Prévisions d'Experts > Juillet - Août 1999


Deux ans après, les souvenirs de la crise asiatique s'estompent - 8 juillet 1999

Les surprises de la reprise
Selon les économistes de Morgan Stanley, la reprise économique mondiale réserve encore des surprises. Selon la dernière enquête auprès des directeurs d'achats américains, l'indice NAPM des commandes à l'exportation du mois de juin est au plus haut niveau depuis août 1997, avant la crise asiatique. "Le rythme des exportations pourrait s'accélérer de 12% à 15% dans les prochains mois", estime Richard Berner. A ce rythme, les exportations représenteraient à elles seules 1% de croissance du PIB américain en 1999. L'indice NAPM des "prix payés" par les directeurs d'achats réserve en revanche une moins bonne surprise. "Cet indice a effacé toute la baisse qui avait débuté il y a deux ans, observe Steve Roach. Sa nouvelle progression en juin est même particulièrement surprenante alors que les prix de l'énergie s'étaient stabilisés ce mois là." L'indice NAPM de juin a en fait révélé la fermeté des prix de l'aluminium, du carton ondulé, du papier, du plastic et de la pâte à papier. Et ce n'est pas fini. "Avec la reprise asiatique, le plus fort potentiel d'accroissement de la demande mondiale de matières premières est de retour", note l'économiste de Morgan Stanley. Entre 1991 et 1996, l'Asie hors Japon avait ainsi représenté 65% de l'accroissement de la demande mondiale de matières premières.

L'euro n'a pas dit son dernier mot
Alors que l'euro s'approche du seuil psychologique de 1 dollar, peu d'experts parient sur son rebond. Ravi Bulchandani, spécialiste des changes chez Morgan Stanley, s'attendait ainsi récemment à voir l'euro tomber entre 0,95 et 0,90 dollars (lire "Prévisions d'Experts : Mai - Juin 1999"). Michael Hartnett, économiste chez Merrill Lynch, croit pourtant au potentiel de rebond de la monnaie européenne. "L'analyse économétrique suggère que l'euro devrait déjà se négocier à 1,06 dollars", explique-t-il. Sa principale raison de croire au réveil de l'euro serait l'amélioration relative de la croissance européenne, qui s'accélère, par rapport à la croissance américaine, dont il attend un ralentissement consécutif à la hausse des taux de la Fed.

Le retour des investisseurs étrangers
Les dévaluations ne découragent pas les investisseurs étrangers, estime Denise Yam, économiste chez Morgan Stanley à Hong Kong. "La fuite des capitaux se déclenche si les marchés s'attendent à une dévaluation, explique-t-elle, mais une fois que la dévaluation a eu lieu, les investisseurs reviennent." L'expérience des marchés émergents d'Asie confirme cette logique. En Corée, la balance des paiements courants est ainsi passée d'un déficit de 8,2 milliards de dollars en 1997 à un excédent de 40 milliards de dollars en 1998. Et en Thaïlande, elle est passée de 3,1 milliards de dollars de déficits en 1997 à 14,3 milliards de dollars d'excédent en 1998. "Le retour des capitaux étrangers permet à ces pays de rembourser leurs dettes par anticipation", note Denise Yam. La Corée a ainsi remboursé 20,5 milliards de dollars d'emprunts entre octobre 1997 et mars 1999, tandis que la Thaïlande remboursait 14,6 milliards de dollars de dettes sur la même période. Un exemple à suivre pour la Russie.


Les Bourses fêtent la reprise et oublient la hausse des taux - 2 juillet 1999

La Fed autorise les records
Après avoir officiellement durci l'orientation de sa politique monétaire le 18 mai, la Fed est passée à l'action, jeudi 30 juin, en relevant son taux directeur de 4,75% à 5%. Ce geste n'a pourtant pas empêché Wall Street et l'indice CAC 40 de franchir de nouveaux records. "Les tensions financières se sont apaisées, les économies étrangères se sont raffermies et la croissance américaine s'est poursuivie", a même rassuré Alan Greenspan. John Lipsky, l'économiste de la Chase, demeure pourtant inquiet. "L'annonce par la Fed qu'elle adoptait à nouveau une politique monétaire neutre n'exclut pas d'autres hausses de taux s'il n'y a pas de signes clairs de ralentissement", explique-t-il. Or, tant que la Bourse progresse, la demande explose. "L'impact de l'enrichissement boursier commence à se faire sentir sur les prix de l'immobilier, observe Christine Callies, économiste au Credit Suisse First Boston. L'euphorie des acheteurs n'a pas été ralentie par la hausse de 0,44% des taux du crédit immobilier. Une chute de 25% de Wall Street serait peut-être le seul choc capable de les calmer."

Et la croissance est belle
C'est officiel, la croissance se généralise. "La réalité de la reprise a été confirmée par le taux de croissance annuel de 7,9% enregistré au Japon au premier trimestre et renforcée par une croissance surprise de 4,2% au Canada", explique Christine Callies. Même l'Europe retrouve le sourire. "Entre le premier semestre de 1998 et le premier trimestre de 1999, la croissance des cinq principales économies européennes (Allemagne, France, Italie, Espagne et Pays-Bas) a ralenti de 2,9% à 1,4%, remarque Gavyn Davies, l'économiste européen de Goldman Sachs. Mais les signes de reprise devraient bientôt être plus évidents." Il voit trois raisons d'espérer: les taux de la BCE ont baissé de 1% en six mois, l'euro s'est déprécié de 13% par rapport au dollar, flirtant avec son plus bas depuis treize ans, et la croissance de la masse monétaire est supérieure aux 4,5% que s'était fixé la BCE. "Avec ces facteurs nous escomptons 2% de croissance pour l'Euroland en 1999 et 2,4% en 2000", prédit Gavyn Davies. Ce contexte de reprise serait favorable aux actions. "En Europe, les marchés qui réagissent le mieux à une accélération de la croissance mondiale sont la Suède, les Pays-Bas et l'Allemagne, estime Neil Williams, économiste chez Goldman Sachs qui a étudié le phénomène sur 25 ans. A l'inverse, les Etats-Unis, le Royaume Uni et la France ont généralement une moins bonne performance dans ce contexte."

Après les sommets
Reste à savoir quelle tendance succédera aux sommets. "Depuis trente ans, l'évolution des actions a toujours suivi et anticipé les pics et les creux de la production industrielle, analyse Neil Williams. Néanmoins, les actions ont souvent atteint leur sommet environ un mois après le pic de redressement de la production industrielle." Les fortes accélérations de croissance entraînent en effet souvent des tensions sur les taux d'intérêt qui, selon les calculs de Neil Williams, ont un impact négatif sur les actions sept fois plus fort que l'impact positif de l'accroissement de la production.


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