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Rédigé le 10 avril 2000
La vraie rentabilité des placements :
Combien rapporte vraiment la Bourse?

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Gagner en Bourse est à la portée de tous
C'est ce que s'évertuent à nous démontrer les reportages consacrés à ce sujet qui déferlent depuis quelques temps sur le petit écran. Témoignages à l'appui, on y apprend qu'un spéculateur a empoché 3 millions de francs en un an, ou qu'un autre vit grâce aux plus-values réalisées sur ses indemnités de licenciement. La mise en avant de ces heureux gagnants ne donne pourtant pas une idée très juste de ce que la Bourse rapporte réellement. Bien sûr, les actions sont le meilleur placement à long terme.

Pour ne pas se bercer d'illusions dangereuses, il est cependant nécessaire de bien connaître leur vraie rentabilité. Celle-ci doit d'abord intégrer les frais et la fiscalité. Lire l'encadré "Combien rapporte réellement l'assurance vie". Mais elle doit surtout prendre en compte les risques pris par l'investisseur pour arriver à ses fins. Car c'est souvent en croyant pouvoir s'enrichir rapidement que les épargnants prennent des risques trop importants et finissent par perdre de l'argent. A l'inverse, un investisseur qui gère son portefeuille en père de famille réalise généralement de meilleures performances que ce qu'il croit, compte tenu de la prudence de sa stratégie.

La prudence, une stratégie qui rapporte
Ainsi, certains épargnants ont d'importantes liquidités. Dans ce cas, une performance plus modeste de l'ensemble de leur portefeuille n'est pas forcément un mauvais résultat, car ils prennent moins de risque. Prenons l'exemple de François Lemoine, un lecteur qui avait l'impression de ne pas bien gérer son PEA. "Je suis satisfait par la performance de mes actions mais je ne comprends pas pourquoi mon portefeuille n'a progressé que de 32% l'an dernier alors que l'indice CAC 40 gagnait 51%", s'inquiétait-il. En apparence, ce résultat peut effectivement sembler un peu décevant. Mais en étudiant plus précisément la répartition de son portefeuille, nous avons découvert que la performance de ses titres était bien plus proche de celles de l'indice CAC 40 que ce qu'il pensait.

Notre lecteur avait conservé tout au long de l'année 17% de liquidités non rémunérées sur son PEA pour profiter des opportunités qui pourraient se présenter en cas de correction boursière. Les 32% de gains qu'il a obtenu sur l'ensemble de son PEA provenaient donc de la seule progression des 86% de son portefeuille qui étaient effectivement investis en actions. La plus-value des actions qu'il détenait avait donc été, en moyenne, de 38,6% (32 sur 86 = 38,6%). Il se trouve par ailleurs que ce lecteur ne possédait pas d'actions France Télécom. Or, si l'on calcule la performance de l'indice CAC 40 en retirant France Télécom, sa progression en 1999 n'a été que de 38,8%. La performance obtenue par François Lemoine n'est donc pas mauvaise en elle même. Elle résulte simplement d'une stratégie prudente qui prend tout son sens à long terme. Ses liquidités lui ont permis de profiter du repli de quelques grandes valeurs, comme Accor ou Sodexho, pour les faire entrer dans son PEA à la fin mars. Une stratégie payante à long terme.

Lire l'avis de Pascal Duval "Votre performance n'est pas celle que vous croyez !"

La spéculation, des résultats décevants
A court terme, beaucoup d'investisseurs veulent avoir une gestion plus dynamique pour profiter des hauts et des bas de la Bourse. En théorie, il suffit de vendre ses actions quand le marché franchit des sommets et de les racheter dès qu'il est dans un creux. Certains y arrivent très bien. Mais, dans la pratique, cette stratégie est risquée. Car les rebonds sont aussi imprévisibles que les corrections. Une étude réalisée par le géant américain de la gestion Fidelity montrait ainsi que, pendant les années 80, un investisseur qui aurait raté les 40 plus fortes séances de hausses de Wall Street (soit en moyenne quatre jours par an) aurait obtenu une performance annuelle moyenne de 4% au lieu des 17,6% de gains qu'il aurait enregistré en restant investi en permanence, même pendant les périodes de baisse.

Les plus fortes hausses ont souvent lieu juste après les baisses. Le plongeon de 10% du Nouveau Marché, le 5 avril, a ainsi été suivi par un rebond de 18% le lendemain. Du coup, et compte tenu des frais, les investisseurs gagnent rarement beaucoup d'argent en essayant d'entrer et de sortir du marché en permanence. D'une façon générale, les particuliers qui espèrent s'enrichir en achetant et en revendant des titres à longueur de journée obtiennent des résultats très décevants. Ainsi, selon une enquête réalisée par l'association américaine des administrateurs de titres, 70% des particuliers qui spéculent à plein temps, appelés day traders, perdent de l'argent, même quand la Bourse monte. Lire l'encadré "Le mauvais calcul des Beardstown Ladies".

Il en va de même avec les produits financiers les plus spéculatifs, comme les warrants et les options. Selon le service d'inspection du Conseil des marchés financiers (CMF), les particuliers qui misent sur les marchés à terme sont majoritairement perdants. En examinant plus de 2 000 comptes, le CMF a découvert que les particuliers qui se sont aventurés sur le marché des options négociables sur actions (le Monep) ont, en moyenne, perdu 41 500 francs chacun en 1997. Pour être précis, 38% de ces particuliers ont perdu entre zéro et 20 000 francs, 13% ont perdu entre 20 000 et 50 000 francs, 7% ont perdu entre 50 000 et 100 000 francs et 6% ont perdu entre 100 000 et 300 000 francs. A l'inverse, moins de 40% des particuliers ayant acheté des options sur actions ont gagné de l'argent. Et leurs gains étaient généralement très faibles.

Conclusion
Ces explications n'ont pas pour but de vous dissuader d'investir en Bourse. Au contraire. Toutes les études montrent que les actions sont le meilleur placement pour faire fructifier votre argent à long terme. A condition d'avoir des attentes réalistes. Ceux qui suivent une stratégie prudente obtiennent ainsi de très bonnes performances, compte tenu des précautions qu'ils prennent. Alors que ceux qui croient pouvoir réaliser des gains extraordinaires à court terme apprennent souvent à leurs dépens qu'ils s'exposent en fait à des risques exceptionnels.

Gilles Pouzin
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