Vu d'Amérique > Rédigé le 23 février 1998
Internet enfin rentable :
Comment le Web draine de l'argent aux USA.

Même si vous n'êtes pas un fan de football américain, vous avez entendu parler du Super Bowl. Dimanche 25 janvier, plus de 40% des Américains s'étaient agglutinés devant la télévision pour la finale de ce sport barbare qui revendique la minute de pub la plus chère du monde. Mais ce soir là, deux à trois millions d'aficionados avaient choisi de suivre le match sur Internet.

La population d'internautes ne cesse de croître
Selon l'audimat du cabinet Forrester Research, le site web Superbowl.Com a en effet reçu 25 millions de connections (appelées hits) en quatre heures, représentant deux à trois millions de visiteurs différents. Signe des temps, la National Football League, qui encaisse déjà 18 milliards de dollars de droits de retransmission, espère bien tirer de substantielles recettes publicitaires de son nouveau site web. La raison de ce succès est la rapidité à laquelle l'Internet se propage dans les foyers. D'après International Data Corporation, le nombre d'internautes aux Etats-Unis est passé de 12,4 millions en 1995 à 25 millions en 1996, et 43 millions en 1997. La banque d'affaires Morgan Stanley prévoit de son côté que la population d'internautes atteindra 157 millions d'utilisateurs en l'an 2000, c'est à dire dans moins de trois ans. Il a fallu 38 ans à la radio pour atteindre 50 millions d'auditeurs. La télévision les a atteint en 13 ans et l'Internet en à peine cinq ans.

Un audimat...
Avec une diffusion aussi fulgurante, l'Internet est passé depuis longtemps du bricolage amusant au business convoité. Les enjeux sont déjà là. On estime par exemple que les recettes publicitaires sur le web sont passées de 300 millions de dollars en 1996 à plus de 500 millions en 1997. Selon des hypothèses conservatrices de 11 dollars de recettes publicitaires par internaute et par an, Morgan Stanley prévoit que la manne de ce nouveau média atteindra 900 millions de dollars cette année et 1,5 milliard l'an prochain.

Les motivations des internautes sont des plus variées. Selon l'audimat du service America On Line, qui compte déjà 10 millions d'abonnés, les jeux arrivent en tête de ses prestations, avec 28 millions de pages vues par jour sur son serveur. La programmation d'AOL, qui est une combinaison de magazines et d'émissions en ligne, arrive en second avec 25 millions de pages vues par jour, suivie par les finances personnelles (14 millions de pages), les informations quotidiennes (10 millions de pages) puis les centres d'intérêt personnels comme le style de vie, les petites annonces ou le sport (entre 8 et 9 millions de pages vues par jour). Le site web du quotidien populaire USA Today reçoit pour sa part quelque 800 000 visiteurs et 50 millions de hits par semaine.

...qui vaut de l'or
Mais les internautes ne viennent pas que pour regarder: 25% d'entre eux auraient déjà effectué des achats sur le Net. Selon American Express, les transactions par carte de crédit sur le web auraient atteint 4 à 6 milliards de dollars en 1997, soit cinq fois plus que l'année précédente. Le matériel et les logiciels informatiques sont les plus demandés, car leurs clients maîtrisent mieux la navigation sur la web que l'internaute moyen,. Mais la toile mondiale empiète sur tous les segments du commerce traditionnel. Le site Travelocity vend ainsi près de 2 millions de dollars de billets d'avions par semaine et le cabinet Forrester Research prévoit que l'ensemble des ventes de titres de transport et de tickets de spectacles atteindra 10 milliards de dollars en 2001.

Internet célèbre également la renaissance de la lecture. Amazon.com, la plus grande librairie du monde qui aligne 2,5 millions d'ouvrages sur ses étagères virtuelles, a réalisé 147,8 millions de dollars de chiffre d'affaires en 1997, ce qui en fait le cinquième distributeur de livres des Etats-Unis. Les disques se vendent également comme des petits pains sur Music Boulevard ou CD-Now. Le cabinet Jupiter Communications estime que la vente de musique on-line atteindra 1,6 milliard de dollars aux USA en 2002. Quand au fleuriste par téléphone 1 800 Flowers, l'équivalent américain d'Interflora, il vend plus de 10% de ses bouquets sur le web.

Enfin rien ne vaut une autoroute de l'information pour vendre des voitures. Le consultant JD Powers estime que 1,5 million de véhicules ont été achetés l'an dernier avec l'aide d'un service on-line. Le site Autoweb.com, qui vend également des voitures d'occasions, affirme recevoir 15 millions de connections par mois et 60 000 requêtes d'acheteurs. Même Microsoft s'est senti une vocation de concessionnaire en lançant son site CarPoint. Mais attention aux pannes! Car selon la Consumer Federation of America, les plaintes de consommateurs impliquant l'Internet sont celles qui enregistrent actuellement la plus forte croissance. Signe des temps.

Gilles Pouzin
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