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Rédigé
le 4 février 1999 |
Comment acheter des actions avant qu'elles montent? C'est la question que l'on
peut se poser quand on découvre le retard des petites valeurs. Alors
que l'indice CAC 40 s'est envolé de 40% depuis début octobre,
les sociétés du second marché et la plupart des petites
valeurs sont toujours au point mort. Comment se fait-il que la grande majorité
des actions françaises ait complètement stagné pendant
que seule une poignée d'entre elles s'envolait? Aujourd'hui, les petites
valeurs semblent excessivement sous-évaluées. Mais tout le problème
est de savoir si elles vont rattraper leur retard. Et quand? Voici ce qu'en
pensent les meilleurs spécialistes des petites valeurs interrogés
par Gilles Pouzin.
Pourquoi
les petites valeurs sont-elles en retard?
Le retard des petites valeurs ne suffit malheureusement pas à les faire
rebondir. La preuve: leur baisse s'est poursuivie en janvier 1999 (-6% au second
marché) alors que les quarante vedettes de la cote gagnaient encore du
terrain (+10% pour le CAC 40). Le problème des petites valeurs est qu'elles
cumulent deux inconvénients qui font fuir les investisseurs.
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Premièrement, le manque de liquidité
Le manque de liquidité, c'est à dire la faiblesse des transactions,
a pénalisé deux fois les petites valeurs depuis l'été
dernier. Quand la crise financière a frappé tous les marchés,
en septembre, les investisseurs ont eu plus de mal à vendre les petites
valeurs que les grosses. Du coup, elles ont plus baissé que ces dernières.
Quand ils sont revenus investir en Bourse, avec la création de l'euro,
ils ont préféré concentrer leurs achats sur les grosses
sociétés, au détriment des petites. Selon une étude
de la Société générale, les valeurs faisant l'objet
de moins d'un million de francs de transactions par jour ont ainsi deux fois
moins monté en 1998 que les plus grosses. Et les actions faisant l'objet
de moins de 30 000 francs de transactions par jour ont baissé.
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Deuxièmement, un risque plus important
Les petites et moyennes entreprises sont plus fragiles que les multinationales,
ce qui les rend plus risquées. D'abord leurs cours fluctuent beaucoup
plus fortement. "Les écarts de performance sont bien plus importants
entre les petites valeurs qu'entre les grandes, ce qui augmente le risque de
se tromper", résume Sophie Fiszman, gestionnaire de la sicav Ofima
Midcap. En 1998, par exemple, l'écart était de 130% entre la meilleure
et la moins bonne valeur de l'indice CAC 40 (France Télécom, +104%;
Bic, -29%) alors qu'il atteignait 290% entre la plus forte hausse et la plus
forte baisse du second marché (Unilog, +199%; Supervox, -80%) et près
de 400% entre la meilleure et la pire performance au nouveau marché (Titus
Interactive, +302%; et Valorum, -95%).
Les investisseurs sanctionnent aussi plus durement les petites sociétés quand elles ne tiennent pas leurs promesses. Le second marché regorge d'anecdotes comme celle de Bricodeal. Cette société s'était introduite en Bourse en juin dernier en promettant une croissance de 9,5% de son chiffre d'affaires. Quand les investisseurs ont réalisé que la croissance ne serait que de 2,5%, ils ont vendu et l'action Bricodeal a plongé de 60%. "Les petites valeurs ont payé leurs excès du printemps 1998, résume Hervé Petit, directeur de l'analyse à la société de Bourse Portzamparc, 60% des sociétés introduites en Bourse l'an dernier sont aujourd'hui en dessous de leur cours d'introduction."
Les petites
valeurs sont-elles vraiment intéressantes?
Les petites valeurs méritent en partie leur retard. Mais tout a un prix.
"Il serait normal que les petites sociétés subissent une
décote de 15% par rapport aux grosses, mais pas une sous-évaluation
de 40%", explique Jean-Charles Mériaux, gestionnaire de la sicav
Saint Honoré PME. Les sociétés de l'indice CAC 40 valent,
en moyenne, 26 fois leurs bénéfices attendus pour l'exercice 1999,
tandis que les sociétés du second marché se payent 13 fois
les profits qu'elles devraient réaliser cette année, c'est à
dire deux fois moins cher. Comme leurs cours sont moins élevés,
les dividendes qu'elles distribuent procurent aussi un rendement plus élevé.
"Les dividendes des valeurs moyennes rapportent environ 3,5% de rendement,
observe Jean-Charles Mériaux. C'est bien mieux que le rendement des grosses
valeurs (2%) et presque autant que celui des emprunts d'Etat (3,7%) avec en
plus une possibilité d'amélioration." Selon le gestionnaire
de Saint Honoré PME, les petites sociétés ont une marge
pour augmenter leurs dividendes car elles ne distribuent, en moyenne, que 29%
de leurs bénéfices.
Il ne manque plus qu'un signal pour que les petites valeurs rattrapent leur retard: des OPA. En effet, quand les petites sociétés sont très bon marché par rapport aux grandes, elles finissent par se faire racheter par ces dernières. En 1996, une vague d'OPA avait ainsi fait rebondir le cours des valeurs moyennes de 36% alors que le CAC 40 ne gagnait que 24%. En 1998, les opérations de fusions acquisitions ont surtout porté sur les multinationales. Mais la concentration n'épargnera pas indéfiniment les petites et moyennes entreprises européennes.
Comment
parier sur les petites valeurs?
Les petites valeurs offrent incontestablement des opportunités d'investissement,
mais il y a beaucoup plus de risques de se tromper qu'avec les grosses valeurs.
En effet, un portefeuille constitué des quinze ou vingt plus grosses
sociétés cotées réalise pratiquement les mêmes
performances que l'indice CAC 40 alors qu'il est beaucoup plus difficile de
sélectionner une vingtaine de gagnants parmi les quelque mille autres
valeurs de la cote. Le premier écueil est le manque d'information. "Il
est déjà difficile pour un gestionnaire professionnel à
plein temps de suivre plus d'une quarantaine de sociétés, c'est
carrément impossible pour un particulier", explique Sophie Fiszman.
Quand des amis lui demandent conseil, elle les dissuade de s'aventurer seuls
sur ce marché et leur suggère plutôt d'acheter un fonds
spécialisé dans les petites valeurs (voir le tableau : Les
meilleurs fonds de petites valeurs en 1998 ).
Quand on a le temps de gérer son portefeuille, acheter des actions en direct est cependant plus amusant que d'investir dans une sicav. Mieux vaut néanmoins observer quelques règles de prudence. "Il m'arrive d'investir dans des très petites sociétés, admet Jean-François Arnaud, gestionnaire du fonds San Paolo Actions Comptant. Mais je concentre généralement mes paris sur des valeurs faisant l'objet d'au moins un million de francs de transactions par jour."
Il est aussi déconseillé de se précipiter sur les sociétés nouvellement introduites en Bourse. "Les particuliers prennent des risques énormes en spéculant sur les introductions en Bourse, estime Hervé Petit. Il vaut mieux attendre quelques mois que leurs cours se stabilisent et qu'elles confirment leurs prévisions."
Quelles
actions choisir?
Observer les règles élémentaires de prudence ne suffit
malheureusement pas pour réussir. Même les meilleurs gestionnaires
doivent compter sur la patience et la chance: une année en tête
des classements, ils sont rattrapés par leurs confrères l'année
suivante. "Avec les petites valeurs, il faut parfois attendre longtemps
avant d'avoir raison", résume Gérard Augustin Normand, président
de Richelieu Finance.
Dans ces conditions, chaque gestionnaire affine sa stratégie (voir également le tableau : 40 petites valeurs à surveiller de très près.... Certains continuent de privilégier les petites sociétés opérant sur des secteurs porteurs avec une bonne visibilité, une forte croissance et une structure financière solide. "Il ne faut pas s'entêter avec des sociétés qui n'arrêtent pas de se restructurer en promettant un redressement pour l'année prochaine, explique Dominique Cyrot, gestionnaire de la sicav AGF Invest. J'ai vendu les valeurs trop petites ou décevantes pour me concentrer sur des sociétés de taille moyenne comme Atos, Altran, Expand ou Rochefortaise Communication."
D'autres préfèrent tenter leur chance avec des sociétés dont les cours sont tellement déprimés qu'ils ont toutes les chances de rebondir si elles survivent aux difficultés qu'elles traversent. "Je pense que les valeurs cycliques sont beaucoup trop sous-évaluées", explique par exemple Didier Le Menestrel, président de la Financière de l'Echiquier, qui s'intéresse notamment au distributeur de matières premières Safic Alcan. Aussi pertinentes que soient ces approches, leur succès n'est pas garanti. "Même quand on a trouvé la meilleure affaire de la cote, elle n'a aucune chance de monter si personne d'autre ne s'y intéresse", résume Olivier Machou, gestionnaire du fonds Cogefi Prospective. Les petites valeurs sont attrayantes... mais aussi capricieuses.
" Les petits épargnants qui veulent acheter des petites valeurs ont tout intérêt à investir dans un fonds spécialisé pour limiter les risques. "
Nom (Etablissement) | Performance en 1998 |
Cogefi Prospective (Cogefi) (1) | +40,6% |
Euro CIC Opportunites (CIC) (1) | +39,7% |
Sanpaolo Actions Comptant (San Paolo) (1) | +30,6% |
Richelieu France (Richelieu Finance) (1) | +30,1% |
Futurval (Bred) (1) | +28,9% |
Ofima Midcap (Ofivalmo) (2) | +27,9% |
(1)
FCP : Fonds Commun de Placement (2) Sicav |
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Source: Micropal |