francs de titres en moins d'un an, ce qui représentait dix fois le montant de son portefeuille (lire tableau "Cas d'un boursicoteur actif"). Même en passant par un courtier sur Internet, les commissions occasionnées par ces opérations dépassent 10 000 francs et représentent 5,8% de ses investissements. Sur une longue période, un tel niveau de frais risque de s'avérer extrêmement pénalisant.

Les professionnels de la gestion financière savent depuis longtemps que les transactions intempestives nuisent aux bonnes performances. Là encore, tout est question de proportion. Pour évaluer si un gestionnaire est trop actif, on compare la valeur des transactions qu'il effectue dans l'année par rapport à la taille du portefeuille qu'il gère. Le résultat obtenu est appelé le taux de rotation du portefeuille. Par exemple, si un fonds de pension qui gère 150 milliards de dollars achète et vend pour 30 milliards de dollars d'actions dans l'année, on dit que son taux de rotation est de 20% (30/150=20%). Les gestionnaires de sicav ont un taux de rotation qui est généralement compris entre 20% et 50% de leur portefeuille. Les fonds les plus dynamiques et d'une taille plus modeste ont un taux de rotation qui peut atteindre 100% dans l'année. Mais jamais 1000%! La meilleure façon d'améliorer vos performances en réduisant les frais consiste à combiner les deux approches: prendre un courtier moins cher et limiter vos transactions à un niveau raisonnable compte tenu de la taille de votre portefeuille. Si l'on reprend les épargnants de notre expérience, avec un portefeuille de 250 000 francs et une progression annuelle moyenne de 18%, celui qui ne fait que deux transactions par mois chez un courtier bon marché repartira au bout de huit ans avec 117 000 francs de plus que celui qui passe cinq ordres par mois dans une banque plus chère. Réduire les frais, c'est très payant et à la portée de tous.

Gilles Pouzin
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