Prévisions d'Experts > Mars - Avril 1999


Record à Paris, optimisme européen, espoirs à Tokyo - 29 avril 1999

Bénéfices surprises à Paris.
Selon les données collectées par Merrill Lynch, les sociétés françaises qui annoncent des résultats supérieurs à leurs prévisions ont une meilleure performance boursière que les sociétés qui publient des résultats inférieurs aux prévisions, quel que soit le niveau absolu de leur profitabilité. "Surtout, les sociétés qui annoncent des bonnes surprises sont les sociétés qui ont le plus de chances de voir leurs prévisions de bénéfices revues en hausse par les analystes dans les six à douze prochains mois", précise Markus Barth, analyste chez Merrill Lynch. Selon la banque américaine, les cinq sociétés françaises ayant annoncé les meilleures surprises sur leurs résultats le mois dernier sont Valéo, Lafarge, saint Gobain, Danone et la Seita. Carrefour et Havas advertising sont pour leur part les sociétés qui se sont maintenues le plus longtemps dans ce classement puisqu'elles ont annoncé des résultats supérieurs aux prévisions du marché depuis respectivement 12 et 22 mois.

Europe en forme.
D'après les résultats du dernier sondage de Merrill Lynch auprès de 77 investisseurs institutionnels européens gérant un total de 1740 milliards d'euros, ces derniers sont optimistes. "Avec un quart des participants à l'enquête qui estiment que les actions européennes sont sous-évaluées, les gestionnaires d'Europe continentale pensent que les actions ont plus de marge de hausse qu'elles n'en ont eu au cours des six derniers mois." Heureux présage, quand on sait que l'indice Stoxx des actions européennes a regagné 45% depuis début octobre.

Déréglementation japonnaise.
Même si l'indice Nikkei a du mal à franchir le cap des 17 000 points et que ses risques de repli demeurent, les experts sont optimistes sur les perspectives de redressement de l'économie japonaise. "Une loi adoptée le 21 mars autorise les sociétés japonaises à inclure dans leurs réserves de fonds propres les plus-values latentes après impôts sur leurs propriétés foncières", explique Alexander Kinmont, économiste chez Morgan Stanley. Les sociétés qui opteront pour une telle réévaluation de leurs fonds propres n'auront pas le droit de distribuer ces nouvelles réserves sous forme de dividendes, mais elles pourront en revanche les utiliser pour effectuer des rachats d'actions. "C'est très positif pour les actionnaires, estime Alexander Kinmont. En fait, on peut même se demander si les sociétés japonaises sont conscientes qu'elles deviendront des cibles attrayantes maintenant qu'elles peuvent à la fois extérioriser leur richesse et en faire profiter leurs actionnaires." Il ne manque plus qu'un feu vert officiel pour que la chasse aux acquisitions japonaises soit ouverte. "Le gouvernement s'est engagé à faire passer une loi pour supprimer les restrictions aux fusions-acquisitions au Japon, explique en effet Jeff Bahrenburg, responsable de la stratégie chez Merrill Lynch à New York. Cette législation, qui inclurait la suppression du droit de veto des actionnaires minoritaires, devrait être adoptée avant la fin de l'année."


Les arbres montent-ils jusqu'au ciel? - 23 avril 1999

Wall Street sur le toit du monde.
Après avoir franchi le cap symbolique des 10 000 points le 29 mars, l'indice Dow Jones n'est pas redescendu en-dessous de ce seuil depuis le 7 avril, inscrivant un dernier record à 10 727 points jeudi 22 avril. A ce niveau, les actions américaines sont surévaluées de 30%, selon le modèle d'évaluation de la Fed remis à jour par la Deutsche Bank. "Wall Street n'a jamais été autant surévaluée depuis septembre 1987", estime la Deutsche Bank. Les actions américaines avaient ainsi atteint un niveau de surévaluation de 34% avant le krach de 1987, et de 25% l'été dernier, avant la chute de la rentrée. Voulant éviter un repli désordonné, la vice-présidente de la Fed, Alice Rivlin, a pourtant déclaré qu'elle ne voyait rien qui puisse caractériser une économie de bulle.
Il est vrai que l'économie américaine et ses entreprises ne se sont jamais portées aussi bien. "La moitié des entreprises de l'indice S&P 500 qui ont déjà annoncé leurs résultats du premier trimestre ont vu leurs profits augmenter de 11,3% par rapport au premier trimestre de 1998", explique Joseph Abbott, directeur de la recherche du cabinet Ibes, qui compile les prévisions des banques américaines. Cette performance serait la meilleure depuis le troisième trimestre 1997, avant les premiers effets de la crise asiatique. Mais ce qui a le plus enthousiasmé les investisseurs, c'est que les résultats annoncés sont supérieurs de 5,1% aux prévisions des analystes. "Ce trimestre aura apporté les meilleures surprises par rapport aux prévisions depuis le premier trimestre 1988", confie Joseph Abbott. Mais la question reste de savoir si les bonnes surprises vont continuer à ce rythme, alors que les analystes prévoient 11,8% de hausse des profits au second trimestre, 24,4% au troisième et 23,5% au quatrième. "Le problème est que la Bourse est déjà surévaluée en prenant l'hypothèse que ces prévisions optimistes se réaliseront", explique une analyste de la Deutsche Bank. Au niveau actuel, les 500 premières actions américaines valent déjà 25,1 fois leurs bénéfices futurs, selon Joseph Abbott, alors que leur juste valeur devrait plutôt se situer autour d'un rapport cours/bénéfice de 19,5. Pour réduire cette surévaluation sans que les actions ne perdent 20%, il faudrait que le rendement des emprunts d'Etat américains à dix ans descende en dessous de 4% (contre 5,24% vendredi), ou que les bonnes surprises fassent encore des miracles.

Tokyo cherche son souffle.
Après s'être rapproché du seuil des 17 000 points vendredi, l'indice Nikkei cherche son souffle. Les investisseurs risquent en effet de s'impatienter si l'économie et les entreprises japonaises ne se redressent pas aussi vite que la Bourse. "Les étrangers ont acheté un montant record de 1600 milliards de yens (83 milliards de francs) d'actions japonaises au mois de mars, observe Jeffrey Young, économiste chez Salomon Smith Barney. Mais ces achats risquent de se ralentir à cause de la hausse du yen." Alexander Kinmont, spécialiste du Japon chez Morgan Stanley, estime pour sa part que les restructurations des entreprises devraient marquer une pause et que l'indice Nikkei pourrait connaître une correction en attendant les assemblées générales d'actionnaires qui se tiendront fin juin.


La guerre commerciale s'intensifie, l'or reste déprimé - 16 avril 1999

Protectionnisme rampant
L'OMC devrait approuver mardi 191 millions de dollars de sanctions contre l'Union européenne en dédommagement du préjudice subit par les Etats-Unis dans la guerre de la banane. Les Américains veulent également imposer 100% de droits de douane sur 900 millions de dollars de produits alimentaires européens si l'Europe n'autorise pas l'importation de boeuf aux hormones américain d'ici le 13 mai, comme le lui a demandé l'OMC. "Bien que l'effet de ces droits de douane soit inquiétant à court terme, leur objectif est néanmoins de promouvoir le libre échange sur le long terme, estime Rajib Pal, économiste chez Goldman Sachs. Mais on ne peut pas en dire autant de la poussée des procès anti dumping, ni du projet de loi protectionniste adopté par la chambre des représentants le 17 mars." Ce projet de loi, auquel Bill Clinton a promis d'opposer son veto, imposerait un quota limitant les importations d'acier à la moyenne mensuelle constatée entre juillet 1994 et juillet 1997, ce qui serait une infraction aux règles de l'OMC. Quant aux plaintes anti dumping, elles ont explosé avec l'envolée du dollar par rapport aux devises des pays émergents. "Le nombre de plaintes est passé de 15 en 1997 à 36 en 1998, explique Rajib Pal, dont les deux tiers dans l'industrie métallurgique." L'acier brésilien, japonais et russe, dont les importations en volume ont respectivement augmenté de 11%, 432% et 96% en onze mois, est le premier visé. Si les producteurs américains gagnent leurs procès, ces importations seront passibles de 25% à 71% de droits de douane supplémentaires. "Quand des droits de douane sont imposés, il y a généralement plus de perdants que de gagnants, conclut Rajib Pal. Les consommateurs y perdent, mais aussi les industriels américains, car la hausse de leurs coûts d'approvisionnement affecte leur compétitivité."

Pas de rebond de l'or avant 2001
Merrill Lynch vient de réviser en baisse ses prévisions sur le cours de d'or, à 293 dollars l'once cette année et 305 dollars l'an prochain, alors que la banque prévoyait précédemment un redressement à 350 dollars l'once en l'an 2000. "C'est dû à la faiblesse de la demande orientale, aux craintes de ventes des banques centrales, à l'augmentation de la production et à la réduction des coûts d'extraction, aux ventes à découvert des mines et à la hausse du dollar qui limitent la hausse de l'or", explique David Christensen, analyste chez Merrill Lynch. Les banques centrales ont encore vendu 437 tonnes d'or en 1998, représentant 10,5% du marché. "En 1999, il y aura une augmentation de la pression des Etats-Unis, de la France et du Canada pour que le FMI vende entre 5 et 10 millions d'onces d'or afin d'aider les pays pauvres, estime David Christensen, ce qui devrait représenter 5% à 10% de l'offre mondiale d'or. Et la Suisse devrait organiser un référendum en mars 2000 pour vendre jusqu'à 1300 tonnes d'or, soit 35% de la demande annuelle mondiale." Avec un cours moyen de 287 dollars l'once au premier trimestre 1999, l'or est proche de son plus bas niveau depuis vingt ans (280 dollars l'once).


Boom du crédit, la Grèce et la guerre, "Young Americans" - 8 avril 1999

Innondation de crédit
La Banque centrale européenne a fini par écouter les directeurs du FMI qui, depuis le 26 mars, lui réclamaient une baisse des taux d'intérêt pour relancer la croissance. En repoussant le spectre de la déflation, l'assouplissement monétaire ravive néanmoins la spéculation. "Alors qu'en septembre dernier on craignait une pénurie de crédit, on assiste au contraire à un engorgement de crédit", observe Joachim Fels, économiste chez Morgan Stanley. La distribution de crédits privés dans l'Euroland a ainsi atteint un rythme de croissance annuel de 10,2% en janvier. Selon Morgan Stanley, cet engorgement de crédit a servi aux achats de logements et au financement des stocks des entreprises. Mais il alimente aussi la spéculation. "L'accélération des fusions-acquisitions en Europe est en partie financée par des crédits bancaires", explique Joachim Fels. Une tendance encouragée par les gestes de la BCE et de la banque d'Angleterre. "Si l'on prend l'accroissement de la masse monétaire dans les pays développés et que l'on en soustrait l'argent effectivement utilisé par l'économie réelle, c'est à dire l'accroissement de la production et l'impact de l'inflation, les liquidités qui restent disponibles pour s'investir sur les marchés financiers sont passées d'une croissance de 4% en 1997 à 6% en décembre 1998", explique John Montgomery, économiste chez Morgan Stanley. Tant que le crédit augmente, la spéculation a de beaux jours devant elle.

La Grèce en première ligne
Coqueluche des investisseurs, avec une envolée de 170% entre mars 1998 et son record de mars 1999, la Bourse d'Athènes a plongé de 20% lors des premiers bombardements en Serbie. Et le drachme a perdu 1,8% face à l'euro en dix jours. "La Grèce entretient des relations commerciales et d'investissement avec la Yougoslavie, explique Ricardo Barbieri, économiste chez Morgan Stanley. Certaines sociétés grecques ont investi en Serbie et la guerre pourrait pénaliser les exportateurs et l'économie grecque dans son ensemble". Par exemple, la société de télécom grecque OTE et Telecom Italia possèdent respectivement 20% et 26% de Telekom Serbia, dont les installations auraient été bombardées. Ce talon d'Achile rappelle la fragilité de la Bourse d'Athènes. "Ces inquiétudes sont justifiées, reconnaît Ricardo Barbieri. Nous ne croyons cependant pas qu'elles puissent anéantir les efforts de la Grèce pour se rapprocher de l'Union monétaire."

Les nouveaux jeunes
Les 72 millions d'Américains nés après la guerre restent les consommateurs les plus nombreux et les plus riches mais leurs 60 millions d'enfants préparent la relève. Selon la banque Salomon Smith Barney, cette "génération Y" (les Américains nés entre 1980 et 1995) dépense déjà 136 milliards de dollars par an. Selon Salomon, les investisseurs peuvent surfer sur cette vague en s'intéressant aux sociétés considérées comme les plus "cool" par les adolescents: Nike, Guess, Levi's, Gap et Sega. Les fournisseurs de loisirs (ciné, télé, Internet) comme Disney, Time Warner, Libety Media et Viacom, sont aussi bien placés. Sur la liste de Salomon figure aussi le laboratoire Medicis Pharmaceuticals, spécialiste de l'acné.


La revanche du pétrole. Dettes sous surveillance - 02 avril 1999

Les pays producteurs de pétrole retrouvent le sourire, mais tous les pays émergents ne rembourseront pas leurs dettes sans problèmes.

La revanche du pétrole
Le rebond du pétrole, qui atteint 48% depuis la mi-février, semble cette fois durable. "La croissance de la demande de pétrole aux Etats-Unis et au Canada, couplée aux réductions de production de ces deux pays devrait entraîner un accroissement de la demande de 1,2 millions de barils par jour en 1999 et en l'an 2000 au bénéfice de l'Opep", estime Donald Textor, spécialiste de l'énergie chez Goldman Sachs. Selon lui, la production de pétrole américaine n'est pas prête de repartir. "L'industrie pétrolière a réduit ses investissements d'environ 40% entre 1997 et 1999, explique-t-il. Et l'endettement des 13 plus grosses compagnies pétrolières s'est accru de presque 80% depuis deux ans, ce qui devrait inciter les compagnies à restreindre encore leurs investissements pendant quelque temps." La réduction de la production de pétrole de 2 millions de barils par jour annoncée par les membres de l'Opep et les autres pays non-membres (le Mexique, le sultanat d'Oman et la Norvège), sera néanmoins le principal soutien des cours. "Les accords de réduction de production annoncés par les pays de l'Opep ont bien plus de chances d'être respectés que dans le passé pour deux raisons, estime Donald Textor. D'abord parce que l'Arabie Saoudite et les autres pays ont réussi à se mettre d'accord avec l'Iran sur ses quotas de production. Et ensuite parce que le Venezuela a déjà réduit sa production en dessous des quotas qui lui avaient été fixés." L'Opep, qui ne représente plus que 41% de la production mondiale de pétrole devrait, selon Donald Textor, regagner des parts de marché et garder la maîtrise des cours.

Dettes sous surveillance
Les banques allemandes auront d'autres soucis financiers que de racheter la BNP. Selon Merrill Lynch, elles détiennent 41% des prêts à l'Europe de l'est, qui représentent, avec les prêts à l'Amérique latine, les risques les plus importants de défaut de paiement. Le problème devrait se poser avec d'autant plus d'acuité que les besoins de financement des pays émergents augmentent alors que les banques et les investisseurs sont de plus en plus réticents à leur prêter davantage. "Les pays émergents ont émis pour 237 milliards de dollars d'emprunts entre 1996 et 1998, explique Jack Lavery, économiste chez Merrill Lynch, soit une moyenne annuelle 3,5 fois supérieure à celle des cinq années précédentes." La crise des marchés émergents n'a pas coupé leurs sources de financement, mais elle en a fait bondir le coût. La prime de taux d'intérêt offerte par les pays émergents pour placer leurs emprunts est passée de 2,72% en 1997 à 4,44% en 1998. "Le coût du service de ces dettes va devenir de plus en plus lourd, prévient Jack Lavery, et les problèmes de paiements qui pourraient en résulter sont réels." Il estime que ce risque est en train de se déplacer des pays d'Asie, où la reprise est bien entamée, vers l'Amérique latine et l'Europe de l'est.


Contretemps à Wall Street, réveil des canons et modèle australien - 26 mars 1999

Le paradoxe de Wall Steet
La Bourse américaine est entrée dans une phase paradoxale. Les taux d'intérêt remontent tandis que l'indice Dow Jones continue à battre des records. Pour Christine Callies, directrice de la stratégie au Credit Suisse First Boston, cette divergence devrait perdurer. Dans un premier temps, elle a observé que la hausse de Wall Street avait tendance à se prolonger plusieurs mois après que les taux d'intérêt aient commencé à remonter. Mais, selon ses dernières recherches, ce décalage est à double tranchant. "Les taux d'intérêt ne redescendront probablement pas avant que les actions aient baissé", estime Christine Callies. "En observant les cycles de taux d'intérêt précédents de 1974, 1981, 1984, 1987, 1990 et 1994, on remarque que les taux d'intérêt atteignent leur plus haut niveau après que les actions aient perdu au moins 10%." Autrement dit, précise Christine Callies, les actions n'ont peut-être plus beaucoup de records à battre avant de subir une correction de 10% à 15% tandis que les taux d'intérêt ne s'arrêteront pas de monter avant cette correction.

Le réveil des canons
Bombardements alliés en Serbie, programmes de missiles de 9 milliards de dollars à Taiwan et de 10,5 milliards de dollars aux Etats-Unis, achats d'avions de 3,2 milliards de dollars par l'Egypte, modernisation de l'armée polonaise à l'occasion de son entrée dans l'OTAN, dix jours après le salon de l'armement d'Abou Dhabi, les marchands de canons se frottent les mains. "Après des années de vaches maigres, la plupart des gouvernements de la planète votent des augmentations de leurs budgets militaires", observe François Sicart, président de la société de gestion new yorkaise Tocqueville asset management. Selon lui, les dépenses actuelles ne suffisent même pas à maintenir l'arsenal existant en état de fonctionnement alors que de nouvelles menaces, comme le terrorisme, la guerre urbaine ou la course à l'armement de la Corée du nord, requièrent d'autres moyens de défense. Du coup, François Sicart s'intéresse à quelques valeurs d'armement de haute technologie, comme Northrop Grumman, qui construit le bombardier furtif B2 et prépare des insectes de reconnaissance dignes de James Bond, ou le fabricant de radars Raytheon, dont le missile Patriot est devenu un best seller depuis la guerre du Golfe.

Le modèle australien
Le passé récent de l'Australie est riche d'enseignements pour le reste du monde, en particulier pour l'Euroland, estime Michael Hartnett, économiste chez Merrill Lynch. L'économie australienne a en effet enregistré 4,9% de croissance en 1998, sa meilleure performance depuis la hausse de 5,4% du PIB de 1994. Selon Merrill Lynch, l'Australie a bénéficié de la vigueur de la consommation et de l'absence d'inflation. Mais elle a été pénalisée, comme l'Europe, par un recul de l'investissement. La banque américaine estime que ce sont les dix années de réformes structurelles du marché du travail, du système de santé et de la fiscalité, qui ont vraiment augmenté le potentiel de croissance de l'Australie.


Vis pacem para bellum! Deux guerres agitent les marchés - 19 mars 1999

Bataille bancaire
Face à la fusion Société générale-Paribas, la BNP n'avait pas le choix. En restant hors du coup, elle perdait tout. En fonçant dans le tas, elle gagne à tous les coups. C'est ce que pense Stilianos Padelidakis, gestionnaire spécialiste des services financiers à la banque CPR. Ce serait peut-être même le plan de Daniel Bouton qui aurait donné des idées à Michel Pébereau. En laissant la Société Générale et Paribas se marier sans être invitée, la BNP était triplement perdante. Premièrement, elle ne pouvait plus fusionner avec l'un des deux protagonistes une fois qu'ils étaient alliés. Deuxièmement elle ne pouvait pas non plus s'allier avec le Crédit lyonnais qui lui préférait d'autres partenaires. Troisièmement, la BNP ne pouvait pas fusionner avec un étranger compte tenu de la réticence de Bercy aux mariages transfrontaliers depuis la bataille boursière sur les AGF. "En se jetant dans la bataille, la BNP a retourné toute la situation à son avantage", explique Stilianos Padelidakis. Dans les trois issues qu'il envisage, la BNP semble en effet gagnante. Premier cas: ça passe. La BNP a réussit un coup double et devient la première banque mondiale. Deuxièmement: ça casse partiellement. La BNP a des chances de réussir son OPA sur Paribas. La prime boursière offerte par la BNP sur Paribas lui vaudra la faveur des investisseurs. Le projet est appuyé par AXA qui détient 7,2% de la BNP, 7,5% du capital de Paribas et 11,9% de ses droits de vote. Enfin les deux banques sont plus complémentaires que concurrentes. Troisièmement: ça casse totalement. Soit parce que la Société générale lance à son tour une OPA sur la BNP, auquel cas elle fera quand même partie de la fusion. Soit parce que son OPA échoue, et dans ce cas, Bercy pourrait envisager son entrée dans le capital du Crédit Lyonnais comme une compensation du déséquilibre créé par le pouvoir accru de la Société Générale.

Guerre commerciale
Bataille transatlantique sur la banane, quotas américains sur les importations d'acier, interdiction de la subvention des exportations de lait canadiennes, tensions sur l'adhésion de la Chine à l'organisation mondiale du commerce, mesures protectionnistes contre les magazines américains au Canada, explosion du déficit commercial américain: après la crise financière, la guerre commerciale éclate. "1999 promet d'être une année difficile pour les défenseurs du libre échange, prévient Jack Lavery, économiste chez Merrill Lynch. Les voix du protectionnisme deviennent de plus en plus fortes." Selon une récente étude réalisée par le Cato Institute, seuls 37 membres du Congrès américain sont aujourd'hui en faveur du libre échange. L'origine la plus flagrante du problème est la vigueur de la croissance américaine. "L'économie américaine a progressé deux fois plus vite que le reste du monde en 1998 et devrait répéter cet exploit en 1999, explique Jack Lavery. Le déficit commercial n'est que le reflet de ce déséquilibre qui devrait persister jusqu'à ce que la croissance du reste du monde réaccélère, en l'an 2000." A moins que la guerre commerciale n'éloigne encore cet objectif.


L'Europe et les Etats-Unis redécouvrent le meilleur des deux mondes - 12 mars 1999

Reprise printanière en Europe
Le ralentissement européen aura été brutal mais court. "D'ici la fin du premier semestre, les sources de ralentissement s'estomperont et la demande intérieure s'accélérera", prédit Bruce Kasman, économiste à la banque JP Morgan. La production industrielle a reculé au rythme de 4% sur les trois derniers mois et le moral des chefs d'entreprise est déprimé par la faiblesse des exportations. Mais la consommation a connu sa meilleure performance depuis quatre ans, avec une croissance au rythme de 2,75% au second semestre 1998. "La confiance des consommateurs est remontée au dessus de son record des années 80, à un niveau qui se traduit habituellement par une croissance de la consommation de l'ordre de 4%", explique Bruce Kasman. La vigueur du marché de l'emploi devrait selon lui entraîner une forte reprise dans les mois qui viennent. "Notre prévision de 1,7% de croissance pour l'Europe en 1999 associe une faible croissance au premier semestre avec le retour à un rythme de croissance de 2,5% au second semestre", précise-t-il.

Feu vert pour la BCE
La démission du ministre des finances allemand Oscar Lafontaine libère la Banque centrale européenne des pressions politiques. "Le conflit entre le ministre des finances allemand et la BCE avait l'effet inverse de celui recherché", analyse Klaus Baader, économiste chez Lehman Brothers. La BCE peut maintenant étudier une baisse de taux d'intérêt en toute indépendance. "L'inflation devrait continuer à reculer au premier trimestre, estime Bruce Kasman, de la banque JP Morgan. Mais elle devrait remonter autour de 1% d'ici cet été, quand la chute des matières premières n'apparaîtra plus dans les comparaisons sur les douze derniers mois." Avec un recul de l'inflation à 1% en Italie, la BCE devrait néanmoins être rassurée par la stabilité des prix sur l'ensemble de l'Europe, estime Bruce Kasman. JP Morgan s'attend donc à ce que la BCE réduise son taux directeur à 2,5% avant l'été. Thomas Meyer, économiste chez Goldman Sachs, doute que la BCE prenne cette décision lors de sa réunion du 18 mars et parie sur une baisse de taux limitée à 0,25%. Selon lui, un tel assouplissement suffirait néanmoins à ramener le rendement des emprunts d'Etat en dessous de 4%.

Miracle à Wall Street
Les nouveaux records de Wall Street confirment le miracle américain. "Il y a toujours un risque que les investisseurs étrangers se lassent de financer notre déficit extérieur, que le dollar chute et que les taux d'intérêt remontent, reconnaît Steve Roach, l'économiste de Morgan Stanley. Mais nous traversons depuis vingt mois la plus grave crise financière des soixante dernières années et notre économie a progressé au rythme de 4% sur cette période." Selon Steve Roach, une des clé de ce miracle est que seuls 12% de l'économie américaine dépendent du commerce extérieur tandis qu'une part deux fois plus importante de l'activité profite directement de la baisse des taux d'intérêt. L'Europe, qui représente 28% des exportations et 15% des profits des entreprises américaines, devrait bientôt relayer la croissance.


Le boulet allemand, Wall Street résiste, le pétrole décolle - 5 mars 1999

Le boulet allemand
Avec un recul de son PIB au rythme de 1,5% au dernier trimestre 1998, l'Allemagne est un boulet pour la croissance européenne. Selon Joachim Fels, économiste chez Morgan Stanley, la récession sera néanmoins évitée de justesse grâce aux consommateurs. "Le ralentissement du commerce mondial a frappé les exportations allemandes qui ont fait reculer le PIB de 2% au dernier trimestre, explique-t-il. Et la construction a chuté à cause du mauvais temps." Heureusement, la consommation a progressé au rythme de 4,8% au troisième trimestre et de 3,2% au quatrième. Au total, Morgan Stanley s'attend à une croissance de l'économie allemande au rythme de 1,1% sur le premier trimestre et de 1,3% pour 1999. "Compte tenu des risques croissants de déflation, nous continuons de croire que la Banque centrale européenne assouplira fortement sa politique monétaire au deuxième trimestre", conclut Joachim Fels.

Greenspan dans le doute
La Fed abaissera-t-elle ou remontera-t-elle ses taux d'intérêt? Alan Greenspan hésite et se dit prêt à agir rapidement dans un sens ou dans l'autre si des déséquilibres menacent la croissance. "D'un côté il est inquiet à cause du Brésil et de la faiblesse de l'économie internationale, de l'autre il est inquiet à cause de la vigueur de la consommation et des créations d'emploi aux Etats-Unis", résume Bill Dudley, économiste chez Goldman Sachs. La poursuite de la baisse des taux annoncée par les experts il y a quelques mois n'est donc plus d'actualité. "La possibilité d'un assouplissement monétaire cette année a clairement diminué du fait que l'économie américaine soit restée forte et que les effets de contagion du Brésil soient restés, jusqu'à maintenant, modérés", estime Bill Dudley.

Wall Street résiste
Théoriquement, la remontée des taux d'intérêt obligataires devrait entraîner une correction proportionnelle de Wall Street. Pour l'instant, la hausse des actions semble pourtant insensible au repli des obligations. "La divergence des deux marchés est trop récente et trop faible pour constituer un risque majeur", estime Chrsitine Callies, responsable de la stratégie au Credit Suisse First Boston. En observant la réaction de Wall Street aux remontées de taux d'intérêt de 1984, 1987, 1990 et 1994, Christine Callies a calculé qu'il fallait que les cours des obligations baissent de 10% pour que les investisseurs vendent leurs actions. Elle a par ailleurs calculé que, depuis 1961, la hausse des actions s'était prolongée en moyenne 19 mois après que les taux d'intérêt aient commencé à remonter.

Le pétrole décolle
Le sursaut de 18% du cours du pétrole depuis trois semaines confirme les présages des experts (
La Lettre du 08 janvier 1999). "La production de pétrole des Etats-Unis a diminué de 350 000 barils/jour ces derniers mois, nous prévoyons qu'elle baissera de 400 000 barils/jour sur l'année et que la production des pays hors Opep baissera de 300 000 barils/jour en 1999", prévient Donald Textor, analyste chez Goldman Sachs, qui s'attend à un net redressement des cours du pétrole cette année.


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