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Rédigé le 05
juillet 1996 Peter Job, un patron-journaliste : Comment il a transformé l'agence de presse Reuters en valeur de croissance. |
Le patron de la plus puissante agence de presse de la (média) planète n'est pas le Citizen Kane que l'on voudrait imaginer. Peter Job, 55 ans, directeur de Reuters, n'est pas de ces patrons de presse qui intriguent en politique, un gros cigare au coin des lèvres. Ce grand gaillard au regard bleu un peu rêveur a même l'air tout ce qu'il y a de plus normal. Enfin! Normal pour un journaliste. C'est à dire bouillonnant d'idées et de passions variées. Il aime tailler ses rosiers autant que faire des grands voyages, il adore Shakespeare et la peinture, mais aussi le yachting et la plongée sous-marine. (lire encadré Carte d'identité)
Le stagiaire
devient le big boss
Il ne gère pourtant pas ses affaires en dilettante. Depuis que Job a pris les
rênes de Reuters, en mars 1991, son chiffre d'affaires s'est envolé de 80%,
à 2,7 milliards de livres (21,6 milliards de francs) et son bénéfice a suivi
la même ascension, à 414 millions de livres, soit 3,3 milliards de francs, (lire
l'article Reuters, la révolution des agences de
presse). Aujourd'hui, la capitalisation boursière de Reuters atteint 13,2
milliards de livres (106 milliards de francs), soit plus qu'Elf Aquitaine. Assurément
pas un jouet à laisser entre toutes les mains. Mais pourquoi pas entre celles
d'un bon journaliste?
Sur les cinq directeurs généraux de Reuters, quatre ont commencé comme journalistes. Peter Job est de cette trempe. Elevé dans le sud-ouest de l'Angleterre, loin de la capitale, il nourrit très tôt une curiosité frénétique pour toutes les affaires de la planète. Son premier choix se tourne vers les langues étrangères. A 22 ans, sorti de l'université d'Oxford avec un diplôme de Français et d'Allemand, il entre à la rédaction de Reuters. Stagiaire un peu timide, il se souvient qu'on lui donnait peu de choses à faire. Comment est-il devenu le big boss? «Par hasard, répond-il modestement. J'étais spécialiste de la Banque Mondiale. Quand ils ont demandé un service sur mesure, en 1971, j'ai été muté au management.»
Les honneurs artificiels l'ennuient. Une fois nommé «chief executive» et «managing director» de Reuters, il abandonne ce second titre redondant. Le vrai fonds de commerce de Peter Job, et de Reuters en général, ce sont les idées. «Après la finance et les salles de marché, la technologie de l'information a encore d'immenses territoires à conquérir, de la médecine à la publicité», soutient-il avec conviction. Dans ses réflexions à haute voix, le doute est pourtant omniprésent . «Le métier d'agence de presse n'est plus rentable, mais il faut être prudent et ne pas croire que les choses restent figées, explique-t-il. Les agences de presse pourraient retrouver un rôle de premier plan grâce à Internet.» Peter Job est enthousiaste et infatigable. Il voyage cent jours par an et travaille toujours au ralenti pendant ses vacances, pour ne pas être enseveli sous le courrier en retard à la rentrée. Son secret? «L'information est un "narcotic business", qu'on soit en bas ou en haut de la hiérarchie, une fois qu'on s'y est accoutumé, il ne laisse aucune autre issue à votre vie». Parole de journaliste.
Carte
d'identité :
Nom: Peter Job
Nationalité: Britannique
Age: 55 ans, marié, un fils et une fille.
Fonction: directeur général de Reuters
Salaire 1995: 650 000 livres (5,2 millions de francs), plus 128 000 livres versées
sur son fonds de pension (1 million de francs)
Fortune: 124 000 actions Reuters (7,8 millions de francs) et stock options sur
77 000 actions supplémentaires.
Principal ennemi: l'ennui, le protectionisme, les entraves à la liberté de la
presse.
Signe particulier: cosmopolite (15 ans dans le tiers monde, 80 pays visités)
et polyglote (cinq langues). Amoureux de peinture et de la campagne anglaise.