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Rédigé en septembre 1999
Comment acheter un bien à rénover?
Cette opération revient souvent plus cher que l'achat d'un appartement en bonne état.

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Rénover un logement permet d'avoir un intérieur à son goût
Acheter une ruine pour une bouchée de pain et la transformer en palace de grand standing semble une idée séduisante. Qui n'a pas rêvé de pouvoir devenir ainsi l'heureux propriétaire d'un spacieux appartement parisien à 10.000 francs du mètre carré? Contrairement aux idées reçues, acheter un bien à rénover revient souvent plus cher que d'acheter un appartement en bon état. Il faut le savoir avant de se lancer dans l'aventure. Ce type d'opération est notamment à déconseiller aux non-bricoleurs disposant d'un budget limité. La principale motivation des candidats à la rénovation doit être de se construire un intérieur sur mesure. "Acheter un bien à rénover est avant tout une démarche créative", souligne Laurent Dumas, président de Transimmeubles, un promoteur spécialisé dans la transformation de bureaux en logements. Mais, même dans ce cas, et en serrant les coûts, il ne faut pas espérer faire l'affaire du siècle.

Les règles à respecter pour évaluer l'intérêt d'un tel projet
La première étape, avant même d'envisager un achat, consiste à prendre en compte quatre aspects financiers. Le premier élément est évidemment le prix auquel on va payer le bien à rénover. On considère généralement que le prix du foncier, c'est-à-dire du terrain non bâti, représente 30 à 40% du coût total d'une construction neuve. Dans le cas d'une rénovation totale, par exemple si l'on achète un entrepôt ou un atelier pour le transformer en appartement, le prix d'achat ne doit pas dépasser 40% du coût de revient total de l'appartement rénové. Quels que soient les arguments avancés par le vendeur pour justifier son prix, ne vous laissez surtout pas impressionner. Renseignez-vous sur le prix des beaux appartements de taille comparable situé dans le quartier et appliquez-lui une décote de 60%. Bien sûr, le rapport entre le prix d'acquisition et le coût des travaux n'est pas le même pour un appartement à rafraîchir ou une surface à aménager dont les structures sont déjà en bon état. (lire encadré : Les points à considérer)

Faites chiffrer le coût des travaux par un architecte
Inversement, le prix des travaux, qui est le deuxième élément à prendre en compte, ne doit pas rendre votre rénovation plus coûteuse que l'achat d'un appartement en bon état. Les deux autres dépenses à considérer sont liées à la durée des travaux. En effet, avant de pouvoir emménager dans votre nouvelle demeure, vous devrez payer des intérêts sur l'argent emprunté pour financer les travaux et continuer à verser le loyer de votre logement actuel. Par exemple, si vous avez un loyer ou une mensualité de remboursement de 5.000 francs par mois et que vous empruntez 1,5 million de francs pour acheter et rénover votre futur logement, il vous faudra débourser plus de 17.000 francs par mois pendant la durée de préparation et d'exécution des travaux, soit environ un an. Une somme importante qu'il faut inclure dans le coût total de l'opération.

Tout l'équilibre d'une opération de rénovation repose sur le coût des travaux. Le seul moyen de les chiffrer avec précision consiste à faire ausculter l'immeuble par un architecte spécialisé dans ce type de réhabilitations. "Il vaut mieux dépenser 4.000 ou 5.000 francs pour faire évaluer précisément l'ampleur des travaux à réaliser par un architecte plutôt que de faire confiance à des estimations vagues", conseille Dominique Plaute, présidente de la société de promotion Atrio. Cette démarche est également un passage obligé pour s'assurer que les travaux que l'on envisage sont réalisables, à la fois d'un point de vue technique mais également au regard des règles d'urbanisme.

Une bonne solution pour ne pas repayer une évaluation complète à chaque visite peut être de passer un accord avec l'architecte auquel on confiera la réalisation des travaux pour qu'il vous conseille au fur et à mesure. Il peut aussi vous aider à éviter les mauvaises affaires et ne se livrer à une expertise approfondie que sur deux ou trois projets qui lui sembleront viables. À ce stade, il n'est évidemment pas question d'avoir signé quelque promesse que ce soit. D'autant plus que les évaluations de l'architecte seront votre principal argument pour négocier le prix d'un bien à rénover. Cette première estimation vous prendra environ deux semaines. Si cette étape est concluante et que le vendeur accepte votre offre de prix, vous pourrez signer une promesse de vente et commencer l'étude concrète de votre rénovation. (lire encadré la TVA réduite et le crédit d'impôt)

L'Iris assiste les candidats à la rénovation
Pour aider les particuliers qui ne savent pas à qui s'adresser, la fédération parisienne du bâtiment a mis en place un service spécial baptisé Iris qui regroupe des notaires, architectes, entreprises de rénovation et autres professionnels spécialisés dans ce type d'opérations. L'Iris assiste aussi les candidats à la rénovation dans leurs démarches dès lors qu'il s'agit de transformer un local commercial en logement.

Bien sûr, l'étude préalable est plus succincte si vous achetez une surface à aménager auprès d'un promoteur qui s'est déjà chargé de la rénovation des parties communes et des structures de l'immeuble. Il existe de plus en plus de spécialistes de ce type de rénovations clé en main qui permettent de concevoir son intérieur sur mesure sans trop de tracas. Parmi ces promoteurs-rénovateurs, on peut notamment citer "MV et A" et Transimmeubles ainsi que certains architectes reconvertis en promoteurs. Dans ce cas, vous bénéficiez de toutes les garanties décennales sur la solidité des travaux réalisés et d'une réduction sur le prix de votre aménagement intérieur, qui sera généralement compris entre 3.000 et 4.000 francs par mètre carré.

"Dans le IIIe arrondissement de Paris, nous avons commercialisé des surfaces à aménager à 15.000 francs du mètre carré mais nous pouvons aussi nous charger de l'ensemble de la rénovation qui revient alors autour de 19.000 francs par mètre carré", explique Laurent Dumas, de Transimmeubles. Selon lui, cette solution permet d'économiser 10% par rapport au prix d'un appartement ancien déjà refait à neuf. Dans un cas comme dans l'autre, sachez aussi qu'un chantier difficile d'accès peut faire grimper la facture des travaux de 20% en raison des aller-retour nécessaires à la livraison des matériaux et à l'enlèvement des gravats.

Des écarts de prix du simple au double sur les devis
Avant de poser la moindre cloison ou fenêtre, il faut planifier méticuleusement les travaux et leur déroulement. Dans un premier temps, le candidat à la rénovation prépare avec son architecte une liste exhaustive des travaux à prévoir et des matériaux à employer. Ces renseignements sont consignés dans un document d'une centaine de pages appelé descriptif tous corps d'État (DCE). C'est sur la base de ce cahier des charges que l'architecte fait réaliser des devis pour mettre les entrepreneurs en concurrence. "Les écarts de prix peuvent aller du simple au double pour un même devis", observe Isabelle Couëtoux du Tertre, directrice adjointe de l'Agence nationale d'information sur le logement (Anil). Il est donc indispensable d'être le plus précis possible dans la description des travaux pour éviter les modifications coûteuses.

Une fois que l'architecte et les artisans se sont mis d'accord sur les devis, ces derniers sont récapitulés dans un document appelé le "marché" par lequel l'entrepreneur s'engage à réaliser les travaux conformément à leur description, et au prix convenu, selon un calendrier qui prévoit précisément la date de livraison et les pénalités de retard.

Dans le même temps, l'architecte doit procéder à toutes les démarches administratives obligatoires. Dans le cas d'une rénovation de grande envergure, elles sont nombreuses. Le permis de construire peut à lui seul nécessiter trois mois de démarches. S'il s'agit d'une transformation d'atelier ou de bureaux, il est impératif d'obtenir une autorisation de changement de destination du bien. Si cette transformation porte sur une surface de plus de 300 mètres carrés, la construction d'un parking peut être obligatoire. Si c'est impossible, il faut en acheter un dans un périmètre de 500 mètres ou s'acquitter d'une taxe de 62.000 francs. Si l'on ajoute à cela les autorisations nécessaires pour percer une fenêtre ou changer un plancher, comptez au total jusqu'à six mois pour la seule phase de préparation des travaux. Évidemment, toutes ces étapes préalables sont plus rapides et moins complexes lorsqu'il s'agit d'une rénovation partielle ou de l'aménagement d'une surface spécialement prévue à cet effet.

Visitez le chantier au moins deux fois par semaine
Si vous avez fait preuve de suffisamment de patience pour étudier sérieusement votre projet de rénovation, vous arrivez presque au bout de vos peines. Contrairement à ce que croient les apprentis-rénovateurs, les travaux ne sont pas la phase la plus longue. "Une fois que le chantier est lancé, et s'il ne prend pas de retard, la rénovation d'une surface de 300 mètres carrés peut être achevée en moins de six mois", estime Dominique Plaute, d'Atrio.

La première condition nécessaire au respect du calendrier des travaux est évidemment de suivre le chantier en quasi-permanence. Comptez au moins deux visites par semaine, voire plus selon l'ampleur de la rénovation. Soyez particulièrement vigilant aux moments les plus critiques, par exemple lorsque les travaux portent sur une charpente ou un plancher endommagé. Enfin, sachez qu'un chantier réserve toujours des imprévus. Même les professionnels endurcis à ce type d'épreuve rencontrent des mauvaises surprises. Ainsi, il n'est pas rare que les modifications de dernière minute entraînent un dépassement de 30% du budget initial. Prévoyez un matelas de sécurité pour faire face à ces dérapages imprévus. La rénovation est certainement une source de satisfaction quand on a un tempérament de bâtisseur. Mais ce n'est assurément pas une solution de facilité.

Gilles Pouzin

Les points à considérer :

  • Le prix du foncier n'est-il pas trop cher?
    Ne vous laissez pas influencer par le discours du vendeur et restez strict sur votre prix. Dans ce type de vente, les intermédiaires ont parfois tendance à exagérer la valorisation de votre bien après rénovation.
  • Le site convient-il à une habitation?
    Certains anciens bureaux ou ateliers sont parfois situés dans un environnement peu agréable à vivre et sans services à proximité.
  • Le projet de rénovation est-il compatible avec le bien visité?
    Certaines surfaces à aménager, parce qu'elles sont atypiques, peuvent être sources de contraintes dans votre futur aménagement intérieur. Dès la première visite, notez bien la distribution de l'espace (poteaux, conduits de cheminée, murs porteurs, pièces aveugles, etc.). S'il s'agit d'une copropriété, assurez-vous également que vous pourrez procéder aux aménagements souhaités.
  • Le changement de destination des locaux est-il déjà acquis?
    Si l'on achète un local à usage professionnel, il faudra obtenir l'autorisation administrative de le transformer en habitation. Le changement d'affectation se fait lors de la demande d'obtention du permis de construire. Vous pouvez obtenir tous les renseignements sur ces sujets auprès de l'Iris.
    Iris, un service de la fédération parisienne du bâtiment.
    Tél.: 01 40 55 10 50.
  • Une évaluation technique du local a-t-elle été réalisée?
    Il ne faut pas se contenter d'un simple passage en revue du local convoité. Vous devez faire appel à un professionnel qui pourra analyser la structure de l'immeuble, son état et vous prévenir en cas de problèmes sur la possibilité des rénovations envisagées.
  • Le coût précis de l'opération a-t-il été estimé?
    Il ne faut surtout pas se lancer dans ce type de projet sans avoir fait chiffrer précisément le coût des travaux par un professionnel indépendant du vendeur. Ne comptez pas faire baisser votre facture en utilisant le système du travail au noir. Cette solution est à déconseiller: en cas de travail mal fait, vous n'avez aucun recours.
  • L'ensemble de vos besoins financiers a-t-il été bien pris en compte?
    Loyer, crédit, surcoût éventuel des travaux... Avez-vous pris des dispositions pour faire face à tous vos engagements? Certaines banques, comme le Crédit Foncier, proposent un prêt avec la possibilité de différer les mensualités pendant toute la durée des travaux. À condition toutefois que vous fassiez appel à un maître d'ouvrage qui s'engage sur un délai précis.

    La TVA réduite et le crédit d'impôt :
    Jusqu'au 14 septembre, deux régimes cohabitaient : une réduction d'impôt pour les gros travaux (20% des dépenses engagées avec un plafond de 20.000 francs pour un célibataire et de 40.000 francs pour un couple marié, plus majoration pour enfants à charge) et un crédit d'impôt pour les dépenses d'entretien (20% d'un plafond de 10.000 ou 20.000 francs).
    Désormais, les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien portant sur les locaux à usage d'habitation (résidences principales, secondaires ou biens loués) construits depuis plus de deux ans bénéficient d'une TVA au taux réduit de 5,5% au lieu de 20,6% précédemment.
    Cette TVA réduite s'applique à la main d'oeuvre et aux éléments d'équipement, à l'exclusion de ceux qui sont trop importants (chaudières d'immeubles collectifs, ascenseurs, etc.). Pour ces derniers, l'ancienne réduction d'impôt est transformée en crédit d'impôt. Il sera égal à 15% du montant des gros équipements soumis au taux normal de la TVA dans la limite des plafonds de 20.000 ou 40.000 francs, plus majoration pour enfants à charge.
    Quant au crédit d'impôt pour les petits travaux d'entretien (pose d'une moquette, peinture, changement d'un lavabo, etc.), il est maintenu pour les résidences principales mais ramené à 5% dans la limite d'un plafond de 10.000 ou de 20.000 francs.


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