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Rédigé le 10 avril 2000
La vraie rentabilité des placements :
L'investissement immobilier est moins rentable qu'il n'y paraît.

Lire également : "Combien rapporte vraiment la Bourse?"

Acheter un logement pour le louer est une idée séduisante. Dans le réseau d'agences immobilières Century 21, près d'un acquéreur sur huit achète ainsi un appartement ou une maison dans une optique de placement. Et, à l'échelle nationale, le parc locatif privé a augmenté d'environ 80 000 logements par an entre 1988 et 1996. Mais tous ces propriétaires font-ils vraiment de bonnes affaires?

Analyser tous les aspects de l'investissement
La première étape pour évaluer la rentabilité réelle d'un investissement immobilier consiste à analyser l'ensemble des rentrées et des sorties d'argent qu'il génère. Cette étape est probablement la plus difficile, car la plupart des propriétaires ne tiennent pas une comptabilité très pointilleuse. Premièrement, le prix à payer pour devenir rentier est bien plus élevé que celui affiché sur les annonces immobilières. En effet, il faut y ajouter les droits de mutation empochés par le fisc, les éventuels frais d'hypothèque et les frais d'agence si vous n'achetez pas à un particulier. Bien sûr, les frais de notaire ont baissé. Mais leur impact sur la rentabilité de votre investissement reste important.

Pour un appartement de 700 000 francs dont 70% du coût d'acquisition est financé à crédit, les droits de mutation, taxes et autres frais d'hypothèque s'élèvent à 62 300 francs, soit presque 9% du prix d'achat. Si vous rajoutez 4% ou 5% de frais d'agence, le coût de votre investissement immobilier est déjà 13% ou 14% plus cher que son prix initial. Enfin, vous devrez surtout tenir compte du coût des travaux nécessaires pour remettre votre logement en état de location. Qu'il s'agisse de petits travaux de décoration ou d'une rénovation lourde, les propriétaires que nous avons interrogé ont dépensé entre 5% et 100% du prix d'achat de leur logement pour le louer correctement.

Ne pas confondre le chiffre d'affaires et le bénéfice
Quand ils doivent s'endetter pour financer l'achat de leur investissement immobilier, beaucoup de propriétaires se fixent comme objectif de rembourser les mensualités de leur crédit avec les loyers qu'ils percevront. De cette façon, ils se disent qu'ils n'auront pas à sortir d'argent de leur poche. C'est faux. En effet, l'investissement locatif est truffé de coûts cachés qui s'additionnent tout au long de l'année et qu'il faut prendre en compte si l'on veut savoir ce qu'il rapporte réellement. Charges non récupérables, frais d'entretien, assurance multirisque, taxe foncière et CSG sur les loyers sont autant de dépenses qui grignotent la rentabilité de l'investissement locatif.

Dans les simulations qu'il effectue pour ses clients, le Crédit foncier prévoit par précaution que le loyer brut qu'ils percevront sera diminué de 25% par la taxe foncière et les frais d'entretien. Et pour terminer le calcul de votre bénéfice, il faut bien sûr penser à déduire l'impôt sur vos revenus fonciers.

Calculer le taux de rendement interne (TRI)
Une fois que vous aurez recueilli toutes ces données, l'équation à résoudre doit tenir compte de toutes les sommes dépensées et des loyers perçus en fonction des dates auxquelles ces sommes ont été encaissées ou déboursées. La meilleure solution est d'utiliser une calculatrice financière équipée d'une fonction de calcul du taux de rendement interne (TRI). C'est ce que nous avons fait pour évaluer la performance réelle de l'investissement locatif de Louis Maffe, 32 ans, un de nos lecteurs. Lire l'encadré "Le véritable rendement de l'immobilier locatif : l'exemple réel de Louis Maffe
".

Son histoire commence en 1995, quand il décide d'acheter un petit deux pièces pour se loger, à Ville d'Avray. Bien qu'il soit un peu à l'écart du centre ville et dans un immeuble sans caractère, ce logement lui semble abordable. "A 300 000 francs pour 30 mètres carrés, cela me semblait une bonne affaire, se souvient Louis Maffe. Même si j'ai découvert avec la loi Carrez que sa surface réelle n'était que de 28 mètres carrés." Compte tenu des frais de notaire et d'agence et de quelques travaux, son acquisition lui revient à 378 000 francs. Ne disposant que de 20 000 francs d'apport personnel, il souscrit un crédit de 290 000 francs et promet de rembourser rapidement les 48 000 francs restants qu'il emprunte à sa famille.

Mais la naissance d'un enfant est annoncée et il préfère mettre son logement en location pour en habiter un plus grand. "Avec un loyer de 2 980 francs, je n'ai eu aucun mal à trouver un locataire, explique-t-il. Mais au dessus du seuil psychologique des 3 000 francs, ils risqueraient de chercher ailleurs au bout de quelques mois." En théorie, le loyer paye presque les mensualités du crédit principal et il représente un revenu de près de 12% par rapport au prix d'achat de l'appartement. La réalité est pourtant bien différente. En additionnant l'ensemble de ses dépenses et mensualités, son investissement lui coûte, en moyenne, 1046 francs de plus que ce qu'il lui rapporte chaque mois. Tant pis. C'est le prix à payer pour se constituer un patrimoine. Mais cet argent est-il bien investi? Tout dépend du prix auquel il revendrait son logement aujourd'hui. S'il en tirait 400 000 francs, le taux de rentabilité interne de son investissement s'élèverait à 10,3%. Mais s'il ne le revendait que 350 000 francs, estimation fournie par une agence immobilière, la rentabilité réelle de son investissement tomberait à 3%.

L'influence des différents paramètres
Comme le montre cet exemple, il suffit qu'un seul paramètre change pour que la rentabilité soit totalement chamboulée. Après la collecte des données chiffrées, la seconde difficulté majeure est donc d'appréhender l'évolution de tous les facteurs qui peuvent influencer la rentabilité d'un placement immobilier, comme le prix de revente, les frais d'entretien, les loyers, le taux d'imposition du propriétaire ou le mode de financement de son acquisition.

Si Louis Maffe avait financé son investissement sans crédit, sa rentabilité aurait été différente. D'abord, son coût d'acquisition aurait été inférieur, en raison de l'absence de frais d'hypothèque, mais sa mise de départ aurait aussi été plus importante, à 361 000 francs au lieu de 68 000. Ensuite, ses dépenses mensuelles moyennes auraient été supérieures (792 francs au lieu de 645 francs), car il n'aurait pas pu déduire les intérêts d'emprunt des loyers perçus, ce qui aurait augmenté son impôt sur le revenu. Mais d'un autre côté, il n'aurait pas payé de mensualités de crédit et aurait donc bénéficié de rentrées nettes d'argent de 2 188 francs par mois au lieu d'avoir des sorties nettes de 1 046 francs chaque mois. Au bout du compte, il aurait obtenu un taux de rendement interne de 8,9% s'il avait revendu son appartement 400 000 francs et de 6,% s'il l'avait revendu 350 000 francs. Alors qu'il s'agit exactement du même investissement, sa rentabilité réelle, nette de frais et d'impôts, aurait donc été totalement différente.

Le poids des impôts
Si Louis Maffe avait eu assez d'argent pour payer son investissement sans emprunter, il aurait probablement été plus riche. Ses revenus fonciers nets auraient alors peut-être subi 33% d'impôt au lieu de 10,5%. Dans ce cas, les rentrées nettes d'argent procurées par son logement seraient redescendues à 1 731 francs par mois. La rentabilité réelle de son investissement locatif aurait alors été de 7,4% s'il l'avait revendu 400 000 francs et de 5,1% s'il en avait obtenu 350 000 francs. Il peut être également intéressant d'estimer ce que son appartement rapporterait à Louis Maffe s'il le conservait jusqu'au remboursement total de son crédit, en janvier 2007.

Là aussi, les simulations que nous avons effectuées (lire l'encadré "Le véritable rendement de l'immobilier locatif : l'exemple réel de Louis Maffe") montrent à quel point la vraie rentabilité de cet investissement immobilier peut varier en fonction de sa valeur de revente et du taux d'imposition de son propriétaire. L'intérêt de ces évaluations n'est pas de multiplier les exemples à l'infini, mais de rappeler deux aspects essentiels de l'investissement immobilier. Premièrement, que sa rentabilité peut être très différente en fonction du profil de l'investisseur. Deuxièmement, que cette rentabilité est de toute façon très inférieure à ce que croient beaucoup d'investisseurs. D'autant plus que nos évaluations ne prennent pas en compte les éventuels impayés, les périodes de vacance entre deux locataires ou les dépenses exceptionnelles de ravalement qui risqueraient de réduire encore cette rentabilité. Lire l'encadré "L'investissement Besson est-il rentable ?".

Les relations avec les locataires
Résultat, près de 20% des propriétaires bailleurs souhaitent vendre leur investissement. C'est du moins ce que révèle le dernier dossier des comptes du logement publié par le ministère des finances. La plupart de ces propriétaires déçus invoquent le trop faible rendement de leur investissement, la médiocrité des loyers, la lourdeur de la fiscalité ou le coût des charges et des travaux. Le second motif de déception le plus souvent cité est la difficulté de gérer un investissement locatif en raison du comportement des locataires, des problèmes de relocation et de la complexité administrative en général. Il est vrai que les propriétaires n'ont pas toujours la chance d'avoir des locataires honnêtes comme ceux de Louis Maffe. Lire le témoignage de Jean et Monique Boutelou.

A la fin 1996, 114 000 locataires n'avaient pas payé leur loyer depuis plus de deux mois. Selon l'Insee, 2% des logements locatifs privés étaient victimes de ces mauvais payeurs. Du coup, les procès entre propriétaires et locataires ont bondi de 16% entre 1988 et 1997. De quoi dégoûter à jamais les investisseurs enlisés dans cette spirale infernale.

Le fardeau des travaux
Les travaux sont une autre source de soucis pour les propriétaires bailleurs. Non seulement ils coûtent toujours plus cher que prévu, mais ils demandent surtout un investissement personnel qui va bien au delà de leur seul financement. "J'ai consacré un week-end sur deux et deux semaines de vacances par an pendant deux ans à la rénovation de mon premier investissement immobilier, se souvient François Victor, ingénieur commercial à Montauban. Et j'ai travaillé à nouveau deux week-end sur cinq et une semaine de vacances par an pendant deux ans pour rénover mon second investissement locatif." Certes, ses efforts ont été récompensés. Avec 500 000 francs de travaux, en plus du temps passé, il a transformé une vielle maison, achetée à crédit pour 433 000 francs, en une charmante copropriété comprenant quatre appartements de 50 mètres carrés. S'il les revend au prix escompté de 450 000 francs chacun, la rentabilité nette de frais et d'impôt de son investissement aura atteint 31% par an. Mais à quel prix? "J'aime construire, avoue François Victor (lire son témoignage). Mais des travaux de cette ampleur demandent beaucoup d'énergie et vous empoisonnent un peu la vie."

Pour ceux qui sont prêts à faire ce choix en connaissance de cause, l'immobilier peut néanmoins offrir des perspectives de rentabilité intéressantes, car ces contraintes découragent de nombreux investisseurs ce qui permet parfois d'acheter dans des conditions très intéressantes. Une clé pour réussir. "Dans l'immobilier, ce n'est pas sur le prix de vente que l'on fait de bonnes affaires, confirme Didier Pagel, président de la société de gestion de patrimoine Eléis, à Paris. C'est avant tout sur le prix d'achat que repose la rentabilité de l'investissement." Dans ces conditions, n'espérez pas qu'un investissement locatif vous procure une bonne rentabilité si vous l'achetez au prix du marché dans une période de flambée de l'immobilier.

Gilles Pouzin
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