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Rédigé le 11 mars 1996
Chargeurs donne l'exemple :
Les scissions, ou spin-offs, doppent les cours de Bourse.

La scission du groupe Chargeurs en deux pôles est une première en France, mais elle a déjà fait ses preuves dans de nombreuses multinationales anglo-saxonnes. La logique de ces opérations est simple: deux groupes aux activité claires sont mieux valorisés par la Bourse qu'un conglomérat à la stratégie dispersée (lire l'article Le talon d'Achille du capitalisme français). Le groupe chimique ICI avait lancé la mode en Angleterre, en scindant ses activités chimie, cotées sous le nom ICI Chemicals, et ses activités pharmaceutiques, rebaptisées Zeneca. Alors qu'Imperial Chemical ne valait que 75 milliards de francs (9 milliards de livres) en 1993, ICI Chemicals vaut aujourd'hui 45 milliards de francs et Zeneca vaut à lui seul 93 milliards de francs.

Une méthode qui éprouvée en Angleterre et aux USA
En appliquant cette méthode, Chargeurs estime que sa valeur fera un bond de 67% d'un coup. En effet, alors que la capitalisation boursière du groupe Chargeurs n'est que de 9 milliards de francs, son pôle communication est estimé à 11 milliards de francs et son pôle textile à 4 milliards de francs. Pour augmenter la valeur de son groupe, Jérôme Seydoux, président de Chargeurs s'est donc résolu à le scinder en deux sociétés cotées séparément. L'une, rebaptisée Pathé, regroupera les activités de cinéma (Pathé), de télévision (BSkyB) et de presse (Libération). L'autre, Chargeurs International, gardera les activités de textile et de transport. Les actionnaires recevront une action de chacun de ces deux nouveaux groupes en échange de leurs anciens titres Chargeurs. Les scissions sont la dernière mode en matière de fusions-acquisitions. Aux Etats-Unis, le montant de ces opérations, appelées spin-offs a doublé en 1995, à 48 milliards de dollars, et atteint déjà 73 milliards de dollars pour 1996. Parmi les filiales qui ont acquis leur autonomie boursière, on compte la banque Lehman Brothers, filiale d'American Express; le courtier Dean Witter, filiale des grands magasins Sears Roebuck; Praxair, filiale du groupe chimique Union Carbide; Eastman Chemical, filiale de Kodak et Rayonier, filiale d'ITT.

Au delà des scissions, il est encore possible d'améliorer la valeur d'une société. La banque JP Morgan a en effet observé, sur un échantillon de 133 groupes britanniques, que ceux qui prenaient des mesures de recentrage obtenaient au bout de deux ans une performance boursière supérieure de 30% à ceux dont la stratégie s'opacifiait. Ce n'est pas un hasard si Chargeurs a aussi promis de clarifier la stratégie de ses deux nouvelles entités. Un exemple à suivre pour nos fleurons en perdition.

Gilles Pouzin


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