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Rédigé
le 29 Janvier 1999 |
Merci Alan! C'est le cri du coeur que tous les banquiers et spéculateurs embourbés dans l'affaire LTCM doivent à leur sauveur: Alan Greenspan. Il y a quatre mois, le hedge fund américain Long Term Capital Management explosait en vol pour avoir sous-estimé les risques des marchés financiers. Aujourd'hui, les protagonistes du scandale se vantent d'avoir fait une bonne affaire. Les banquiers appelés à la rescousse ont récupéré leur mise et les coupables du naufrage ont touché 50 millions de dollars de bonus à Noël.
Pour comprendre ce retournement il faut se rappeler du cauchemar que vivaient les banquiers il y a quatre mois. Surpris par le défaut de paiement de la Russie, les prix Nobel et les cracks en maths réunis par le trader John Meriwether avaient totalement perdu le contrôle de leur machine spéculative. Pour éponger leurs pertes quotidiennes, ils dilapident plus de 90% de leurs fonds propres en quelques semaines. Le 20 septembre, la faillite semble inévitable et le hedge fund menace d'entraîner dans sa chute 75 banques internationales qui se retrouveraient avec 100 milliards de dollars de créances irrécouvrables.
Pour éviter une catastrophe financière mondiale d'une ampleur inconnue depuis les années trente, Alan Greenspan, le président de la banque centrale des Etats-Unis, invite fermement les patrons des banques de Wall Street à régler le problème. Ils rechignent, ils trépignent, et ils alignent... 3,625 milliards de dollars pour sauver leur banque et leur job. Tous n'auront pas cette chance car la grande lessive commence. Les banques licencient à tour de bras, plus de 13 000 employés et quelques PDG, notamment celui de l'Union Bank of Switzerland.
L'affaire LTCM est grave. Le plan de sauvetage initial prévoit trois ans pour dénouer les positions spéculatives du hedge fund. Paralysés par cette épée de Damoclès, les banques et les investisseurs n'osent plus prendre aucun risque: ils ne veulent plus accorder de prêts et le manque de crédits menace de plonger l'économie en récession.
Alan Greenspan entre à nouveau en scène. Le 29 septembre, il baisse les taux d'intérêt de la réserve fédérale et déclenche un assouplissement mondial du crédit. En trois mois, 35 pays baissent leurs taux d'intérêt 74 fois.
C'est ce qui sauva LTCM. Tous les marchés s'envolèrent et les traders de Meriwether dénouèrent une partie de leurs paris avec profit. Fin 1998, les banques chargées du sauvetage enregistraient ainsi 400 millions de dollars de plus values, soit 11% de gain en trois mois. Séduits par cette performance, les liquidateurs se transforment en investisseurs et semblent prêts à poursuivre l'expérience. Quant à John Meriwether et ses apprentis-sorciers, ils vont bien. Ils ne se sont pas totalement refaits financièrement mais leur succès récent leur a rendu l'arrogance d'autrefois. Ils viennent d'entamer une tournées mondiale pour convaincre une vingtaine de banques de racheter LTCM ou de les aider à démarrer un nouveau hedge fund... Incorrigibles joueurs.
Gilles Pouzin