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Rédigé le 13 octobre 1998 |
Vus
de Paris, les fonds étrangers sont souvent représentés
comme une nébuleuse d'investisseurs uniformes aux méthodes et
aux intentions obscures. Une sorte de "Parti de l'étranger"
qui se serait infiltré dans le Palais de la Bourse sans crier gare.
A peine caricaturé, ce sentiment dévoile avant tout un manque
de connaissance. Les investisseurs étrangers ne sont en réalité
ni plus méchants ni moins intelligents que les banquiers et les assureurs
qui gèrent l'épargne des Français. D'ailleurs, les fonds
étrangers peuvent approximativement se classer en trois catégories
très comparables à ce qui existe en France (voir le tableau "Classement des fonds étrangers"). Les gestionnaires de mutual funds sont l'équivalent
de nos gérants de Sicav, les assureurs sont presque les mêmes partout
dans le monde, et les fonds de pension sont de paisibles caisses de retraite
(lire encadré "La manne des fonds de pension").
Des
fonds de 1000 milliards de francs
Les deux éléments qui différencient le plus les fonds étrangers
de leurs homologues français sont leur taille et leur internationalisation.
Comme le montre notre tableau, la plupart des sociétés de gestion
étrangères ont plus de 1000 milliards de francs de réserves
à investir. Par comparaison, le plus gros gestionnaire de Sicav Français,
le Crédit Agricole, ne gérait à la même date que
740 milliards de francs. L'internationalisation est intimement liée à
la taille des fonds étrangers: plus ils gèrent d'argent plus ils
ont besoin de diversifier leurs investissements en dehors de leurs frontières.
Mais la taille et l'internationalisation sont aussi le résultat de plus
en plus visible de la mondialisation.
Nationalité
caméléon
La nationalité des fonds étrangers les plus actifs en France est
une notion parfois subtile. Dans la base de données de Technimetrics,
les investissements français du gestionnaire Fidelity sont ainsi regroupés
sous deux entités: l'Américain Fidelity Management and Research
et le Britannique Fidelity Investments services. Cette distinction administrative
reflète en partie la diversité des clients de Fidelity. Le groupe
de Boston vend aux épargnants italiens des fonds luxembourgeois gérés
à Londres qui investissent en actions françaises. Dans ces conditions
on comprend mieux la difficulté des entreprises à identifier la
nationalité de leurs actionnaires. (Voir à ce sujet le tableau
"A qui appartiennent les
sociétés françaises?").
La complexité de ces relations est encore accrue par la consolidation de l'industrie de la gestion. UBS Brinson est-il un gestionnaire suisse comme le laisse penser sa nationalité officielle? Légalement, oui. Dans la pratique la banque suisse a confié à la société américaine Brinson, de Chicago, la supervision de l'ensemble de ses activités de gestion, ce qui en fait un gestionnaire plus américain qu'européen. C'est également le cas de la Dresdner Bank qui a racheté le gestionnaire RCM à San Francisco et lui a confié la direction de ses activités de gestion.
Pas
de faiblesse pour le palmarès
Si les fonds étrangers ont à peu près les mêmes vocations
que leurs homologues français, ils sont en revanche réputés
pour arriver à leurs fins avec des stratégies qui ne laissent
pas de place aux états d'âmes. Certains gestionnaires investissent
avant tout dans des entreprises ayant un fort potentiel de croissance, c'est
par exemple le cas de Fidelity ou de Scudder. D'autres, comme Templeton, préfèrent
avant tout acheter des entreprises sous-évaluées. D'autres encore,
comme State Street, pensent que la meilleure stratégie est d'acheter
un panachage d'actions représentatif des indices boursiers. Mais quel
que soit leur style, tous les gestionnaires se battent pour la même première
place dans les palmarès de performance, ce qui les rend intransigeants
vis-à-vis des patrons d'entreprises sur lesquelles ils misent.
"Le problème central de la France reste de savoir si oui ou non les sociétés vont faire de bonnes choses pour leurs actionnaires, insiste Simon Rudolph, gestionnaire d'actions internationales chargé de la France chez Templeton en Floride. Je ne sais pas si elles promettent d'améliorer leur rentabilité parce que c'est ce que les investisseurs veulent entendre ou parce qu'elles croient vraiment pouvoir y arriver." Les investisseurs américains ont à ce titre une culture entrepreneuriale qui rend leurs critères d'appréciation surprenant mais qui n'en est pas moins pleine de bon sens. "Ce qui me gêne un peu avec Alstom c'est que la rémunération des dirigeants ne soit pas plus liée à la performance de leur titre", confiait ainsi Oscar Castro, directeur des investissements internationaux de Montgomery Asset Management à San Francisco. Une remarque pertinente si l'on en croit la chute de 50% qu'a connu le titre après son introduction en Bourse en juin dernier.
Pas
aussi instables qu'on le dit
Souvent critiqués pour leur instabilité, les fonds étrangers
ont là encore des comportements très variables. Les gestionnaires
de mutual funds subissent par exemple une double contrainte de court terme:
non seulement ils sont en permanence jugés sur leurs performances, mais
ils doivent en plus faire face aux versements et aux retraits des épargnants
dont ils gèrent l'argent. Les caisses de retraite n'ont pas ce souci.
"S'il y a des inquiétudes sur le fait que les fonds de pension puissent
aggraver la volatilité des marchés dans les périodes agitées,
cela ne nous concerne pas", affirme par exemple Bill Crist, le président
du fonds de pension Calpers, qui gère l'argent de ses futurs retraités
avec un horizon de vingt à trente ans. Certains fonds étrangers
peuvent donc aussi s'avérer un rempart utile pour limiter les crises
boursières.
La
manne des fonds de pension
Les fonds de pension sont une catégorie d'investisseurs de plus en plus
importante et en même temps très différente des autres.
Les Français n'ayant pas de fonds de pension ils n'en comprennent pas
toujours bien la nature. Contrairement aux fonds d'épargne classiques,
les fonds de pension sont des caisses de retraites, c'est à dire que
leur priorité absolue est d'assurer les pensions des futurs retraités.
Pour remplir cette mission ils investissent en Bourse, car c'est le placement
le plus performant à long terme. Mais pour limiter leurs risques ils
doivent aussi se diversifier, ce qui les pousse de plus en plus à investir
à l'étranger, notamment en France. Il existe aujourd'hui plus
de 45 000 fonds de pension aux Etats-Unis qui assurent la retraite de 42 millions
de salariés. Le consultant Intersec Research prévoit que ces fonds
de retraite géreront 7 200 milliards de dollars en 2002, dont 14% à
l'étranger.