Vu d'Amérique > Rédigé le 09 mai 1998
L'Amérique en panne d'immigrés :
Pénurie de visas et de personnel qualifié.

Quels "sans papiers" seront expulsés cette année? Ce drame ordinaire de l'immigration ne se déroule pas à Barbès mais en pleine Silicon Valley. Si rien n'est fait, la Mecque de la high-tech mondiale risque bientôt de s'arrêter faute de cerveaux.

Quota de visas épuisé
Avec la chute spectaculaire du taux de chômage américain, à 4,3% en avril, les difficultés de recrutement sont courantes aux USA. Mais elles sont exacerbées pour le personnel qualifié. Selon une étude publiée en janvier par l'Information Technology association of America, l'ITAA, le secteur des technologies de l'information, qui va de l'informatique aux télécoms, avait 346 000 postes à pourvoir, en hausse de 80% par rapport à février 1997. Jusqu'ici les employeurs compensaient le manque de talents locaux par des étrangers. Mais cette tactique est dans une impasse insolite: les visas sont épuisés et seule une décision politique peut éviter la crise.

Les Etat-Unis prévoient chaque année un quota de 65 000 visas H1B réservés aux diplômés et aux professionnels expérimentés sponsorisés par un employeur américain. Les prémices de la crise se sont fait sentir en août dernier, quand les visas se sont trouvés épuisés pour l'année 1997. Grâce à d'intenses tractations, l'ITAA a obtenu une réouverture des guichets début octobre, en puisant dans les quotas de 1998. Résultat: tous les visas prévus pour cette année sont aujourd'hui consommés. Non seulement les entreprises ne peuvent plus embaucher d'étrangers, mais ceux qu'elles ont vont vite devenir illégaux. En effet, le visa H1B permet aux employeurs de garder un étranger six ans en renouvelant son visa au bout de trois ans, ce qui n'est plus possible puisqu'il n'y en a plus. «Vu les peines encourues, aucun employeur ne prendra le risque de garder un clandestin», affirme un Français qui a eu son visa de justesse.

Au terme d'un marchandage entre les lobbyistes des employeurs, qui veulent plus d'étrangers en permanence, et ceux des syndicats, qui accusent les premiers de ne pas former les salariés et de recourir aux ingénieurs pakistanais bon marché, le Congrès a finalement accepté d'examiner ce mois-ci un projet de loi pour augmenter le quota d'immigrés qualifiés à 95 000 cette année, 105 000 l'an prochain et 115 000 en l'an 2000, avant de le redescendre à 65 000 en 2001. On n'arrête pas le progrès pour une poignée de visas.

Gilles Pouzin, immigré lui-même.
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