Vu d'Amérique >

Rédigé le 05 mai 1998
L'euro, cet inconnu :
Les Américains sont mals informés sur l'euro.

Alors que le sommet de Bruxelles de début mai faisait la une de toute la presse européenne il passait quasiment inaperçu dans les quotidiens américains. Seul le Wall Street Journal plaçait l'évènement à la une, lundi 4 mai, en insistant sur le cafouillage politique qui avait assombri l'acte de naissance de l'euro. Le New York Times faisait bien sa première page sur une actualité française, le vol d'un tableau au musée du Louvre, mais le sommet de l'euro était relégué en seconde page de sa section Business. Le quotidien populaire USA Today consacrait également une colonne aux intrigues qui avaient entouré la nomination du premier gouverneur de la Banque centrale européenne. Mais aucun article ne décrivait l'annonce officielle des onze pays fondateurs de l'UEM comme une date historique.

Jusqu'en 2002, l'euro restera une monnaie virtuelle
Encore plus loin du vieux continent, en Californie, l'euro est tout bonnement absent des esprits. Ici, le San Jose Mercury News, le quotidien de la Silicon Valley, faisait sa couverture du lundi 4 mai sur le Cinco de Mayo, la fête de la victoire des Mexicains sur les Français à la bataille de Puebla. Dans le journal, une publicité expliquait que l'on mangerait des crêpes à la place des tortillas si la France n'avait pas perdu son influence sur le Mexique à cette occasion. C'est anecdotique mais symptomatique de la connaissance, ou de l'ignorance, que les Américains ont de l'euro. Ici quand on parle de l'euro c'est pour évoquer les opportunités de vendre de nouveaux logiciels et des ordinateurs plus puissants pour résoudre les dilemmes techniques de la monnaie unique.

Avec leur esprit pragmatique et concret les Américains croient que l'euro restera une monnaie virtuelle jusqu'en 2002, puisqu'elle n'aura pas ses propres pièces et billets avant cette date. Pour certains extrémistes, comme les éditorialistes de Barron's, l'euro n'est même qu'une tentative d'arrimer les monnaies européennes au deutsche mark, vouée au même destin tragique que le "peg" qui liait les monnaies asiatiques au dollar. Au delà du scepticisme qu'il exprime, ce jugement ignore le principe de l'UEM qui, au contraire, élimine toute notion de marché des changes entre ses onze pays membres. Le sommet de Bruxelles a fixé les parités de conversion de l'euro vis-à-vis des onze monnaies qu'il remplacera dans moins de huit mois.

Le cours du dollar en deutsche mark, la seconde parité la plus surveillée du monde, disparaîtra le 1er janvier 1999. Les Américains ne le savent pas et leurs journaux ne l'écrivent pas.

Gilles Pouzin
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